Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 13 janvier 2016 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Axelle Lemaire, secrétaire d'état chargée du numérique :

Cet amendement a le mérite de prolonger un débat international en cours. Il ne s'agit pas de faire preuve de naïveté en ignorant le problème, mais je ne considère pas que la solution que vous proposez — une vulnérabilité par construction — soit la bonne. Vous cherchez à répondre à une préoccupation croissante de la justice et des forces de l'ordre face à des entreprises, souvent très puissantes, qui mettent en place des systèmes de cryptage pour protéger les données de leurs clients sans prévoir les conditions d'accès à ces données par les autorités, en dépit des dispositions législatives existantes, telles que les articles 230-1 et suivants du code de procédure pénale.

Je considère néanmoins que la solution proposée est inappropriée ; tout d'abord, elle sort du cadre de cette loi qui prône des principes de liberté et d'ouverture et qui n'entre pas dans le champ pénal. Le texte confère d'ailleurs une nouvelle mission à la CNIL : la promotion du chiffrement. L'actualité récente — l'inscription par les Pays-Bas dans leur législation du droit au chiffrement, ou encore le scandale de Juniper Networks — montre à quel point le fait d'introduire dans les appareils, à la demande des agences de renseignement, des backdoors, des failles délibérées permettant de déchiffrer des informations personnelles, produit un effet contraire : celui de nuire à l'ensemble de la collectivité, puisque les données personnelles ne sont plus du tout protégées. Même si les intentions — maintenir l'ordre et la sécurité publique — peuvent être louables, cette solution ouvre la porte à des acteurs qui poursuivent des intentions moins nobles, sans compter le dommage économique subi par les entreprises et par leurs clients dont ces failles peuvent atteindre la crédibilité. Vous avez raison d'alimenter ce débat, mais, de l'avis du Gouvernement, prévoir systématiquement des ouvertures dans les matériels — tablettes ou téléphones — ne constitue pas la bonne réponse au problème.

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