GRDF est un réseau de distribution qui travaille beaucoup avec les territoires ; c'est donc à cette échelle que je situerai mon intervention pour évoquer la démarche que nous avons effectuée en région Rhône-Alpes. Le débat sur le gaz naturel pour véhicules a toujours souffert du syndrome de la poule et de l'oeuf : faut-il d'abord créer un réseau de stations ou bien fabriquer les véhicules ? Mais pour avoir des poussins, il faut mettre un coq dans la basse-cour ; de même, seule l'implication des pouvoirs publics, en l'occurrence des territoires, peut permettre de lancer le processus. En Rhône-Alpes, dans le cadre de la démarche « GNVolontaire », l'ADEME a octroyé des aides à l'acquisition de poids lourds aux sociétés qui s'engageaient à utiliser une station. On a donc combiné l'engagement de la puissance publique territoriale, celui du constructeur de véhicules et celui d'investisseurs susceptibles de créer des stations. La démarche était réservée aux poids lourds de plus de dix-neuf tonnes. En moins de deux mois, huit entreprises et une collectivité se sont portées acquéreurs de poids lourds à gaz naturel, pour un total de quinze véhicules. On a donc réussi à faire émerger des stations. Dans le domaine du GPL, on a créé des stations, mais elles attendent toujours les véhicules ; faire rouler des véhicules sans stations est tout aussi délicat. L'exemple que j'évoque montre que sur un territoire, la problématique locale de pollution peut pousser les gens à utiliser des véhicules au biométhane.
Si l'on généralise l'expérience à l'ensemble du territoire national, elle coûterait 16 millions d'euros sur cinq ans – une somme relativement modeste. En 2020, les camions GNV représenteraient une part de marché de 10 % sur les véhicules poids lourds neufs. Ce scénario, construit par le MEDEF, fait consensus au sein de la filière. Par rapport au 1,5 milliard d'euros du fonds de financement de la transition énergétique ou par rapport au programme d'investissements d'avenir, l'objectif de 16 millions d'euros nous semble atteignable. En revanche, ce serait aux territoires de décider où ce genre d'initiatives est le plus opportun. C'est exactement la démarche qui a présidé à la création des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV).
Si l'État investit dans la filière GNV, un euro d'argent public générerait, par effet de levier, dix euros d'investissement privé. Ainsi, 225 000 euros d'investissement public – 15 000 par camion – permettraient de construire quinze camions à 110 000 euros pièce et une station à 1 million d'euros. Les véhicules seraient de fabrication française et les stations, animées par des opérateurs français. L'effet démultiplicateur est donc important et générateur d'emplois en France ; pourquoi s'en priver ?
Le biométhane est une énergie fabriquée à partir de déchets ; le gaz épuré est injecté dans le réseau. L'ADEME estime que la meilleure valorisation du biométhane est le carburant, en remplacement des carburants fossiles tels que le diesel. Aujourd'hui, la filière se développe. On en est à quatorze sites qui injectent dans notre réseau et trois autres sites : un sur le réseau de GRTgaz, un à Strasbourg et un sur le réseau TIGF. La filière démarre donc avec dix-sept sites et 260 gigawattheures. On espère avoir vingt autres sites l'année prochaine. Comme vous le savez, les projets de méthanisation ne se décrètent pas à Paris, mais appartiennent aux territoires, qui pensent forcément à la valorisation. Or comme le montrent tous nos projets, la valorisation carburant est naturelle. À Forbach, par exemple, on a fait rouler des bus et des bennes à ordures au gaz ; la RATP veut également agir en matière de biométhane carburant. Un système de garanties d'origine permet enfin une réelle traçabilité, du début à la fin, du biométhane utilisé.
Dans le cadre du Comité national biogaz, l'on a créé plusieurs groupes de travail, pilotés par l'administration, dont un atelier bio-GNV. Les propositions faites dans ce cadre sont stimulantes : la stabilisation de la TICPE, votée dans le projet de loi de finances – dont nous sommes très satisfaits –, ou l'amortissement accéléré des poids lourds. Nous souhaiterions cependant aller plus loin pour obtenir que le biométhane carburant soit moins taxé. En effet, une étude montre que le biométhane dégage moins de 188 grammes de gaz à effet de serre par kilowattheure ; donc plus on utilise du biométhane, moins il y a de gaz à effet de serre puisqu'on capte en même temps des déchets et qu'on remplace des engrais fabriqués aujourd'hui à partir d'énergies fossiles. Globalement, il s'agit donc d'une énergie très propre. Or si les taxis qui roulent aujourd'hui au diesel sont partiellement détaxés, ceux qui roulent au biométhane ne le sont pas ; cela n'incite pas à adopter ce type de carburant !
Contrairement à la directive sur les énergies renouvelables, la législation française ne reconnaît pas encore le biométhane comme un biocarburant avancé. Il n'est donc pas compté dans les objectifs de 10 % de carburants renouvelables à l'horizon 2020 et de 15 % à l'horizon 2030, que fixe la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Nous sommes persuadés que le biométhane pourrait demain être intégré dans ces objectifs et que la filière des carburants pourrait se tourner vers ce type d'énergie, comme elle se tourne vers le bioéthanol ou le biodiesel. Nous espérons que votre mission d'information pourra y aider.
Les territoires se sont saisis de cet enjeu : quatre-vingt-quatorze TEPCV intègrent la problématique du gaz, et trente-quatre – parmi lesquels le Grand Troyes, Forbach, Saint-Étienne métropole, Mont-de-Marsan ou Maremne Adour Côte-Sud – ont identifié le GNV comme action prioritaire. Cette dynamique est notamment portée par la volonté des villes d'accompagner le mouvement en matière de logistique du dernier kilomètre. Les municipalités prennent conscience de l'intérêt qu'elles ont à utiliser les déchets et les stations d'épuration pour faire rouler les bus et les bennes à ordure. Le travail réalisé à Lyon montre que ces solutions sont parfaitement envisageables.
Nous commençons à être entendus dans le monde politique, surtout au niveau territorial. De plus en plus de territoires, de transporteurs et de fabricants de camions souhaitent voir les bus et les camions passer au gaz, et nous nous en réjouissons.