Intervention de Joseph Beretta

Réunion du 20 janvier 2016 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Joseph Beretta, président du conseil d'administration de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, AVERE :

Tout à fait. La Norvège est aussi un des principaux producteurs de pétrole européens.

En plus des aides fiscales, la Norvège octroie aux utilisateurs de véhicules électriques de nombreux avantages en termes de stationnement et d'accès aux zones à péage et aux couloirs de bus – ce dernier avantage commençant d'ailleurs à provoquer des embouteillages. Tout n'est donc pas bon à prendre en Norvège !

L'Allemagne, qui privilégie plutôt les aides aux constructeurs qu'aux acheteurs, est le troisième marché de la voiture électrique, même si l'Angleterre est en train de la rattraper rapidement, ayant institué des aides à l'achat et quelques avantages d'accès aux zones à péage et à certaines zones interdites aux véhicules les plus polluants. Enfin, les Pays-Bas offrent des aides à l'achat. Dans les autres pays, les actions menées sont plus disparates, et souvent minimes.

S'agissant du marché de l'occasion, il est clair que les acheteurs de véhicules neufs sont aujourd'hui, pour une grande part, soit des particuliers de plus de 55 ans, soit des entreprises et des sociétés de location de courte ou longue durée. Cela pose problème, car si les particuliers gardent longtemps leur véhicule, les entreprises et les sociétés de location revendent les leurs au bout de quatre ou cinq ans. La majorité des véhicules électriques vendus en 2012-2013, qui étaient destinés à la location, vont donc arriver sur le marché de l'occasion, et nous serons alors confrontés au problème de leur valeur résiduelle, valeur actuellement estimée soit par le constructeur, soit par le loueur. Tant que les volumes concernés sont faibles, la question reste secondaire, mais si les volumes augmentent, le loueur va l'examiner de plus près. Il faut donc absolument que la valeur résiduelle soit en adéquation avec l'équilibre du marché, tout en tenant compte de la disparité entre les aides accordées – 5 000, 7 000 ou 10 000 euros. L'écart risquant d'être parfois faible entre le prix d'une voiture neuve bénéficiant d'aides et celui d'une voiture d'occasion, il conviendrait d'instaurer, non pas une aide directe, mais plutôt un crédit d'impôt pour que l'acheteur particulier ait intérêt à acheter un véhicule d'occasion et que l'existence d'un marché de l'occasion garantisse la pérennité de la filière.

La question du fret me tient beaucoup à coeur. Nous avons d'ailleurs, au sein de notre association, un groupe de travail consacré à la « livraison du dernier kilomètre » qui comprend notamment des logisticiens. Il convient, à ce sujet, de distinguer les livraisons en ville du transport entre les plateformes et les villes – pour lequel il existe une offre de véhicules utilitaires légers, mais pas encore d'offre de véhicules électriques de type fourgon.

La livraison du dernier kilomètre est confrontée à un problème majeur de la logistique du transport : l'absence d'autorité centrale pour orchestrer les livraisons. Des expérimentations ont été réalisées, à La Rochelle et à Paris, consistant à regrouper en plateformes plusieurs transporteurs. Mais cela reste encore assez difficile. Il faudrait que la profession opère elle-même sa mutation pour que l'on puisse promouvoir cette mobilité électrique. Aujourd'hui, il arrive que des livreurs viennent en centre-ville avec un camion de 3,5 tonnes, voire un semi-remorque, même si les restrictions à la circulation sont de plus en plus importantes. Seules se développent actuellement les initiatives ponctuelles de quelques gros clients, comme Monoprix, qui souhaitent « verdir » leur image en faisant livrer leurs supérettes par des camions électriques. Sur ce sujet, ce n'est pas l'État qui a la main, mais les collectivités locales : c'est à elles qu'il appartient d'imposer ou de rendre avantageuse la livraison électrique, par exemple en lui accordant des plages horaires élargies et des zones de livraison dédiées et équipées de bornes de recharge rapide. Comme vous le voyez, tout est à faire, et nous achoppons sur le fait que les acteurs de la logistique de transport sont encore très contraints par les coûts d'usage et d'exploitation liés au pétrole. Ils ont aujourd'hui un peu plus de marges, mais cela ne saurait durer indéfiniment : il faut qu'ils saisissent le moment actuel pour investir.

Monsieur de Courson m'a demandé s'il ne vaudrait mieux pas accorder des aides à d'autres formes de mobilité qu'à la mobilité électrique. Rappelons que le principal problème actuel est celui de la qualité de l'air en milieu urbain, qui est fonction des émissions polluantes des gaz d'échappement des véhicules, mais aussi des particules de freinage. Une étude de l'ADEME a d'ailleurs montré que la part relative des particules de freinage augmentait dans la mesure où, contrairement aux moteurs, les systèmes de freinage n'avaient guère connu d'amélioration – en dehors de la possibilité d'y installer des aspirateurs. Or, nous avons calculé que la voiture électrique émettait 80 % de particules de freinage de moins qu'un véhicule thermique. Ce calcul vaut également pour les véhicules hybrides, dont le freinage se fait essentiellement en mode électrique sans recourir aux plaquettes ni aux disques de frein. Ainsi, non seulement la voiture électrique n'émet aucun polluant atmosphérique, mais elle émet aussi beaucoup moins de particules de freinage. Et, s'il me semble effectivement difficile aujourd'hui de parvenir à 10 % de voitures électriques sur l'ensemble du parc, il est possible d'atteindre 10 % des ventes.

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