Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Avant toute chose, je tiens à remercier la commission de nous avoir désignés pour cette mission d'information, ainsi que nos deux collègues guyanais de nous avoir accueillis dans leur terre d'élection. Notre gratitude va également aux pouvoirs publics locaux et aux services de l'État sur place ; je pense notamment au Parc amazonien de Guyane (PAG) qui nous a reçus dans la commune de Saül.

La Guyane est un territoire immense, dont la superficie est comparable à celle du Portugal, et dont la surface est à 95 % forestière. Avec une population peu dense, c'est un îlot de biodiversité unique et rare : un hectare guyanais recèle davantage d'essences d'arbres que tout le continent européen. C'est aussi la plus longue frontière terrestre que partage la France, en l'occurrence avec le Brésil. Le potentiel me semble immense ; j'ai la conviction que la Guyane contribuera grandement à la richesse nationale dans l'avenir, mais il faut que ce soit dans un mode de développement soutenable.

De nombreux défis se présentent : une immigration forte, un orpaillage clandestin endémique, une criminalité élevée, la pression démographique des pays voisins, l'indépendance alimentaire et énergétique, la sauvegarde des ressources halieutiques. À mon sens, les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux et les moyens font défaut. En matière pénale, par exemple, et sans même aborder la question des moyens, il paraît évident que les délais de présentation à un magistrat et de recours à un avocat qui prévalent en Europe sont totalement inadaptés à une interpellation qui se déroule au coeur de la forêt amazonienne. De surcroît, la collaboration avec les États voisins gagnerait à être améliorée. J'ai aussi noté un contraste saisissant entre le centre spatial guyanais, un des fleurons technologiques de l'humanité dans sa conquête de l'espace, et le reste du territoire.

En ce qui concerne les forages pétroliers en mer, pourquoi de tels risques sont-ils pris aussi rapidement pour des intérêts qui ne sont ni forcément français, ni forcément locaux ? On parle du consortium mené par Shell, mais j'attire l'attention de l'Assemblée nationale sur d'autres demandes de permis exploratoires actuellement en instruction – cinq si je ne m'abuse. Il y a au large de la Guyane une véritable ruée de la part de certaines compagnies dont je doute qu'elles prisent grandement le développement du territoire.

Dans le monde de la recherche, le programme Labex constitué autour du centre national de la recherche scientifique (CNRS) dispose d'un budget de dix millions d'euros, bien loin des attentes sociétales et des populations locales. Il convient que les initiatives de la capitale soient comprises et soutenues localement, sans quoi je crains qu'elles soient promises à l'échec.

Je terminerai en évoquant le « permis Limonade », concession aurifère attribuée à la société REXMA dans des conditions administratives et politiques qui interrogent. Nous étions à Saül, commune touchée par ce permis, au coeur du PAG. Comment peut-on y autoriser une exploitation par une société aux activités douteuses – on m'a alerté sur des importations illégales de pelleteuses – et qui ne respecte pas les règles européennes en matière de certification ? L'or rend fou ! La classe politique n'est pas opposée à son extraction, mais pas dans ces conditions. Ce permis symbolise la voie qu'il ne faut pas prendre, celle d'un développement non soutenable.

La Guyane est très riche et elle doit de développer : ce n'est pas rien d'entendre WWF demander une croissance de la pêche locale et une mise en valeur des ressources minières, encore faut-il que ce ne soit pas fait en dépit du bon sens. L'ordre républicain doit prévaloir et les populations locales profiter de la mise en valeur de leur espace. Je plaide pour ce type de développement soutenable, et c'est précisément sur ce point que notre commission devra faire preuve de la plus grande vigilance.

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