Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 15h00
République numérique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Dans la République numérique que vous appelez de vos voeux, madame la secrétaire d’État, y a-t-il un sujet concernant l’égalité ? Votre venue devant la Délégation aux droits des femmes nous a confortés dans l’idée de travailler sur ce sujet. Les députées Corinne Erhel et Laure de La Raudière nous avaient, les premières, alertés sur les conséquences du numérique sur l’emploi des femmes lors de la publication de leur excellent rapport.

Nous avons donc souhaité très rapidement nous saisir de ce projet de loi et engager, plus globalement, la Délégation dans des travaux sur le numérique et l’égalité femme-homme. Nous avons organisé des séances d’auditions avec des associations, des avocats et des représentants du numérique. Nous avons recueilli des informations auprès d’ambassades de différents pays, pour savoir quelles campagnes ces derniers avaient menées et comment ils avaient traité ces sujets, et des services du ministère de la justice. J’ai aussi effectué un déplacement dans deux écoles du numérique que vous connaissez : Simplon et l’école 42. Nos travaux montrent qu’il y a un réel sujet.

Je regrette vraiment, madame la secrétaire d’État, de devoir vous faire un reproche : l’absence totale d’étude d’impact sur l’égalité femme-homme dans ce projet de loi. Tous doivent pourtant en comprendre, tant les enjeux sont multiples et forts et alors que cela intéresse nos concitoyens, comme le confirme le succès de votre initiative de coproduction du texte de loi. Tous les textes de loi doivent comporter une étude des enjeux liés à l’égalité femme-homme.

Le premier enjeu d’égalité, le plus porteur d’avenir selon nous, est celui de l’orientation. Alors que dans toutes les filières scientifiques et techniques, la part des femmes augmente régulièrement en France, l’informatique est le seul domaine où elle régresse. Depuis vingt ans, la part des filles dans ces filières a été divisée par deux. Ainsi, 11 % de femmes sont diplômées de la filière informatique, pour 24 % d’ingénieures toutes écoles confondues.

L’orientation reste très sexuée, et encore plus dans l’informatique qu’ailleurs, tant dans l’enseignement secondaire que le supérieur, en raison des stéréotypes et du poids de l’imaginaire entourant les métiers en général et ceux du numérique en particulier. Dans l’univers de l’ordinateur, l’informaticien peut jouer à être tout-puissant – ce n’est pas nécessairement ce que recherchent les filles dans leur métier – ou bien rester assis derrière un ordinateur toute la journée. Bref, l’imaginaire n’aide pas les filles à aller vers l’informatique. Cette situation plaide pour une véritable éducation à l’égalité et au numérique, monsieur le rapporteur de la commission de l’éducation.

Depuis 2012, le Gouvernement a engagé des actions pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes et un plan en faveur du numérique. Pour aller plus loin, la Délégation souhaite revoir en profondeur l’orientation, à l’ère du numérique, afin de casser les stéréotypes sexistes et d’ouvrir le libre choix de leur carrière aux filles, qui s’orientent vers seulement 12 familles de métiers sur 87 au total.

Il faut développer une culture et un usage du numérique à l’aide d’une pédagogie fondée sur le décloisonnement et la transversalité. La Délégation a proposé un amendement dans ce sens, et un sur la prévention et la lutte contre les cyberviolences à l’égard des élèves ; la ministre de l’éducation s’est montrée sensible à ces sujets, qu’elle a dénoncés. Des exemples étrangers réussissent, tant en Angleterre qu’au Canada, dont les ambassades nous ont répondu, et sont très efficaces sur ce sujet. L’on connaît également l’efficacité de pédagogies innovantes mises en oeuvre à l’école 42, à l’école Simplon ou dans certains établissements de l’éducation nationale dont nous avons eu connaissance. C’est un élément de réflexion à retenir : ce sont parfois des écoles de la seconde chance.

Le numérique est aussi un enjeu pour l’emploi et le travail des femmes. Seules 28 % des femmes travaillent dans ce secteur. Elles doivent saisir toutes les opportunités. Mais la révolution numérique, ce sont aussi des « écueils à dépasser », comme le dit le titre de notre rapport. Il faut qu’un certain nombre d’emplois occupés par les femmes et qui devraient disparaître connaissent une évolution. Je ne m’attarderai pas sur ce sujet car cela concerne davantage la loi sur le travail que le présent texte.

Je souhaite en revanche m’attarder un peu plus sur la lutte contre les violences. Vous en avez parlé, madame la secrétaire d’État, les cyberviolences – par mails, SMS, réseaux sociaux, jeux vidéos – prennent des formes variées : SMS à caractère sexuel non consentis, insultes, intimidations, harcèlements, commentaires humiliants sur le comportement, vidéo-lynchages… Il faut d’ailleurs avoir le courage de nommer en français ces agressions : plutôt que d’évoquer du happy slapping, il faut parler de « honte aux salopes » ou de vidéo-lynchage !

Les conséquences de ces violences virtuelles sont bien réelles : souffrance, anxiété, isolement, décrochage, problèmes de santé. La loi du 4 août 2014 avait permis des avancées ; la Délégation salue à cet égard les dispositions du présent projet de loi relatives au droit à l’oubli pour les mineurs – des affaires ayant eu lieu pendant les vacances de Noël rappellent l’actualité du sujet.

Sur dix-huit recommandations formulées dans notre rapport, une dizaine porte sur les violences. Il convient de modifier le code pénal pour mieux sanctionner les auteurs de vengeance pornographique. Si un premier amendement a été adopté en commission, nous souhaitons clarifier sa rédaction en séance et proposer une aggravation des peines ; je crois que vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, il nous apparaît essentiel de lutter contre le sexisme dans les jeux vidéos. Ce sujet fait beaucoup parler en raison de l’image dégradante des femmes dans ces jeux vidéos.

1 commentaire :

Le 20/01/2016 à 10:54, laïc a dit :

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"Depuis vingt ans, la part des filles dans ces filières a été divisée par deux. Ainsi, 11 % de femmes sont diplômées de la filière informatique, pour 24 % d’ingénieures toutes écoles confondues."

Puis : "Bref, l’imaginaire n’aide pas les filles à aller vers l’informatique. Cette situation plaide pour une véritable éducation à l’égalité et au numérique, monsieur le rapporteur de la commission de l’éducation."

Les filles n'aiment pas l'informatique, apparemment, à chacun ses goûts, n'est-ce pas ? Et au nom de quoi peut-on forcer la parité, (car apparemment c'est cela qui est sous-entendu dans l'égalité, alors que l'égalité ne prend pas en compte la différence sexuelle...), si les deux sexes ont des goûts différents ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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