Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, en 2004, le Parlement a adopté une loi pour la confiance dans l’économie numérique. À l’époque, l0 % de l’humanité, soit 500 millions de personnes, utilisaient internet au travail, à leur domicile ou dans des lieux publics, et ce nombre d’internautes augmentait de 120 à 140 millions de personnes par an. Près de 160 millions d’ordinateurs étaient raccordés à internet. Les échanges inter-entreprises – ce qu’on appelle habituellement le « B to B » – représentaient un peu plus de 2 000 milliards d’euros. C’était en 2004.
Presque douze ans après, le paysage a été très largement bouleversé. On dénombre près de 3 milliards d’internautes en 2015, dont 2 milliards utilisent les réseaux sociaux. Chaque seconde, huit personnes deviennent de nouveaux utilisateurs d’internet, et plus de 820 000 nouveaux sites internet sont mis en ligne quotidiennement. Selon les estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, en 2013, la valeur du commerce électronique d’entreprises à entreprises a dépassé les 15 000 milliards de dollars et le commerce d’entreprises à consommateurs, communément appelé « B to C », a atteint 1 200 milliards de dollars.
Les Français ne sont pas en reste, loin de là. En janvier 2015, plus de 34 millions de Français se sont connectés quotidiennement à internet depuis deux ou trois supports différents – un ordinateur au domicile sur le lieu de travail, une tablette et, de plus en plus, un smartphone. Selon les chiffres de la fédération française de la vente à distance, le commerce en ligne des entreprises vers les consommateurs serait en forte croissance et représenterait près de 57 milliards d’euros en 2014, soit plus que le secteur automobile. Le secteur a progressé de 11,5 % par rapport à l’an passé alors que le commerce traditionnel gagnait, lui, seulement 1,1 %.
Comme le montrent ces différents chiffres, la société française s’est donc considérablement transformée, sous l’influence d’internet, depuis dix ans. Il paraît désormais urgent d’établir un cadre juridique pertinent permettant de garantir la confiance des Français dans la société numérique, douze ans après la confiance placée dans l’économie numérique.
Telle est l’ambition du présent projet de loi, qui poursuit trois objectifs majeurs.
Le titre Ier vise à favoriser la circulation des données et du savoir au bénéfice de la société de la connaissance, à travers l’ouverture des données publiques – sujet que nous avons abordé il y a deux mois avec la secrétaire d’État Clotilde Valter –, la création d’un service public de la donnée, la possibilité d’utiliser le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques à des fins statistiques ou de recherche, ou encore la consécration du principe de l’open access dans le domaine de la recherche – nous y reviendrons avec Emeric Bréhier – qui permet à tout chercheur de mettre à disposition du public, par voie numérique, l’ensemble de ses travaux et les données afférentes, après un délai d’embargo qui fera l’objet de quelques discussions ici.
Le titre II vise à protéger les citoyens dans la société numérique – vous avez dit tout à l’heure combien le sujet de la confiance était important dans le monde numérique – par le biais de dispositions garantissant un environnement numérique ouvert – neutralité de l’accès à internet, loyauté des plateformes, portabilité des données – et, d’autre part, de mesures en faveur de la protection de la vie privée en ligne – nous y reviendrons avec nos collègues de la Délégation aux droits des femmes – dont notamment la reconnaissance d’un droit « chapeau » à disposer librement de ses données personnelles. Je préfère cette présentation à celle qui a été évoquée il y a presque un an à l’occasion du débat sur la stratégie numérique de la France. Le Conseil d’État parlait alors d’autodétermination informationnelle. L’idée de libre disposition des données personnelles me semble plus adaptée à la réalité.
Le titre III vise à garantir l’accès de tous au numérique, à travers l’action des territoires dans le développement du numérique, le renforcement des obligations des opérateurs en matière de couverture mobile, le développement de nouveaux usages comme le recommandé électronique et le paiement par SMS, l’accès des personnes handicapées au numérique et la consécration d’un droit au maintien de la connexion pour les personnes les plus fragiles. En effet, ne plus être connecté revient, pour une famille, à ne plus pouvoir suivre la scolarité des enfants ou à avoir des difficultés pour rester en relation avec des administrations et des services aussi importants que Pôle Emploi ou la caisse d’allocations familiales par exemple.
Sans revenir sur le détail du texte, je souhaiterais maintenant concentrer mon propos sur les apports de la commission des lois : dix-sept heures quinze de travail, 609 amendements examinés, dans une ambiance particulièrement constructive et sereine.