Je reviendrai sur un point fondamental : en effet, il n'y a pas de pilote dans l'avion, et ce diagnostic est préoccupant. Les opérateurs du service public de l'emploi qui accompagnent les jeunes – missions locales, Pôle emploi – dépendent eux-mêmes de financements multiples : ainsi, les missions locales sont financées par l'État, par différentes collectivités territoriales – communes, EPCI, régions… – ainsi que par les fonds européens. À défaut d'une direction forte, il n'y a donc pas de pilote clairement identifié : les uns et les autres se renvoient systématiquement la balle. Nous avons pu nous en rendre compte par exemple à Saint-Dié, où nous nous sommes rendus. C'est votre collègue Gérard Cherpion qui y préside la mission locale. Le sous-préfet nous dit que la mission locale relève des élus ; M. Cherpion fait remarquer qu'elle est financée majoritairement par l'État et la région. Cette situation est fâcheuse. On retrouve le même phénomène du côté de Pôle emploi, avec des financements reçus à la fois de l'État et des partenaires sociaux.
De plus, les opérateurs sont dispersés, ce qui rend difficiles et longs les parcours des jeunes. La question de la réactivité est pourtant cruciale. Pour accéder à une formation proposée par les régions, il faut une prescription, faite soit par la mission locale, soit par Pôle emploi. En principe, le jeune est pris en charge, la prescription est faite, il accède à une formation ; mais, dans ce parcours, il y a des pertes en ligne. C'est tout l'enjeu de la garantie européenne pour la jeunesse, sur laquelle notre rapport insiste beaucoup : elle prévoit en effet une obligation de résultat – précisons qu'il ne s'agit pas de promettre l'accès à un emploi, mais qu'une solution est apportée à tout jeune dans un délai de quatre mois.
L'absence de pilotage comme l'éclatement institutionnel et financier nuisent à l'efficacité de notre système. Il faut un pilote dans l'avion, mais il ne nous revient pas de dire quel il doit être.
Nous sommes à la croisée des chemins : l'État joue encore un rôle majeur dans les politiques de l'emploi, mais les régions montent en puissance. J'observe que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui prévoit une expérimentation destinée à mieux coordonner les acteurs de la politique de l'emploi dans les régions, n'aborde pas la question de l'insertion des jeunes. C'est sans doute dommage.
Le coût d'un lycéen est en effet d'environ 10 000 euros par an. Certains des dispositifs que nous avons étudiés coûtent deux fois plus cher. Mais on peut s'interroger sur la réallocation des moyens à l'intérieur de l'éducation nationale, et d'ailleurs d'un redéploiement plus général. Nous préconisons notamment d'allouer plus de crédits aux micro-lycées. Il s'agit des structures de l'éducation nationale qui appliquent des méthodes innovantes – petits groupes, séquences interdisciplinaires, séquences en entreprise... – mais qui visent à la préparation d'un diplôme. Ils n'existent pas dans toutes les académies. Ils s'appellent parfois « lycée de la nouvelle chance ».