Comment faire en sorte que la France tire parti de ces transformations ? Cela devrait être au coeur ce projet de loi pour une République Numérique. Or ma conviction est que le texte ne répond pas non plus à cette question.
Rien sur l’éducation, rien sur la formation, rien dans le domaine de la santé – pourtant, tout le monde sait ici les promesses et les questions éthiques que soulèvent les progrès scientifiques en matière de e-santé –, rien sur l’emploi, et, en dehors de l’ouverture des données publiques, rien sur le fonctionnement des institutions ! Alors pourquoi, je le répète, avoir pompeusement intitulé ce texte « pour une République numérique » ?
Mais je veux être positive, moi aussi, et saluer et remercier sincèrement les rapporteurs et la secrétaire d’État pour le climat constructif dans lequel se sont déroulés les débats.
En revanche, nous ne pouvons que regretter de n’avoir eu que deux petites journées entre le travail en commission et la limite de dépôt des amendements, alors même que beaucoup d’articles ont été réécrits et que beaucoup de nouveaux débats intéressants ont été ouverts, nécessitant des approfondissements soulignés par tous.
Nous avons aussi, sur tous les bancs, souligné le flou de la rédaction de certains articles importants, comme ceux concernant la portabilité des données ou les plateformes de services en ligne. L’étude d’impact est particulièrement indigente sur ces points : rien sur la définition précise des données concernées par la portabilité, et cela inquiète grandement nos entreprises françaises du numérique car, vous le savez, votre texte va bien plus loin que le projet de règlement européen ; rien non plus sur les entreprises qui seront concernées en France par la régulation applicable aux plateformes. Combien seront-elles ? Dix, cent, mille, dix mille ? Où fixerez-vous le seuil ? Rien n’est précisé dans l’étude d’impact. Vous aviez pourtant largement le temps de le faire depuis trois ans ! Cette façon de légiférer est, disons-le, mauvaise. C’est prendre des dispositions à l’aveugle, sans en connaître les effets, juste pour se faire plaisir !
Ces mesures franco-françaises dans un cadre de réglementation qui relève du niveau européen représentent l’inverse de ce qu’il faut faire, d’un point de vue économique, pour rendre la France attractive. Elles vont conduire les entreprises à appliquer de nouvelles règles en matière de protection des données personnelles pour quelques mois, puis à en changer après l’adoption du règlement européen. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Est-ce cela, le choc de simplification voulu par François Hollande pour les entreprises et les Français ? Car ce seront autant de charges administratives supplémentaires que subiront les acteurs du numérique en France, comme si nos entreprises n’en avaient pas suffisamment !
Sur le secret des correspondances, l’article 34 traduit un cynisme politique aux effets de bord dangereux dans la rédaction actuelle. Après avoir décidé d’analyser les communications des Français dans le cadre de l’article 2 de la loi relative au renseignement en mai 2015, le Gouvernement veut compléter les dispositions législatives existantes sur le secret des correspondances par des mesures qui pourraient conduire, éventuellement, à interdire les messageries en gmail.com ou yahoo.fr en France, mais aussi les innovations des services de messagerie intelligente.