Intervention de Françoise Dubois

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dubois, co-rapporteure :

Monsieur le président, mes chers collègues, à mon tour je me réjouis de pouvoir vous présenter ce rapport qui m'a appris beaucoup de choses.

La création de cette mission répondait à un véritable besoin – nous avons pu nous en rendre compte lors de nos déplacements et de l'audition de différents scientifiques. Le sujet des continuités écologiques aquatiques peine à pénétrer d'autres cercles que celui des spécialistes qu'il concerne directement. C'est pourquoi l'une des grandes orientations de nos propositions s'attache à améliorer la manière dont nous communiquons à ce sujet.

Il subsiste encore de nombreuses contrevérités qui empêchent les politiques de restauration des continuités écologiques aquatiques de s'imposer. Il est donc indispensable d'apprendre à mieux communiquer tout en coupant court aux idées très répandues selon lesquelles défendre les continuités écologiques aquatiques imposerait le démantèlement de tous les seuils, barrages et autres aménagements présents sur nos cours d'eau.

Une idée forte du rapport, à laquelle nous tenons beaucoup avec Jean-Pierre Vigier, c'est qu'il est possible de trouver un équilibre entre les différents usages de l'eau dont notre économie a besoin et la restauration des continuités écologiques aquatiques.

La priorité est de sensibiliser les élus locaux afin qu'ils puissent, en toute connaissance de cause, jouer le rôle de décideurs publics qui est le leur. Sur le terrain, ils entendent très souvent une chose et son contraire. Nous proposons donc que les agences de l'eau dispensent des formations qui leur seraient spécialement destinées, et au cours desquelles leur seraient présentés les enjeux en matière de qualité de l'eau et de protection de la biodiversité, les solutions possibles en cas de risque avéré ainsi que des exemples d'opérations menées dans leur circonscription ou à proximité afin qu'ils puissent, par la suite, bénéficier de l'expérience des personnes déjà confrontées à la question.

Il est également crucial que les citoyens comprennent l'intérêt qu'il peut y avoir à installer une passe à poissons ou une rivière de contournement, d'autant plus que les travaux sont généralement onéreux – j'y reviendrai plus loin.

Aussi recommandons-nous de diffuser une fiche pédagogique rappelant les retombées positives attendues chaque fois qu'une opération d'aménagement ou d'effacement est envisagée. Par la suite, des panneaux pourraient être installés aux abords de l'installation, qui présenteraient, par exemple, les résultats obtenus en matière de retour de certaines espèces autrefois menacées de disparition. Cela permettrait aux promeneurs, aux pêcheurs et à toutes les autres personnes amenées à fréquenter les abords d'un cours d'eau de comprendre le fonctionnement d'une installation et son intérêt pour la vie de la rivière – je sais, du fait de mon expérience d'enseignante, à quel point la pédagogie est indispensable, particulièrement dans ce domaine où les lacunes sont grandes. Enfin, je tiens tout particulièrement à développer une information en direction de nos jeunes, qui connaissent mal les enjeux liés à la politique de l'eau, à la préservation de sa qualité et à la protection de sa biodiversité. J'ai toujours considéré que les enfants étaient les meilleurs ambassadeurs auprès de leurs parents, ou des adultes en général, pour relayer les informations.

Lorsque nous nous sommes rendus dans la Sarthe, nous avons rencontré des associations qui mènent un travail formidable auprès des publics scolaires. Je suis convaincue qu'expliquer aux enfants, c'est garantir la pérennité d'une politique publique. Dans le rapport, nous nous prononçons donc en faveur d'un accroissement du soutien financier aux associations impliquées dans la sensibilisation des publics scolaires aux enjeux de la continuité écologique aquatique.

Ces trois propositions sont faciles à mettre en oeuvre. Elles sont peu onéreuses et permettraient à la politique de restauration des continuités écologiques aquatiques de trouver à la fois une meilleure légitimité et une nouvelle dynamique.

J'en viens maintenant à la cinquième grande orientation que nous avons identifiée.

Au cours de nos travaux, nous avons constaté que les propriétaires d'ouvrages – petits barrages hydroélectriques ou moulins – méconnaissent les obligations qui leur incombent en matière d'entretien. Lorsque les services de l'Office national de l'eau et du milieu aquatique (ONEMA) les leur rappellent, ils avouent souvent leur ignorance. Nous nous sommes également aperçus que les notaires ne prévenaient pas, au moment de la vente d'un moulin, les futurs propriétaires des obligations qui allaient leur incomber en termes de restauration et de réparations. Aussi proposons-nous que les notaires informent obligatoirement les acheteurs potentiels des obligations d'entretien ou d'aménagement attachées à la propriété qu'ils convoitent.

Nous considérons également que ces obligations sont parfois trop lourdes pour pouvoir être gérées par des particuliers. Comme cela existe dans certains départements, nous encourageons les directions départementales des territoires (DDT) à mettre en place un service, au besoin payant, qui se chargerait d'entretenir les ouvrages en lieu et place des propriétaires. Ce sont des propositions de bon sens qui ne sont pas d'un coût excessif.

J'en viens enfin à la dernière grande orientation.

Nous avons constaté que la France avait pris un certain retard dans les travaux de restauration des continuités écologiques aquatiques. Ce retard explique, au moins en partie, que l'objectif de disposer de 66 % des masses d'eau en bon état à l'horizon 2015 n'ait pu être tenu. Notre retard ne pourra être comblé qu'à condition que nous nous donnions les moyens de réaliser des travaux d'aménagement sur nos cours d'eau, car la restauration des continuités aquatiques constitue un élément déterminant pour retrouver un bon état des eaux.

Pour que ces travaux soient réalisés, il faudrait qu'ils puissent être planifiés, autrement dit que l'on dispose d'une estimation fiable de leur coût. Or, nous avons été surpris de découvrir qu'il y avait très peu d'informations à ce sujet. La nature des travaux à réaliser et les contraintes propres à chaque lieu font que les coûts sont très variables. Toutefois, nous pensons que cette information doit être disponible afin que les propriétaires d'ouvrages, les élus locaux et les collectivités puissent se faire une idée de l'effort à consentir.

Nous plaidons donc pour la constitution d'une base de données gérée par les agences de l'eau recensant, pour chaque bassin hydrographique, les opérations réalisées, les dépenses qu'elles ont occasionnées et la manière dont les travaux ont été financés. Outre son caractère informatif, cette base permettrait de favoriser le partage d'expériences.

Nous nous félicitons que les participations financières apportées par les agences de l'eau aux opérations de rétablissement des continuités écologiques permettent, dans certains cas, un financement intégral des travaux. Cependant, au vu des efforts qui devront être réalisés pour atteindre le bon état écologique des eaux, nous ne savons pas si de tels niveaux de financement pourront être maintenus. Nous souhaiterions donc qu'une estimation globale du coût des travaux à réaliser au sein de chaque bassin hydrographique soit effectuée. Cet état des lieux permettrait aux agences de l'eau de mieux planifier leurs investissements sur le moyen terme et d'accorder les financements nécessaires aux cours d'eau jugés prioritaires.

Enfin, nous sommes inquiets de l'évolution du régime européen des aides à l'industrie qui pourrait interdire aux agences de l'eau de financer à plus de 55 % les travaux d'aménagement réalisés sur des centrales hydroélectriques. Une telle évolution de la réglementation porterait un coup d'arrêt à la politique de restauration des continuités écologiques aquatiques. La direction de l'eau et de la biodiversité, avec laquelle nous avons eu des contacts réguliers, nous a indiqué que la question n'avait pas encore été tranchée. Bien évidemment, nous resterons attentifs aux suites de cette affaire.

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