Intervention de Pierre-René Lemas

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui dans votre commission. J'organiserai mon propos autour des priorités de la Caisse des dépôts et consignations – qui célèbre en effet, cette année, plus précisément au mois d'avril, son bicentenaire –, en insistant sur son intervention dans les territoires.

Peut-être faut-il rappeler au préalable que la Caisse des dépôts, qui est autonome et placée sous la tutelle du Parlement – telle est la spécificité de son statut depuis 1816 –, n'utilise pas d'argent public : elle centralise l'épargne des Français, ainsi que les dépôts des professions juridiques réglementées, notamment ceux des notaires. L'ensemble de ces sommes ont produit ses fonds propres et lui permettent aujourd'hui de financer l'économie dans un objectif d'intérêt général. Elle est, du reste, un important contributeur au budget de l'État, puisque l'ensemble des prélèvements dont elle s'est acquittée l'année dernière s'élèvent à environ 1,8 milliard d'euros.

Ma priorité, lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a deux ans, était de faire en sorte que la Caisse des dépôts devienne, ou redevienne, la Caisse des dépôts des territoires. De fait, l'économie n'est pas hors-sol et le développement territorial est un enjeu majeur où se rejoignent le passé et l'avenir de l'institution. La Caisse des dépôts doit ainsi, à court terme, et conformément à sa vocation première, relancer l'économie dans les territoires par l'investissement et, à moyen terme, accompagner les transitions majeures que sont les transitions territoriale, énergétique et écologique, numérique et sociale.

Je vais donc aborder successivement les différents secteurs dans lesquels elle s'efforce d'intervenir en priorité dans les territoires, c'est-à-dire le logement, les infrastructures, le tourisme et le développement des entreprises.

Je commencerai par citer quelques chiffres qui permettront de mesurer l'ampleur de notre contribution à l'investissement dans les territoires, qui est en effet très mal connue. Pour la période 2016-2020, puisque nous définissons nos enveloppes d'intervention dans un cadre pluriannuel, le groupe Caisse des dépôts – qui comprend l'établissement public Caisse des dépôts et consignations et ses filiales : BPIfrance, la Caisse nationale de prévoyance, Icade, la Société nationale immobilière (SNI), etc. – pourra mobiliser 26 milliards d'euros en investissements, dont plus de 19 milliards d'euros en faveur des territoires. Par ailleurs, nous prévoyons de mobiliser, sur la même période, une enveloppe de l'ordre de 100 milliards d'euros en prêts sur fonds d'épargne, cette somme étant calculée sur la base du rythme annuel de prêts, qui a atteint un niveau historique en 2015 puisqu'il s'est élevé à un peu plus de 21 milliards d'euros, qui ont permis de financer le logement, les infrastructures et les équipements publics.

Au-delà des chiffres, nous venons d'achever, à l'instar de nombre d'organismes publics, la réorganisation de notre réseau pour l'adapter au nouveau découpage territorial, notamment régional. Nous souhaitons en effet être beaucoup plus présents sur le territoire : nos directions régionales doivent non seulement être la vitrine de la Caisse des dépôts, mais aussi aller à la rencontre de nos partenaires, dans une relation qui peut être de même nature que celle qui existe entre un prestataire de services et sa clientèle. C'est une petite révolution pour la Caisse des dépôts.

Nous souhaitons pouvoir passer des conventions avec les collectivités territoriales ou leurs groupements. Dans le cadre de cette politique, engagée il y a un peu plus d'un an et demi et en sachant que la période électorale qui vient de s'achever n'est pas la plus propice de ce point de vue, nous en avons signé une dizaine avec les anciennes régions, sept avec les départements – vous avez cité l'exemple de l'Ariège, Madame la présidente –, quinze avec les grandes villes ou les intercommunalités et onze avec les métropoles de Rouen, Montpellier, Rennes, Grenoble, Lyon, Nantes, Brest, Nice, Paris, Aix-Marseille et Lille. Notre objectif est de signer des conventions pluriannuelles avec l'ensemble des collectivités territoriales, en ciblant plus particulièrement les villes moyennes et les communautés de communes rurales qui, à l'évidence, sont celles qui ont les plus grands besoins. Il s'agit de leur proposer les produits de notre gamme, c'est-à-dire des prêts sur fonds d'épargne, des capacités d'investissement en fonds propres – non seulement en participant à des tours de table, comme nous le faisons traditionnellement, mais aussi en initiant des tours de table sur des sociétés de projet, des sociétés d'économie mixte, des opérations d'investissement – ainsi que notre ingénierie technique, financière et juridique, dont beaucoup de collectivités ont un besoin important. De fait, dans le domaine financier, les manières de faire traditionnelles ne correspondent plus à la réalité : aujourd'hui, il faut aller chercher des financements sur le marché, au niveau européen, faire des mix de produits... La mise à disposition de notre ingénierie participe de notre mission de service public. Nous souhaitons inscrire ces actions dans un cadre pluriannuel, en définissant des enveloppes et des objectifs et en laissant nos directeurs régionaux le plus libres possible de négocier directement avec les exécutifs territoriaux. C'est pourquoi nous menons simultanément une politique de déconcentration, car il est tout de même plus simple, du point de vue de la gestion et des relations avec les acteurs locaux, d'éviter de faire remonter les décisions à Paris.

Encore une fois, il s'agit d'une petite révolution dont je ne sous-estime pas la difficulté. La Caisse des dépôts doit s'ancrer davantage – elle l'a été, historiquement – dans les territoires, déconcentrer les décisions et développer dans la mesure du possible une vision pluriannuelle. Du reste, beaucoup de maires ou de présidents de conseil départemental ont souhaité conclure des « conventions de mandat », qui consistent à les accompagner sur la durée de leur mandat. Encore une fois, la Caisse des dépôts doit redevenir la Caisse des dépôts des territoires.

Je souhaiterais vous exposer maintenant, de manière un peu impressionniste, notre action au service de ces derniers.

Dans le domaine du logement, notre champ d'action, celui de l'établissement public ou de nos filiales – SNI, Icade et, d'une certaine manière, la SCET –, recouvre le logement social, le logement intermédiaire et le logement très social. Autrement dit, nous avons souhaité disposer – et cela correspond à la volonté des pouvoirs publics – de la gamme complète du logement d'intérêt social, si je puis dire. La Caisse des dépôts est ainsi le premier financeur du logement social en France, logement social dont la part dans la construction neuve est passée en quinze ans, pour des raisons qui tiennent notamment à la crise, de 15 % à 30 %. En 2015, nous avons octroyé, à travers le fonds d'épargne, 17,2 milliards d'euros de prêts aux acteurs du logement social et de la politique de la ville – il s'agit d'un record historique, et nous souhaitons maintenir ce rythme au cours des cinq années à venir. Ce faisant, nous avons contribué à la construction de 134 000 logements sociaux et à la rénovation de 310 000 autres, dont 50 000 ont bénéficié d'une rénovation thermique lourde financée par un prêt à taux zéro ; notre objectif est d'atteindre le chiffre de 60 000 logements par an.

Dans le secteur du logement intermédiaire, l'opérateur est notre filiale SNI, qui est détenue à 100 % par la Caisse des dépôts mais qui est autonome. Elle a pour objectif de réaliser 35 000 logements intermédiaires d'ici à 2019. À l'heure actuelle, 10 000 logements sont déjà commandés, ce qui correspond à 270 opérations. Pour vous donner une idée de l'activité de la SNI, elle couvre actuellement 800 chantiers.

Par ailleurs, ADOMA, ex-SONACOTRA, est entrée, après de longs débats, dans le giron de la Caisse des dépôts, de sorte que celle-ci est désormais le premier opérateur en matière de logement d'insertion, d'hébergement d'urgence et d'accueil des demandeurs d'asile. Cela représente un changement dans les objectifs de la Caisse, qui a, à ce titre, un parc de 70 000 logements. En matière de logement très social, notre objectif est de mettre en chantier 3 700 logements cette année, contre 2 600 l'an dernier. Cette accélération vise à répondre à la demande des pouvoirs publics concernant l'accueil des migrants et des réfugiés. À la mi-2015, ADOMA accueillait 11 500 demandeurs d'asile ; sa capacité d'accueil devrait être portée à 16 000 d'ici à 2017.

Quant aux infrastructures, la Caisse des dépôts les finance depuis 1822, qu'il s'agisse du réseau ferré, des écoles publiques, de l'électrification rurale, des autoroutes ou du très haut débit aujourd'hui. C'est une de ses vocations ; elle demeure, du reste, le premier investisseur en fonds propres dans les infrastructures françaises. Par ailleurs, la Caisse des dépôts accorde des prêts ; elle dispose à ce titre d'une enveloppe de 20 milliards d'euros pour le secteur public local, dont 5 milliards d'euros de prêts à taux très faible que l'on appelle les prêts « croissance verte ». Cette enveloppe nous a permis, premièrement, de jouer un rôle contracyclique lorsque, durant la crise, le secteur financier était entièrement asséché et, deuxièmement, de contribuer à la relance de l'investissement puisqu'à la fin de l'année 2015, nous avions signé 8 milliards d'euros de prêts. Je ne vous cache pas que je souhaite que cette enveloppe, qui doit venir à expiration en 2017, soit pérennisée. Il nous semble en effet que, contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, le marché n'est pas encore en situation de prendre le relais sur les prêts longs à taux d'intérêt très bas.

En ce qui concerne la transition énergétique et écologique, deux éléments me paraissent importants. Tout d'abord, la Caisse des dépôts a pris une part très active dans l'organisation de la COP21, conformément aux voeux des pouvoirs publics. Notre objectif était assez simple : il s'agissait de contribuer, en tant que personne publique, à mobiliser la sphère financière privée. Nous avons donc organisé une série de manifestations, notamment au mois d'avril dernier à Paris, auxquelles nous avons invité l'ensemble de l'industrie financière mondiale. Ces rencontres étaient inédites à un double titre : d'abord, parce que nous avons fait venir l'ensemble de l'industrie financière à Paris ; ensuite, parce que l'invitation avait été lancée par une institution publique, même si elle intervient dans le champ concurrentiel. Toujours est-il que la sphère financière privée s'est engagée avec nous sur des objectifs extrêmement novateurs – j'espère qu'il ne s'agira pas uniquement d'opérations de communication dites de greenwashing – qui consistent, premièrement, à réduire l'empreinte carbone des portefeuilles et, deuxièmement, à mobiliser des financements verts.

Parce que nous souhaitions montrer l'exemple, nous nous sommes engagés, dès avant le vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d'une part, à réduire de 20 %, d'ici à 2020, l'empreinte carbone de nos portefeuilles d'actions – et je rappelle que la Caisse des dépôts est actionnaire de toutes les entreprises du CAC40, ce qui représente un volume d'actifs de 55 milliards d'euros – et, d'autre part, à devenir un créateur d'actifs verts en mobilisant, entre 2014 et 2017, 15 milliards d'euros au service de la croissance verte, grâce au doublement de nos investissements dans le secteur des énergies renouvelables et à la mise à disposition de 10 milliards d'euros de prêts sur fonds d'épargne, soit 5 milliards d'euros d'éco-prêts au logement social et 5 milliards d'euros de prêts « croissance verte ». Pour vous donner un ordre de grandeur, au cours des quatre dernières années, la Caisse des dépôts a contribué à financer les énergies renouvelables pour un montant équivalent à celui d'une tranche nucléaire. C'est un premier pas, mais l'image est éloquente – même si l'on me recommande parfois de ne pas l'utiliser… Nous avons notamment contribué à financer des projets de parcs éoliens en mer au large de l'île d'Yeu, de Noirmoutier et de Dieppe. Je précise à ce propos que nous sommes, en France, le seul investisseur financier à être présent dans ce secteur, qui est pourtant un élément majeur de la transition énergétique.

En ce qui concerne la transition numérique, la Caisse est engagée depuis très longtemps dans le financement des réseaux haut et très haut débit. Nous avons ainsi investi dans 36 réseaux d'initiative publique en accompagnement des collectivités territoriales. Nous souhaitons développer notre partenariat avec ces dernières. C'est ainsi que nous avons mis sur pied, il y a un an et demi, le premier project bond à la française, qui a permis à plusieurs départements de trouver des financements de marché, avec des rehaussements. Nous intervenons également financièrement dans des projets d'espaces de co-working, et le Président de la République nous a demandé, lors de la célébration du bicentenaire, de nous engager en tant que groupe dans le développement des smart cities. C'est un projet superbe, car les villes intelligentes représentent l'urbanisme de demain.

J'en viens au secteur du tourisme, dans lequel la Caisse des dépôts était traditionnellement présente par l'intermédiaire de ses filiales : Belambra, ex-VVF, dans laquelle elle détient une participation d'un tiers, et la Compagnie des Alpes, présente dans le secteur des remontées mécaniques et des parcs de loisirs, jusqu'au Musée Grévin. Dans ce domaine, nous avons souhaité développer une capacité d'intervention massive dans la perspective de l'arrivée sur le territoire national de 20 millions de touristes supplémentaires dans les années qui viennent. De fait, nous n'avons plus la capacité d'accueillir l'ensemble des touristes susceptibles de venir en France et nous risquons d'être dépassés – nous commençons, du reste, à l'être, en volume de chiffre d'affaires – par les pays d'Europe du sud. Il s'agit donc, selon nous, d'un impératif d'intérêt national.

Pour être en mesure d'accueillir 100 millions de touristes étrangers par an d'ici à 2020, il est nécessaire de monter en gamme. Nous avons donc créé un dispositif composé de trois outils. Premièrement, nous sommes en train de créer une foncière, dans laquelle la Caisse des dépôts détiendra une participation financière aux côtés d'investisseurs institutionnels, pour promouvoir des projets d'hébergement ; nous voulons construire des murs : complexes de loisirs ou resorts, centres d'accueil et d'hébergement, hôtels de tous niveaux correspondant aux souhaits de la clientèle internationale. Notre objectif est de réaliser une levée de fonds de l'ordre de 500 millions d'euros, à laquelle nous participerons à hauteur de 100 à 150 millions d'euros. Le tour de table est en cours avec les investisseurs institutionnels, lesquels n'avaient pas été remobilisés depuis longtemps en faveur de l'investissement touristique. Cette foncière devrait être opérationnelle au printemps.

Deuxièmement, nous créons avec BPIfrance un fonds de capital-développement, qui s'intitulera « France investissement tourisme », afin de renforcer les fonds propres des opérateurs exploitants, des entreprises innovantes et du « e-tourisme ». Nous ne pouvons en effet laisser Airbnb être le seul opérateur à intervenir sur le territoire national ; la France a la possibilité d'être, demain, un portail d'accueil au moins de niveau européen. Ces fonds sont ouverts à des souscripteurs tiers, pour atteindre un volume d'environ 100 millions d'euros, la contribution de BPIfrance s'élevant à 50 millions d'euros. Je précise à ce propos que j'ai demandé à cette dernière de moderniser les modalités d'attribution de ses prêts au secteur touristique. Ces derniers sont en effet les héritiers, même s'ils ont été un peu réformés, du vieux crédit hôtelier et ils étaient liés à des objectifs très pré-administrés, puisqu'ils étaient accordés en vue d'un changement du nombre d'étoiles, par exemple. Or, cela ne correspond pas aux voeux de l'hôtellerie, qui souhaite se moderniser sans forcément passer de deux à trois étoiles.

Troisièmement, nous avons dégagé un programme de financement en fonds propres correspondant à une enveloppe de 400 millions d'euros sur cinq ans. Il s'agit de contribuer au financement de l'hébergement et, surtout, des équipements, qu'il s'agisse de créations ou de rénovations. Cela va des ports de plaisance jusqu'à la capacité de financement des infrastructures.

Additionnés, ces trois outils offrent une capacité d'intervention d'1 milliard d'euros. Nous estimons, d'une part, qu'il est bien dans la vocation de la Caisse des dépôts et conforme à l'intérêt général d'intervenir dans un secteur aussi important et, d'autre part, que si nous ne consentons pas cet effort, nous risquons d'être complètement dépassés par la réalité économique dans les années qui viennent. Du reste, le besoin existait puisque, depuis que nous avons fait ces annonces, des dizaines de projets nous ont été proposés par les collectivités territoriales ou les investisseurs privés, projets qui concernent aussi bien les palais des congrès que les équipements sportifs, les ports de plaisance ou les parcs à thème. Nous avons voulu que notre thèse d'investissement soit la plus large possible.

J'en viens maintenant au financement des entreprises de l'économie classique et de l'économie sociale et solidaire. Pour la période 2016-2020, le groupe – en fait, essentiellement BPIfrance – prévoit une capacité d'investissement de 12 milliards d'euros en faveur des entreprises, dont 3,4 milliards d'euros pour 2016. Je rappelle que BPIfrance est détenue à parts égales par l'État et la Caisse des dépôts, la participation de cette dernière représentant la moitié de ses fonds propres. Je me permets d'apporter cette précision car nombre de financements qui étaient traditionnellement entre les mains de la Caisse des dépôts ou du Fonds stratégique d'investissement (FSI) relèvent désormais de BPIfrance. De ce fait, beaucoup peuvent avoir le sentiment que, parce que celle-ci agit au service des entreprises – bien ou mal, c'est une autre affaire ; plutôt bien, du reste –, la Caisse des dépôts en fait moins. Or, je le répète, BPIfrance est une filiale de la Caisse des dépôts ; c'est un outil bancaire. Nous avons ainsi fixé, avec l'État, quelques-unes de ses orientations et j'ai voulu, pour souligner le lien entre les deux organismes, que le directeur général de la Caisse des dépôts soit le président du conseil d'administration de BPIfrance. Je souhaite en effet pouvoir contrôler ce qui se passe dans une filiale où nous avons mis la moitié de nos fonds propres.

Néanmoins, la Caisse des dépôts intervient directement, surtout auprès des PME. Elle est en effet le premier investisseur français dans les PME cotées. Nous avons d'ailleurs prévu d'investir, à ce titre, près de 3,5 milliards d'euros dans les années qui viennent. Notre intervention a également pour objectif d'inciter à l'innovation, c'est-à-dire à l'expérimentation d'outils nouveaux. C'est ainsi que nous avons créé six fonds d'investissement pour la croissance et l'innovation – Novi, Novo et Nova – qui réunissent au total 1,5 milliard d'euros de financements. Ils sont conçus autour de l'idée suivante : la Caisse des dépôts fait un apport en financement et essaie d'élaborer un tour de table en faisant revenir autour d'elle les investisseurs institutionnels. Ce que nous souhaitons, c'est innover en utilisant l'argent « public » de la Caisse des dépôts afin d'attirer les financements privés, puis démontrer que ces fonds peuvent être des outils de marché. Cela fonctionne plutôt bien : les fonds que nous avons créés il y a deux ans et demi ont essaimé et fait l'objet d'une consécration réglementaire en 2013 puisqu'ils ont permis la création de ce que l'on appelle désormais les fonds de prêt. Près de 90 fonds de prêt ont ainsi été constitués sur ce modèle ; c'est un formidable succès. Je conçois l'intervention de la Caisse des dépôts en tant que telle dans le secteur économique comme un facteur d'innovation et de mobilisation de financements privés sur des objectifs déterminés en commun. Ces quelque 90 fonds de type Novo ont permis de lever au total 14 milliards d'euros au profit des entreprises en 2014-2015.

Dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, nous participons au financement des grands réseaux tels que l'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) et des entreprises de ce secteur : l'an dernier, 40 000 d'entre elles ont bénéficié des financements de la Caisse des dépôts. Par ailleurs, celle-ci cofinance avec l'État l'Agence France entrepreneurs, qui a pour objet de participer au financement de la création d'entreprises dans les quartiers en difficulté. Enfin, nous contribuons à tous les projets territoriaux visant à accélérer le développement économique des zones situées à la périphérie des villes, notamment des quartiers ; je pense notamment à l'arc de l'innovation en région parisienne.

Je conclurai en vous donnant quelques éléments sur les annonces qu'a faites le Président de la République il y a une semaine. Celui-ci a mis l'accent sur deux objectifs qui sont en cohérence avec les actions que je viens de vous décrire, puisqu'il a annoncé une capacité d'intervention supplémentaire de 3 milliards d'euros, consacrée, pour moitié, au logement social et, pour l'autre moitié, à la transition énergétique.

En ce qui concerne le logement social, l'objectif est de dégager, au profit des organismes HLM, une enveloppe comprise entre 1 et 1,5 milliard d'euros de prêts à taux zéro sur une période longue d'au moins vingt ans, sans différé d'amortissement. Si nous avons fait au Président de la République cette suggestion, qu'il a retenue, c'est parce que nous savons, les uns et les autres, qu'il sera de plus en plus difficile de développer les financements de l'aide à la pierre au sens traditionnel du terme. Or, les organismes HLM ont un besoin majeur de financement et d'accès à l'emprunt. Mais, pour cela, la majorité d'entre eux doivent renforcer leurs fonds propres. En leur accordant des prêts longs, gratuits et remboursables au bout de vingt ans, nous leur proposons des quasi fonds propres qui contribueront à renforcer leur haut de bilan, donc leur capacité d'emprunter et de financer. Ces subventions inédites devraient permettre à l'ensemble du monde HLM de lever, si l'enveloppe s'élève à 1 milliard d'euros, environ 8 milliards d'euros pour financer la construction d'au moins 50 000 logements sociaux supplémentaires.

Le Président de la République nous a également demandé de créer une grande société foncière publique, qui sera dotée en capital par la Caisse des dépôts, dès le départ ou progressivement, de 750 millions d'euros, à charge pour l'État et les personnes publiques de lui apporter du patrimoine immobilier, essentiellement des terrains, qui seront ensuite cédés à bail – dans le cadre de baux emphytéotiques, par exemple – aux collectivités territoriales ou aux organismes HLM. Ce dispositif permettrait de diminuer potentiellement le coût du terrain de plus de 20 %.

En ce qui concerne la transition énergétique, deux orientations ont été définies. Tout d'abord, une enveloppe de prêts d'1,5 milliard d'euros de prêts à taux zéro à long terme – sans doute vingt ans – sera mise à la disposition des collectivités territoriales et des acteurs publics pour la rénovation thermique des bâtiments publics : lycées, collèges, écoles, universités, EHPAD… Cette rénovation est actuellement financée, soit par la Caisse des dépôts à travers des prêts sur fonds d'épargne, soit par la Banque européenne d'investissement dans des conditions qui nécessitent des semaines de négociation. Ce dispositif devrait produire rapidement des effets importants sur le secteur du bâtiment et des travaux publics, car des projets de rénovation thermique existent sur l'ensemble du territoire national. J'ajoute que ces prêts – c'est un élément important – pourront couvrir non pas 50 %, comme c'est le cas aujourd'hui, mais 100 % des besoins. J'attends la confirmation, par un « bleu » de Matignon, de cette dérogation aux règles traditionnelles de Bercy. Ensuite, le Président de la République a annoncé la création d'un opérateur national de la rénovation des bâtiments publics, qui pourrait se substituer aux collectivités qui le souhaitent en prenant à sa charge l'ensemble des négociations et en se rémunérant ensuite par loyers sur l'ensemble de la période. Ce mode de fonctionnement a été expérimenté avec Exterimmo.

Enfin, tout cela n'est possible que parce que la Caisse des dépôts va accélérer, dans les trois ans qui viennent, son programme de rotation d'actifs – point sur lequel elle est critiquée depuis quelques années. Cela implique que l'État accepte, de son côté, de faire un effort en diminuant les prélèvements qu'il opère sur la Caisse des dépôts, car ces cessions d'actifs contribuent à alimenter le budget de l'État. Le prélèvement de ce dernier, qui s'élève depuis plusieurs années à 75 % du résultat social de la Caisse – il s'agit d'un plafond, mais il est atteint chaque année – serait ainsi abaissé à 50 %. Ce n'est pas extravagant : le prélèvement de 75 % était quelque peu dérogatoire au droit commun. En outre, la Caisse des dépôts devrait être exonérée de ce prélèvement pour la cession de ses participations supérieures à 5 %, c'est-à-dire pour les participations importantes. L'addition de ces deux efforts, celui de la Caisse des dépôts et celui de l'État, permet de dégager une capacité de financement de 3 milliards d'euros.

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