Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chevrollier :

La diversité des territoires constitue une richesse de notre pays. Celle des différents espaces guyanais l'illustre parfaitement. Je citerai le Parc amazonien de Guyane (PAG), le plus grand parc naturel de France, d'une surface de 3,4 millions d'hectares, qui forme avec le parc brésilien voisin de Tumucumaque la zone protégée la plus vaste au monde, au coeur de la forêt amazonienne. Leur protection renforcée, toutefois, ne doit pas aboutir à une sanctuarisation qui obèrerait toute perspective de développement, alors que des potentialités existent dans les domaines économique, agricole et touristique.

Je voudrais souligner que l'exploitation aurifère légale génère l'extraction d'une tonne d'or par an, alors que les opérations extractives illégales, conduites par quelque 15 000 mineurs clandestins venus des États limitrophes, les garimpeiros, permettent de produire neuf tonnes pour un revenu annuel d'un demi-milliard d'euros au cours d'aujourd'hui. Ce pillage des ressources minières a de graves conséquences écologiques : déforestation sauvage, pollution des sites, dispersion du mercure dans les cours d'eau et les nappes phréatiques, toxicité et turbidité aquatiques. Bien sûr, depuis 2008, la République a réagi à ce fléau en lançant l'opération « Harpie », qui mobilise 350 gendarmes et 800 soldats. L'effort de ces militaires, dont il faut saluer le dévouement, a porté ses fruits : 50 kg d'or et 750 kg de mercure saisis, 700 puits neutralisés, 8 000 interpellations et 140 incarcérations. Mais il semble que l'on atteigne un palier, et nos discussions avec les représentants des forces de l'ordre nous ont appris que le cadre juridique dans lequel elles opèrent devrait être revu, car les règles de la procédure pénale peinent à s'appliquer dans un espace dominé par la forêt amazonienne et où, de surcroît, les voies de communication restent rares. Les garimpeiros originaires du Brésil, et dans une moindre mesure du Surinam, forment de véritables villages autour des sites qu'ils aménagent : cette situation bafoue l'autorité de l'État.

S'agissant du permis d'exploration dit « Limonade », du nom d'une rivière locale, les élus rencontrés ne s'opposent pas à l'exploitation aurifère en tant que telle : ils veulent simplement éviter qu'elle se pratique n'importe où et n'importe comment, sans prise en compte des caractéristiques des territoires qu'ils représentent. Ils se sont étonnés, à juste titre, que ledit permis ait été accordé sans concertation préalable avec eux, et qui plus est dans une zone dans laquelle le Schéma départemental d'orientation minière prohibe toute forme d'exploitation pétrolière. Notre commission aura, je pense, l'occasion de se pencher prochainement sur cette question lors de l'examen du projet de loi de réforme du code minier.

L'exploration pétrolière en mer, menée par un consortium que dirige Shell, a donné des résultats contrastés : le premier s'est révélé positif, le second, dont les résultats ont été divulgués au cours de notre mission, négatif. Il reste à attendre le verdict des troisième et quatrième puits d'exploration pour estimer avec plus de précision l'ampleur du gisement. Il s'agit d'un enjeu d'intérêt national, et les investissements réalisés par le consortium sont considérables, comme nous l'ont exposé ses représentants rencontrés à Cayenne.

En conclusion, les recommandations de la mission peuvent se résumer en quatre points. Nous insistons, tout d'abord, sur une meilleure prise en compte des enjeux liés à l'orpaillage illégal et au pillage des ressources naturelles du territoire – une audition du ministre de l'Intérieur par notre commission serait utile sur ce dossier. À l'occasion de la réforme du code minier, nous soulignons également l'intérêt d'une démarche qui concilie économie et écologie, qui permette d'associer populations et élus locaux. Par ailleurs, nous préconisons que le ministre du Redressement productif vienne expliquer à la commission sa position en matière de politique minière, notamment afin d'éclaircir les conditions dans lesquelles le permis « Limonade » a pu être délivré. Enfin, la mission d'information considère que le territoire guyanais offre une réelle opportunité d'expérimentation en matière de transition énergétique, puisque ses ressources forestières et hydriques lui permettent de développer les sources renouvelables bien plus rapidement que l'espace métropolitain ; encore faut-il prendre en compte toutes ses spécificités autant que ses besoins.

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