Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 21 janvier 2016 à 9h30
République numérique — Après l'article 18

Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique :

Je souscris aux arguments du rapporteur et m’efforcerai de les étayer de mon point de vue. Il se trouve que je suis, initialement, juriste de droit international et qu’en droit international, certains domaines communs, comme l’espace ou l’Antarctique, ont été reconnus au terme de négociations internationales ardues entre les États, au prix d’analyses doctrinales et juridiques qui ont duré des décennies. Je comprends tout à fait, cependant, la philosophie et l’approche politique visant à faire reconnaître un domaine des « communs ». C’est là une notion ancienne, qui existait par exemple pour le partage des terres au Moyen Âge et qui a été revitalisée dans certaines pratiques par la culture du numérique, laquelle est une culture de la diffusion, de la multitude, de l’universalité, de la co-construction et du partage. Voilà pour la philosophie et la politique.

En droit – c’est aussi la juriste qui parle, et ce n’est pas sans avoir examiné le sujet sous tous les angles –, la frontière avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle et avec la jurisprudence existante reste très floue. Les amendements proposés évoquent des « faits », des « informations », des « idées », des « principes », des « méthodes », des « découvertes » : je vous laisse imaginer à quel point ces catégories sont vastes et susceptibles d’accueillir des réalités juridiques extraordinairement diverses et variées.

Concrètement, donc, dans la pratique, même lorsqu’il s’agit de donner une identité juridique à des phénomènes sociologiques ou économiques de « communs », nous passons par la voie contractuelle. Le meilleur exemple peut-être en la matière est la licence creative commons utilisée par Wikipédia : il s’agit d’une licence, d’un contrat passé entre deux parties, et non de la reconnaissance d’un principe général qui aurait été introduit dans le code de la propriété intellectuelle.

Le débat sur les communs a beaucoup avancé à l’occasion de l’examen de ce texte et je crois très sincèrement que nous avons fait un pas qui nous permettra de ne plus reculer sur ce sujet. J’en appelle toutefois à la sagesse juridique des députés car, à ce stade, nous n’avons pas trouvé de définition juridique satisfaisante.

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