Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 13 janvier 2016 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Le domaine public, ou domaine commun informationnel, ne concerne en rien le droit d'auteur, lequel dispose que, soixante-dix ans après la mort de l'auteur, l'oeuvre tombe dans le domaine public et peut-être réutilisée par des auteurs contemporains qui créent ainsi de nouvelles ressources, y compris économiques. Au-delà de ces questions, ces biens appartiennent à l'humanité entière.

Nous avons besoin d'une définition positive parce qu'aujourd'hui, elle fait défaut ; le domaine public est de plus en plus attaqué par d'autres droits, comme le droit des marques. Ainsi, les ayants droit de Sir Arthur Conan Doyle, qui est mort depuis bien longtemps, ont déposé une marque, ce qui fait qu'aujourd'hui aucune production ayant trait à Sherlock Holmes, livre, film, pièce de théâtre, etc., ne peut être réalisée sans l'accord des ayants droit. C'est de telles situations que résulte la nécessité de définir ce qu'est le domaine commun, non informationnel, non plus en creux comme c'est le cas aujourd'hui, mais bien de façon positive.

Une autre pratique se répand également, celle du copyfraud – fausse déclaration de droit d'auteur qui consiste à faire acquitter des droits de façon abusive alors que l'oeuvre concernée appartient déjà au domaine public. Notre législation ne prévoit aucun recours contre ces pratiques. Je peux en témoigner : sur les ordres de ma hiérarchie, à l'époque, j'ai été conduite à faire payer des droits d'utilisation pour des images numérisées appartenant au domaine public depuis plus de mille ans. Les exemples abondent : le département de la Dordogne a exigé des droits d'auteur pour des reproductions de peintures de la grotte de Lascaux – dix-sept mille ans après la disparition de ses créateurs ! La Bibliothèque nationale de France (BNF) impose des licences d'utilisation commerciale pour des oeuvres remontant à plusieurs siècles.

Nous devons adopter un texte fiable, limitant les recours contentieux devant les tribunaux qui sont engorgés par des débats portant sur la notion d'appartenance ou non au domaine public. Par ailleurs, notre législation ne permet pas aujourd'hui à un auteur de déposer de façon volontaire ses oeuvres dans le domaine public ; il n'y a pas d'autre ressource que le recours aux licences creative commons, ce qui revient à contourner une carence législative.

Mon amendement CL342 est de repli : il ne propose pas la possibilité du dépôt d'une oeuvre dans le domaine public du vivant de son auteur.

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