Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 17 janvier 2013 à 9h30
Abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire — Motion de rejet préalable

George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative :

Cette proposition de loi donne à M. Chatel l'occasion de dresser un bilan de son action. Bien évidemment, il en est particulièrement satisfait.

On se demande, puisque l'absentéisme aurait reculé et que ce ministère a tout fait comme il faut, comment il se fait que l'on voie encore tant d'enfants décrocher ; que notre pays ait reculé dans les classements internationaux ; que dans les enquêtes évaluant les acquis des enfants et des jeunes chaque année, un écart croissant soit apparu entre ceux qui sont scolarisés dans l'enseignement général et ceux qui le sont dans l'éducation prioritaire, qui sont les enfants des quartiers populaires.

Si les méthodes de remédiation que vous aviez mises en place étaient véritablement efficaces, nous nous en serions aperçus. Malheureusement pour notre pays et pour nos jeunes, le bilan que vous nous tracez est loin d'être partagé par ceux qui examinent objectivement la situation.

Ce débat a quelque chose de savoureux : à entendre M. Chatel nous dire que si l'on veut améliorer la situation, il faut que l'on s'appuie sur des équipes homogènes et formées, on se dit que quelque chose ne va pas, puisque nous avons constaté que la formation des enseignants, qui est l'élément essentiel pour assurer la réussite des enfants, avait été sabotée par le ministère dont il avait la charge.

Par conséquent, je veux bien que l'on vienne nous dire aujourd'hui que tout va pour le mieux, mais malheureusement pour nos jeunes, ce n'est pas ce que nous avons constaté.

Il faut rappeler, quand vous parlez de l'incurie des parents, que si nous connaissons un absentéisme très net pour la dernière année de collège et la première année de lycée, notamment dans les lycées professionnels, c'est bien le signe que l'enfant commence à décrocher au niveau du collège parce qu'il n'a pas le niveau et qu'il n'arrive pas à suivre. Par conséquent, il y a deux solutions : soit il fait le zouave et perturbe la classe pour se donner un petit peu d'importance ; soit il arrête de venir. L'absentéisme montre donc bien qu'il n'a pas acquis les fondamentaux.

Avec Vincent Peillon, nous sommes en train de nous battre pour rendre à l'école primaire les moyens de donner aux enfants les bases qui leur font défaut, c'est une manière de lutter contre l'absentéisme. Car ce qui n'est pas acquis au niveau de l'école primaire fait cruellement défaut lorsque l'on se retrouve au niveau du collège, et notamment en troisième.

Je m'étonne aussi que M. Chatel nous fasse aujourd'hui un tableau général de tout ce qu'il faut faire pour lutter contre l'absentéisme et le décrochage. Nous ne sommes pas contre un certain nombre d'éléments qu'il met en avant, mais justement, il est constant que, dans la circulaire qu'il avait rédigée pour lutter contre l'absentéisme scolaire, il avait proposé des mesures et indiqué à la communauté éducative des voies qui ne coïncident pas avec les propositions de M. Ciotti.

D'ailleurs, je vous invite à relire cette circulaire : à aucun endroit il n'y est fait mention de la suspension des allocations familiales. Venir nous dire aujourd'hui que c'était l'alpha et l'oméga de la lutte contre l'absentéisme scolaire que vous étiez en train de mener, c'est faire preuve d'une amnésie singulière. Au contraire, vous y écriviez que : « L'absentéisme scolaire est () le plus souvent, le symptôme d'autres difficultés. La mobilisation de la communauté éducative pour lutter contre ce phénomène doit être poursuivie au sein des écoles et des établissements. Le dialogue avec l'élève et ses parents doit naturellement être recherché. Toutefois, en cas d'échec de ce dialogue, les recours auprès de l'inspecteur d'académie doivent être utilisés (). »

Aujourd'hui, quand nous disons qu'il faut rechercher le dialogue avec les parents, que toute la communauté éducative doit être mobilisée, nous nous inscrivons finalement dans cette démarche. Simplement, pour mettre en oeuvre cette démarche, il n'est pas utile de mettre en jeu les ressources des parents, car c'est une manière de singulariser et de sanctionner des parents qui ont le seul tort d'être plus modestes que les autres.

Par conséquent, nous ne supprimons pas l'avertissement aux familles, ni le dispositif d'alerte, de signalement et de convocation des parents, ni même le principe de la sanction, qui figure dans le code et qui consiste à alerter le procureur de la République. Si véritablement des parents, par leur laxisme, mettent en danger l'avenir de leurs enfants, ce dispositif demeure. Ne venez donc pas nous dire que cela n'existe plus.

Je suis donc vraiment étonnée de la proposition de M. Chatel, et l'avis du Gouvernement est évidemment de ne pas le suivre dans cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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