Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 12 janvier 2016 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Voilà des mois, sinon des années, que je reviens sur ce sujet au sein de notre commission : le domaine public. La première version du projet de loi parlait de « domaine commun informationnel », formule bien plus appropriée. Aussi, l'amendement AC8 propose de reprendre la première version du projet de loi. Il s'agit en effet de définir le domaine public de manière positive. Aujourd'hui, nous n'en avons qu'une définition en creux : lorsqu'il ne reste rien d'autre, il reste le domaine public. Il s'agit de définir un droit positif de certaines données, telles des oeuvres d'art, qui constituent un patrimoine commun de l'humanité, régulièrement rendues inaccessibles par un usage abusif du droit, notamment celui des marques ou celui des bases de données. Soixante-dix ans après la mort de l'auteur, une oeuvre est dans le domaine public. Or des ayants droit déposent des marques de façon à faire durer la poule aux oeufs d'or. L'auteur a pourtant pu vivre de ses droits, comme ses enfants, ses neveux, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants et ses cousins, et nous ne remettons pas cela en question – nous ne touchons pas au délai de soixante-dix ans.

Les ayants droit d'Arthur Conan Doyle ont par exemple créé une marque Sherlock Holmes et peuvent empêcher la sortie d'un film ou d'une pièce de théâtre, ou en retirer des recettes substantielles. Ce droit des marques permet d'attaquer le domaine public, domaine commun informationnel, tout simplement parce que celui-ci n'a pas de définition dans notre droit. De même, le département de la Dordogne a réclamé un droit d'auteur sur les reproductions de la grotte de Lascaux, 17 000 ans après la mort de ses créateurs, et la Bibliothèque nationale de France (BNF) impose des licences d'utilisation commerciales pour des oeuvres qui remontent à plusieurs siècles. Des cinéastes qui publient sur YouTube voient leur compte supprimé à la suite de plaintes fallacieuses de grands studios, alors qu'il s'agit de leur principale source de revenus.

Dans le même ordre d'idées, nous assistons au développement du copyfraud. Des établissements culturels publics ou privés font payer des droits pour l'accès à des oeuvres qui appartiennent à ce domaine commun informationnel. C'est un abus caractérisé, alors que nous sommes plus de soixante-dix ans après la mort du créateur, mais cette pratique est courante. Tout doit être fait pour défendre ce domaine commun informationnel.

Nous proposons également de donner aux artistes la liberté de faire ce qu'ils veulent, de disposer de leurs créations et de les mettre dans le patrimoine commun de l'humanité dès aujourd'hui, sans attendre soixante-dix ans après leur mort. Aujourd'hui, ils sont obligés de passer par des solutions contractuelles de type Creative Commons. Cela devrait être beaucoup plus aisément accessible à tous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion