Intervention de François Houiller

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François Houiller, président de l'Institut national de la recherche agronomique, INRA :

Je remercie les députés pour leurs questions qui traduisent leur intérêt pour les activités de l'INRA. Je solliciterai sans doute Olivier Le Gall pour répondre à certaines de vos interrogations.

En ce qui concerne les moyens dont dispose l'INRA, 860 millions d'euros proviennent pour 79 % d'une subvention de l'État à travers le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche – ce qui n'empêche pas que ce dernier partage sa tutelle sur l'INRA avec le ministère de l'agriculture. Ce budget est en légère augmentation, ce que j'interprète dans le contexte politique actuel comme une marque de soutien de la part des autorités publiques. Les ressources contractuelles, provenant notamment de l'agence nationale de la recherche et de programmes européens, sont également en progression. Environ 1 % découle, enfin, de contrats privés.

L'INRA compte 8 500 personnes et une communauté de recherche de l'ordre de 12 000 chercheurs. Un grand nombre de sujets sont abordés comme l'alimentation, l'agriculture et l'environnement. Je ne voudrais pas que l'actualité des organismes génétiquement modifiés laisse penser que notre activité se concentre sur les biotechnologies.

Dix-huit centres et une centaine d'implantations font de l'INRA une des institutions les plus présentes sur le territoire. L'unité de Colmar, spécialisée sur la vigne et le vin, joue pleinement son rôle dans notre dispositif : elle a recruté encore récemment. Son ancrage alsacien n'entrave pas son rôle national, et elle est sollicitée sur tous les vignobles que compte le pays. Pour ce qui est des implantations ultramarines, elles se trouvent en Guyane, avec une spécialisation forestière, et en Guadeloupe, pour des recherches plus générales sur les systèmes de culture et l'agro-écologie ; il existe aussi une antenne en Martinique.

En ce qui concerne les contrats de site, nous déclinons nos orientations nationales par discipline et par territoire en schémas de centre. Ce document sera l'épine dorsale de nos discussions avec nos partenaires pour des contrats de site, auxquels nous sommes favorables pourvu qu'ils respectent la stratégie globale de l'INRA et son caractère national.

Je reviens un instant sur le cas de Colmar. Tout a commencé avec l'idée de conduire un essai pour tester les résistances effectives et les impacts sur l'environnement. La conception de cet essai, dans un contexte que nous connaissons tous et qui n'allait pas de soi, a donné lieu à des consultations d'envergure en amont. La précédente présidente de l'INRA avait précisé qu'elle tiendrait compte des opinions exprimées et qu'elle justifierait ses décisions. Nous avons donc écouté les parties prenantes et nous avons pris en compte certaines demandes, sur le profilage des essais ou encore sur des recherches complémentaires. Les décisions ont ensuite été accompagnées d'un comité de suivi.

Il y a une forme de « mot-valise » qui désigne des OGM de nature différente. Certains sont tolérants à des herbicides ou à la sécheresse, d'autres résistants à des insectes ou à des maladies. Au Royaume-Uni, des projets permettraient de fixer l'azote de l'air. Il faudrait, en toute rigueur, considérer différemment ces OGM en fonction de leurs qualités différentes. Je considère que l'action publique en matière de recherche est légitime, non pas pour répliquer les activités déjà opérées par le secteur privé, mais pour explorer des champs inconnus et provoquer des avancées de la connaissance humaine. C'est le cas du projet britannique sur l'azote : c'est une innovation d'un intérêt public évident. Par ailleurs, nous sommes aussi légitimes pour analyser les impacts sanitaires, environnementaux et techniques.

L'INRA mène l'essentiel de ses activités dans l'amélioration des plantes sans transgénèse, par des moyens classiques. Nous mobilisons la génomique, la caractérisation des plantes, la bio-informatique.

Le lien entre biotechnologies et agro-écologie me semble inévitable, car les innovations techniques conditionnent l'agro-écologie. Nous allons restituer vendredi une étude commandée par les ministères de l'agriculture et de l'environnement sur la diversification des systèmes de culture en France. Nous savons, en effet, que les grands dispositifs homogènes comportent des fragilités et des caractéristiques peu souhaitables. Pour ce faire, il faut des techniques en termes de matériel agricole, des capteurs et des semences sur toute une série d'espèces sélectionnées par marqueur ou par génomique. Biotechnologies et agro-écologie ne s'opposent donc pas.

En ce qui concerne l'étude de Gilles-Éric Serralini, je ne commenterai pas les avis des agences : elles ont été relativement unanimes pour considérer que son approche de long terme était intéressante et que, simultanément, ses résultats ne peuvent être considérés comme scientifiquement avérés.

Un nombre important d'acteurs font de la recherche en matière de toxicologie alimentaire : outre l'INRA, il y a aussi l'INSERM, le CNRS, plusieurs universités… Nous avons des projets de recherche dans ce domaine et continuerons d'en lancer. Il faut néanmoins admettre que la question posée par l'article du professeur Séralini, celle de la durée des essais dans ce domaine, est parfaitement pertinente. Elle figure d'ailleurs à l'agenda de plusieurs programmes de recherche européens actuels.

La question d'un possible engorgement de la chaîne formation-recherche-expertise est une question délicate. La désaffection des étudiants pour certaines disciplines scientifiques existe, mais elle ne me paraît pas plus marquée pour l'agronomie que pour d'autres domaines. L'INRA demeure en toute hypothèse une institution attractive, car les étudiants considèrent qu'on peut y conduire une recherche qui soit à la fois utile et de haut niveau scientifique. Pour ce qui concerne l'expertise, le risque d'embolie du système n'est pas nul et c'est à travers la mutualisation des travaux entre États, au plan européen, qu'une réponse pourra être apportée.

Contrairement à ce qu'on dit ou lit parfois, plusieurs milliers d'articles scientifiques sur les OGM et leurs impacts ont été publiés dans le monde. C'est une ressource considérable, qui doit être partagée et il n'est nul besoin de répliquer systématiquement en France des travaux conduits en Suisse, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou ailleurs. C'est la raison pour laquelle une étude d'ensemble sur l'impact alimentaire des OGM devrait, dans la mesure du possible, être conduite au plan européen plutôt qu'au plan national : chaque État a des compétences, qu'il est de l'intérêt collectif de partager et ce partage critique des savoirs et des résultats sera précisément le moyen de garantir l'indépendance de l'expertise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion