Intervention de Emeric Bréhier

Réunion du 12 janvier 2016 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeric Bréhier, rapporteur pour avis :

Je n'ai connaissance d'aucun procès qui aurait été intenté à un touriste ayant publié ses photos de vacances sur un réseau social. Cela dit, la situation particulière des oeuvres architecturales et des sculptures dans l'espace public ne justifie pas, à mes yeux, que l'on cesse de rémunérer les artistes et les architectes pour leurs oeuvres. Car il s'agirait bien de permettre à certains acteurs, notamment sur internet, et pas simplement des vacanciers, de reproduire sans autorisation et de tirer profit sans frais de toutes les oeuvres qu'ils souhaitent. Vous prétendez que cette exception favoriserait la diffusion des oeuvres : j'avoue mon scepticisme. Un certain nombre de ces plateformes, notamment YouTube et Dailymotion, ont passé des accords avec les sociétés d'auteurs pour assurer la juste rémunération des artistes. Je ne vois pas pourquoi d'autres acteurs – Wikipedia, si Mme Attard veut appeler un chat un chat – ne pourraient pas faire de même. Par ailleurs, rien n'empêche le titulaire du droit d'auteur de permettre la reproduction de son oeuvre à titre gratuit. Certains grands architectes le font, précisément pour faire connaître leur travail. J'aurais donc tendance à vouloir laisser aux artistes la liberté de choisir la façon dont leurs oeuvres pourraient être au mieux médiatisées. Quant à l'argument selon lequel une telle exception permettrait l'accès à la culture, il oublie que ces oeuvres, qui se situent précisément dans l'espace public, sont librement accessibles à tous.

De surcroît, il n'y a pas, en matière d'architecture et de sculpture, d'industrie forte pour soutenir les artistes. En particulier, la rémunération des plasticiens est constituée d'une myriade de petits revenus liés au droit d'auteur qu'il importe absolument de préserver. La Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) répartit ainsi 27 millions d'euros chaque année, pour les oeuvres d'environ 10 000 artistes, dont 69 % de plasticiens. Les sommes en jeu ne sont donc pas négligeables pour ces artistes. Aussi, prévoir une telle exception sans compensation pour les auteurs me semble particulièrement préjudiciable.

Enfin, monsieur Paul, la France ne présente pas de singularités qu'en cette matière, et ce n'est pas si choquant.

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