Les acteurs nationaux en croissance seront les premiers à être pénalisés et à être davantage régulés que leurs concurrents européens.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi le fait que ces dispositions soient dans le code de la consommation plutôt que dans un autre code change la donne. Le code de la consommation n’est pas plus international qu’un autre et il n’empêchera pas des acteurs localisés hors du territoire de s’y soustraire.
J’ai désespérément cherché dans l’étude d’impact quel pourrait être le coût pour les entreprises – car, aussi abstrait que cela puisse paraître, nous parlons bien d’entreprises. Si la première partie de l’étude d’impact a été complétée après le sévère avertissement du Conseil d’État, ce n’est pas la même chose pour la deuxième partie, laquelle ignore visiblement les aspects économiques de la question. Encore un effet collatéral de l’absurde division gouvernementale du travail !
Le problème est le même s’agissant de la loyauté des plateformes. Une réflexion est en cours au niveau de la Commission européenne, celle-ci ayant compris que l’autorégulation était sans doute la meilleure voie, souhaitable à la fois pour l’ensemble des acteurs, quelle que soit leur nationalité, mais également pour les consommateurs. Pourtant, là encore, en anticipant les résultats de la réflexion européenne, vous prenez le risque d’avoir différents textes s’appliquant sur le territoire. Si l’on veut garder nos futurs champions français, il serait peut-être bien d’éviter ce genre d’erreur, trop souvent commise.
A-t-on également mesuré toutes les implications de la création d’un nouveau statut de plateforme hybride, entre hébergeur et éditeur ? Est-il utile de venir modifier le système issu de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui fonctionne bien, avec une jurisprudence bien établie ? Nous n’en sommes pas certains.
Ces articles me posent également un problème moral : on veut légiférer pour viser les fameux « GAFA » – Google et autres Amazon, Facebook et Apple – mais est-ce le rôle de la loi ? Il est douteux de vouloir cibler une catégorie d’acteurs et d’essayer ensuite de bricoler une définition pour les rassembler, en passant de surcroît par un seuil fixé par décret, seuil fondé sur le nombre de connexions et qui sera extrêmement compliqué à définir.
Les amendements et propositions de certains députés de la majorité ne font que conforter mes doutes sur la façon dont est envisagée l’écriture de la loi et dont est pensée l’économie numérique aujourd’hui.
Jusqu’à maintenant, je n’avais parlé que de méthode car beaucoup de dispositions, moyennant une meilleure lisibilité, sont positives. En revanche, ces articles de surtransposition constituent le véritable point noir de ce texte.
Nous rêvions aussi que si une loi devait fixer un cadre juridique, c’était d’abord pour favoriser le développement du numérique. Or je me souviens des propos de la fondatrice de la plateforme Leetchi devant les députés de la commission des affaires économiques il y a quelques mois : c’était plus ou moins « Si vous pouviez ne plus rien faire, à la limite, ce serait mieux pour nous » !