Intervention de Emmanuel Sartorius

Réunion du 16 janvier 2013 à 10h15
Commission des affaires économiques

Emmanuel Sartorius :

En guise de préliminaire, je souhaite mettre l'accent sur trois points de méthode qui illustrent les limites de l'exercice qui m'était confié. En premier lieu, quels étaient les objectifs de la mission ? Le Gouvernement souhaitait une expertise indépendante de la direction du groupe et des organisations syndicales. Dans cette perspective, le ministre du redressement productif m'a adressé, le 10 juillet 2012, une lettre de mission demandant cette expertise indépendante ainsi qu'une évaluation des mesures proposées dans le plan social afin d'établir un diagnostic partagé. En second lieu, qu'en était-il des moyens de la mission ? Ils étaient limités puisque nous étions deux experts, appelés à travailler dans un temps court puisque le rapport a été remis le 11 septembre 2012. En outre, nous ne disposions pas de pouvoirs d'investigation particuliers : nous n'avions ni les attributions d'un commissaire aux comptes, ni n'étions mandatés par le comité central d'entreprise. Notre analyse s'est donc appuyée sur les données publiques disponibles aux niveaux français (comité des constructeurs français d'automobiles – CCFA), européen (association des constructeurs européens d'automobiles – ACEA) et international (organisation internationale des constructeurs automobiles – OICA) ainsi que sur les rapports annuels du groupe, et des entretiens avec des représentants de la direction, du personnel et des experts du secteur. Cette mission indépendante est intervenue en amont de celle confiée au cabinet d'experts SECAFI, ce qui explique que les données du rapport datent d'il y a six mois, alors que le secteur automobile a entretemps connu des évolutions rapides.

Quel constat tire le rapport ? Tout d'abord, si le marché automobile mondial, qui représente environ 80 millions de véhicules par an, est en croissance (+ 3 % par an), il se caractérise par de fortes disparités régionales. L'Asie – majoritairement la Chine – représente la moitié de ce marché et connaît une croissance de 30 % par an. D'autres zones de forte croissance existent en Amérique latine (+ 15 %), en Russie (+ 4 %) et en Amérique du Nord (+ 3 %). Le marché européen, qui représente un quart du marché mondial, est en revanche fortement déprimé. Après un pic de production en 2007 avec 23 millions de véhicules, il a connu une forte baisse pour atteindre un niveau de 17 millions de véhicules produits en 2009. Ce niveau de production s'établit à 19 millions de véhicules fin 2011 et les dernières estimations l'évaluent à 17 millions de véhicules en 2012. Ce marché européen déprimé se caractérise par des faiblesses structurelles. En premier lieu, il s'agit d'un marché saturé dont la production est uniquement orientée sur le renouvellement du parc existant. En second lieu, avec une démographie stable, ce marché n'est pas porteur contrairement à celui de l'Amérique du Nord, par exemple. Enfin, il comprend des pays durement affectés par la crise financière comme l'Italie, l'Espagne et la Grèce. D'après le CCFA, la France en 2012 enregistre une baisse de production de 14 %, soit son niveau de vente le plus bas depuis 15 ans.

Deuxième élément de constat : le groupe PSA est fortement exposé sur le marché européen où il réalise 58 % de ses ventes, principalement en Europe du Sud dont les pays sont durement affectés par la crise et ont connu une diminution de près de la moitié de leur marché automobile en quelques années. Cette évolution doit être mise en regard de celle de la Chine par exemple où PSA ne réalise que 3 % de ses ventes alors que General Motors représente 16 % du marché et Volkswagen 14 %. De surcroît, le groupe PSA est un constructeur automobile généraliste, positionné sur les segments B et C du marché, les plus concurrentiels et marqués par une guerre féroce des prix. À titre d'exemple, j'ai été frappé d'observer des annonces publicitaires proposant une remise de 8 000 euros sur des véhicules Peugeot pendant les vacances de Noël. Tous les constructeurs généralistes comme Fiat, Opel ou Renault sont, comme le groupe PSA, pris en tenaille entre la production de véhicules à bas prix et les marques « Premium » qui descendent en gamme. Troisième élément du constat : le groupe PSA connaît une surcapacité de production sur le marché européen, découpé en zones « autosuffisantes » dans la mesure où l'on construit désormais là où on vend. Le groupe PSA est confronté à une sous-utilisation de son outil de production en Europe avec un taux d'utilisation de ses capacités qui n'a été que de 61 % en 2011. Sur les années 2008-2011, le recours au chômage partiel a représenté près de 4 millions d'heures et atteint aujourd'hui ses limites. Pour donner une idée de l'ampleur du recours à cette solution, 1,5 million d'heures représentent 1 000 emplois temps plein.

Deux raisons structurelles sont à l'origine de cette situation. D'une part, un objectif de production de 4 millions de véhicules par an fixé au début des années 2000 qui s'est avéré surdimensionné. Le groupe n'est en effet jamais parvenu à dépasser le chiffre de 3,6 millions de véhicules construits. Ce problème de surdimensionnement affecte tous les constructeurs européens comme en témoignent les fermetures d'usines de Fiat en Italie, de Ford en Grande-Bretagne et en Belgique et d'Opel en Allemagne. Parallèlement, les capacités de construction de véhicules se développent en Europe de l'est et en Russie, ce qui ne constitue bien évidemment pas une situation favorable. D'autre part, le groupe PSA est confronté à une difficulté de taille : 8ème au classement mondial des constructeurs, il ne peut bénéficier d'économies d'échelle alors que l'effet taille contribue entre 7 et 10 % du coût de production des véhicules. PSA s'est tardivement développé à l'international alors que le groupe bénéficiait d'une présence ancienne en Amérique latine, dès les années 60 et en Chine, dès les années 80. Mais, jusque dans les années 2000, le groupe n'a occupé qu'une position marginale sur ces marchés en ne développant pas ses moyens de production et en n'adaptant pas ses véhicules à la demande.

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