Intervention de Elisabeth Moiron-Braud

Réunion du 12 janvier 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF :

Dans le droit fil de l'exposé d'Ernestine Ronai, j'apporterai quelques précisions, mais aussi, quelques bémols. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2010 – texte dont j'avais suivi l'élaboration, étant alors en poste au ministère de la justice – , on constate une nette amélioration en ce qui concerne le prononcé des ordonnances de protection.

Dans le cadre du Conseil national de l'aide aux victimes (CNAV), j'avais rédigé un rapport relatif à la première mise en oeuvre de l'ordonnance de protection. Vous l'avez rappelé, celle-ci a été très longue et laborieuse, car les juges civils – je le dis d'autant plus volontiers que je suis moi-même magistrate – peinent à appliquer des mesures coercitives portant atteinte à la liberté d'aller et venir, telle l'interdiction pour l'auteur des faits d'entrer en contact avec la victime.

Ainsi, après une période de doute, nous constatons que les choses vont beaucoup mieux puisque, en 2011, 1 662 ordonnances de protection ont été prononcées, et que, en 2014, ce chiffre s'est élevé à 2 589. Cela constitue un progrès, car l'étude que j'avais menée dans le cadre du CNAV montrait que les magistrats déclaraient n'être pas saisis ; or, en matière de procédure civile, cette saisine est indispensable puisque, dans le cadre d'une procédure contradictoire, l'une des parties au moins doit agir. Cette absence de saisine procédait surtout d'un manque de formation, car le sujet n'était jamais abordé.

Une amélioration du taux de réponses pénales est aussi constatée : il est passé de 85 % en 2011 à plus de 87 % en 2014, ce qui signifie a contrario une baisse du nombre des classements sans suite, pratique trop longtemps courante.

En revanche, les alternatives aux poursuites et, singulièrement, la médiation, représentent encore 50 % de la réponse pénale ; par ailleurs, il est toujours régulièrement recouru à la composition pénale, qui est proche d'une peine.

La possibilité ouverte au juge de prononcer l'éviction, c'est-à-dire de décider que le domicile du couple reviendra à la femme, mais en se prononçant sur les charges y afférentes, est caractéristique des mesures ressortissant à la fois au droit civil et au droit pénal. Je me suis rapprochée du directeur des affaires criminelles et des grâces, car la MIPROF aurait souhaité qu'une circulaire du ministre de la justice soit adressée aux procureurs de la République et aux procureurs généraux des cours d'appel afin de les inciter à recourir à cette procédure, insuffisamment utilisée. La prochaine circulaire de procédure pénale annuelle comportera un chapitre important consacré aux victimes, nous espérons qu'il comprendra des éléments de pédagogie propres à encourager les procureurs à faire usage de ces procédures nouvelles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion