Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 20 janvier 2016 à 16h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Monsieur le président, madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je suis entouré de M. Noël Diriq, conseiller maître et président de la section qui traite des problématiques de santé et d'établissements de santé, et de Mme Esmeralda Luciolli, qui est à la fois médecin de santé publique, administratrice civile, rapporteure de cette enquête.

Vous nous avez invités à revenir sur cette transgression réussie qu'est l'HAD. Celle-ci a été créée au milieu des années 1950, sans aucun support juridique ni cadre prédéfini, à partir d'une intuition de certains médecins de l'Assistance publique, qu'ils avaient confortée par des visites aux États-Unis où s'imaginaient de nouveaux modes de prise en charge, à l'interface de l'hospitalisation conventionnelle et des soins de ville. Cette intuition, née dans les années 1954-1956, a grandi et a été progressivement reconnue dans les textes : d'abord dans la loi hospitalière du 31 décembre 1970, et plus récemment dans la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), promulguée le 21 juillet 2009.

En septembre 2013, dans l'un des chapitres du rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, nous avions dressé un premier bilan de l'HAD dans le système de soins actuel. Nous étions très intéressés par ce mode de prise en charge original, mal connu, et qui nous semblait receler de fortes potentialités d'amélioration du parcours de soins des patients, en particulier des plus âgés d'entre eux. Dans ce rapport, nous indiquions que l'HAD était mieux reconnue et davantage fondée sur le plan juridique qu'auparavant mais qu'elle restait marginale et se heurtait à des obstacles récurrents que nous avions cherché à identifier. Compte tenu de l'intérêt de ce mode de prise en charge, nous avions appelé les pouvoirs publics à encourager son développement et à lever les freins qui s'opposaient à son essor.

Moins de deux ans plus tard, vous nous avez demandé de revenir sur ce sujet tout à fait passionnant, et nous avons constaté que le paysage avait certes changé mais pas suffisamment.

Premier point : les pouvoirs publics ont voulu développer une stratégie d'ensemble cohérente et fortement pilotée de développement de l'HAD dans les deux mois qui ont suivi la parution de notre rapport. Je ne dis pas que c'est la conséquence de notre publication : les germinations sont souterraines et l'attention que nous avons portée à l'HAD a rencontré l'effort de réflexion des pouvoirs publics, en particulier de la direction générale de l'offre de soins (DGOS).

Nous constatons cependant qu'il existe désormais un cadre d'ensemble pour le développement de l'HAD, défini par une circulaire du 4 décembre 2013, qui présente l'originalité de fixer des objectifs de développement quantitatifs ambitieux : il y était ainsi prévu de doubler la part de l'HAD dans les hospitalisations conventionnelles entre 2013 et 2018, c'est-à-dire de la faire passer de 0,6 % à 1,2 % du nombre de séjours réalisés en hospitalisation. Ces objectifs visaient à mettre sous tension l'ensemble du dispositif de pilotage de l'offre de soins et les établissements eux-mêmes.

Les pouvoirs publics ont réaffirmé dans cette circulaire la spécificité de ce mode de prise en charge. Rejoignant notre analyse au Parlement, ils soulignaient le fait que l'HAD n'est pas destinée à n'importe quelle pathologie, mais qu'elle est adaptée à des prises en charge particulièrement complexes : des soins lourds, substituables à ceux qui sont prodigués en établissement et distincts de ceux qui peuvent être dispensés en ville par des professionnels libéraux de santé.

La circulaire du 4 décembre 2013 visait aussi à rendre l'HAD plus accessible sur l'ensemble du territoire, afin de remédier aux disparités géographiques que nous avions constatées. Enfin, il y était question des outils mis au service de cette ambitieuse stratégie. La mobilisation des Agences régionales de santé (ARS) devait notamment permettre de faciliter la prescription des entrées en HAD par les médecins.

Nous dressons donc le bilan de cette circulaire relativement peu de temps après sa mise en oeuvre, ce qui explique sans doute notre constat en demi-teinte. Les pouvoirs publics ont lancé une politique en 2013 ; nous l'avons examinée à la fin du printemps et à l'été 2015, c'est-à-dire à peine dix-huit mois plus tard. Il est normal que nous constations que les fruits n'ont pas encore passé la promesse des fleurs, contrairement aux vers de Malherbe.

Premier grand constat : à ce stade, le développement de l'HAD est limité, voire décevant. Après un rebond en 2012, qui contrastait avec l'essoufflement des années antérieures, sa progression s'est étiolée : une hausse de 4,7 % en 2013, pour seulement 1,9 % en 2014 et de l'ordre de 2,5 % au cours des neuf premiers mois de 2015. En 2014, seulement 18,5 patients par jour et pour 100 000 habitants étaient pris en charge en HAD, ce qui représente quelque 50 % du but visé pour 2018. Ce décalage très net par rapport aux prévisions laisse augurer que les objectifs affichés pour 2018 seront difficilement atteints.

Cette progression limitée résulte d'évolutions contrastées selon les pathologies prises en charge. L'activité diminue en post-partum, en soins palliatifs, en rééducation tant neurologique qu'orthopédique, et en transfusion sanguine. En matière de retour précoce à domicile après accouchement, le mouvement de repli est plus volontaire que subi, un référentiel ayant conclu que l'HAD n'apportait pas vraiment de valeur ajoutée par rapport à d'autres modes de prise en charge. En revanche, la baisse constatée en soins palliatifs nous paraît paradoxale puisque ce domaine, où les besoins sont considérables, est en développement. La raison qui nous a été donnée – la révision des pratiques de codage à la suite de contrôle de l'assurance maladie – nous semble insuffisante à expliquer cette évolution quelque peu étonnante. La baisse observée en transfusion sanguine s'explique pour sa part par un problème de tarification : la prise en charge ne couvre pas en effet les coûts engagés. En ce qui concerne les rééducations, les explications ne sont pas très claires, d'autant que les besoins sont considérables notamment en sortie d'hospitalisation.

En revanche, d'autres prises en charge se sont fortement développées, en particulier les soins de nursing lourds, les traitements intraveineux et la chimiothérapie pour les patients atteints de certaines formes de cancer.

Nous constatons aussi que les disparités territoriales ne se sont pas vraiment comblées entre 2011 et 2014, ce qui n'est pas formidablement étonnant. Il y a malgré tout des évolutions différenciées : l'activité en HAD progresse fortement dans certaines zones géographiques – Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne, Bretagne, Bourgogne –, ralentit dans d'autres – Basse-Normandie et Île-de-France – et baisse même dans certains cas – Alsace et Haute-Normandie. Les disparités géographiques, qu'elles soient régionales, départementales ou infra-départementales, restent du même ordre que celles que nous avions précédemment constatées. La DGOS a analysé d'une manière inédite le recours à l'HAD par bassin de vie dans les départements, ce qui a fait apparaître l'existence de zones blanches dans certains départements. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de services d'HAD dans ces zones puisque l'ensemble du territoire est désormais à peu près totalement couvert, mais cela signifie qu'il n'y a pas de prescription pour ce mode de prise en charge. Ce constat renvoie à des habitudes de prescription.

Deuxième grand constat : d'une manière générale, la place de l'HAD reste encore secondaire, voire très secondaire, dans le parcours de soins, pour des raisons que nous avions déjà identifiées. D'abord, la prescription est très majoritairement le fait de médecins hospitaliers – 70 % des entrées – et nous observons deux situations nettement clivées : soit les médecins hospitaliers connaissent l'HAD et ils y recourent fortement, soit ils n'ont pas eu l'occasion de s'y former et ils n'y recourent pas du tout. Pour reprendre un terme que l'on entend souvent dans le domaine médical, les entrées en HAD sont très fortement « personnalo-dépendantes », c'est-à-dire qu'elles dépendent du médecin hospitalier, de son réseau confraternel et de sa connaissance du système de soins. Elles sont davantage dictées par des liens de personne à personne que par la vision d'un mode de prise en charge mis à la disposition de tous les prescripteurs.

À cet égard, la mobilisation des ARS, souhaitée par les pouvoirs publics, n'a pas encore produit véritablement ses effets. Il y a de bons élèves tels que feu l'ARS de Languedoc-Roussillon qui vient de « convoler en justes noces » avec celle de Midi-Pyrénées. En Languedoc-Roussillon, l'effort se traduit dans les chiffres de mobilisation des établissements et des prescripteurs hospitaliers, ce qui n'est pas le cas général.

La faible mobilisation des médecins généralistes est encore plus nette, même si l'on note un léger frémissement : leurs prescriptions d'HAD représentaient 30,2 % du total en 2014, contre 29,6 % en 2012. La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a prévu de mobiliser ses délégués – les médecins qui vont à la rencontre de leurs confrères libéraux – en 2016, afin d'inciter à la prescription d'entrée en HAD pour des patients dont l'état de santé le justifierait. Nous verrons si cette initiative permet de relancer plus fortement cette prescription par les médecins libéraux, en particulier les médecins généralistes.

En la matière, les médecins généralistes font état de plusieurs difficultés. Tout d'abord, comme les médecins hospitaliers, ils n'ont pas été formés à l'HAD pendant leurs études, et ils ne sont pas informés de la disponibilité des structures. Leurs prescriptions dépendent donc de leur réseau confraternel. Ensuite, ils soulignent l'insuffisante réactivité des structures d'HAD. Un médecin généraliste, point d'entrée de l'HAD, cherche naturellement à faire prendre en charge son patient le plus vite possible, idéalement dans les vingt-quatre heures. Or les structures d'HAD, notamment quand elles sont de petite taille, ne peuvent pas prendre un patient dans des délais aussi rapides, sans compter les problèmes liés à l'environnement familial du malade et à la nécessité d'équiper le domicile de ce dernier. Les généralistes signalent aussi des difficultés techniques liées à certaines prises en charge très spécialisées, notamment en cancérologie. Le médecin traitant reste le responsable du traitement pendant la durée de l'HAD : en principe, il est le seul à pouvoir modifier le traitement, ce qui peut poser des problèmes de disponibilité ou d'expertise dans le cas de certaines prises en charge spécialisées.

Ce dernier point pose la question de l'articulation entre le médecin traitant et le médecin coordinateur de la structure de l'HAD, dont le rôle pourrait être élargi afin de favoriser le développement de ce mode de prise en charge. Réticent à l'idée d'un tel élargissement, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) souhaite préserver le rôle du médecin traitant. Il nous semble néanmoins qu'il convient de réfléchir à un assouplissement du cadre juridique, afin de tenir compte des besoins, de l'évolution des traitements des patients, notamment dans le cadre de prises en charge lourdes et complexes. Cet assouplissement se traduirait par une délégation accrue du médecin traitant au médecin coordinateur. Il nous semble qu'il faudrait regarder ce point de plus près avec le CNOM et avec les structures d'HAD.

La prescription est donc toujours peu développée, et c'est particulièrement le cas en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées. Il est symptomatique que les projets d'expérimentation sur les parcours des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA), prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2013, ne mentionnent pas du tout les structures d'HAD comme l'un des acteurs éventuels. Cette absence peut s'expliquer par des raisons institutionnelles – le projet PAERPA a été porté par la direction de la sécurité sociale alors que l'HAD est soutenue par la DGOS – ce qui ne veut pas dire qu'elle soit justifiée.

Une deuxième difficulté est liée la faiblesse des articulations entre les structures des HAD et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) car la situation de certaines personnes âgées justifie leur prise en charge par les deux types d'intervenants. Les dispositifs actuels ne permettent pas cette conjugaison, les financeurs – en particulier l'assurance maladie – redoutant un double financement pour des soins du même ordre. Certaines régions cherchent à surmonter la difficulté en favorisant la signature de conventions entre les fédérations d'HAD et de SSIAD, sous la houlette des ARS. Ces conventions permettent de faire des progrès au coup par coup, mais il serait nécessaire de mener une réflexion d'ensemble et de créer un cadre relationnel défini au niveau national entre les structures d'HAD et les SSIAD, de façon à mettre en place des coopérations renforcées, gages d'une meilleure qualité de prise en charge.

Enfin, il reste un problème d'information des familles qui, bien souvent, ne connaissent pas l'existence des structures d'HAD et ne peuvent donc pas suggérer ce type de prise en charge. Un amendement à la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a prévu la mise en oeuvre d'un droit, pour toute personne, à être informée par les professionnels de santé de la possibilité d'être prise en charge à domicile, dès lors que son état le permet. Il nous semble que c'est un levier tout à fait important pour diffuser l'information sur ce type de prise en charge qui reste difficilement accessible et de manière variable d'un département à l'autre.

De la même manière, les prises en charge en HAD dans les établissements médico-sociaux, notamment les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), restent limitées. Leur progression statistique est impressionnante mais elle part d'un niveau infinitésimal. En réalité, les prises en charges sont peu nombreuses. L'EHPAD est un substitut du domicile où, depuis 2007, les structures d'HAD peuvent intervenir. Cela répond aux souhaits de patients qui ne veulent pas faire des allers-retours, souvent très difficiles à vivre, entre leur EHPAD et l'hôpital.

Ce point fait l'objet d'une attention très vigilante des pouvoirs publics. Le comité de pilotage chargé du développement de l'HAD a mis en place un dispositif de suivi particulier qui vise notamment à mieux déterminer les indications qui peuvent donner lieu à ce type de prise en charge pour des personnes en EHPAD. Ce comité s'interroge aussi sur le maintien de la minoration des tarifs de l'HAD en EHPAD. Dans notre rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2013, nous avions noté que c'était assez dissuasif pour les structures d'HAD.

En résumé, nous avons constaté que les « lignes commençaient à bouger » mais que la progression de l'HAD restait faible. Cela s'explique par des raisons objectives – peu de temps s'est écoulé entre nos deux observations – mais cela tient aussi à l'existence d'obstacles et de préalables qui n'ont toujours pas été levés.

Premier des quatre obstacles que nous avons identifiés : l'efficience de l'HAD reste à étayer. Soyons clairs, une pléthore d'études permet de comparer, en France ou à l'étranger, une prise en charge en hospitalisation conventionnelle ou en HAD. La littérature scientifique internationale et les études effectuées en France par les pouvoirs publics montrent que l'HAD est, à qualité de prise en charge égale, moins onéreuse qu'une hospitalisation classique. La Haute autorité de santé (HAS) a fait une étude comparée des prises en charge en chimiothérapie. Elle montre que, dans la majorité des cas, l'HAD est moins chère que l'hospitalisation classique. Ce point est raisonnablement documenté, même s'il y aurait sans doute intérêt à développer encore ce type d'études.

En revanche, nous manquons de comparaisons entre l'HAD et la prise en charge par des professionnels libéraux de santé. Sur des soins très techniques et très lourds, la question ne se pose pas : les réseaux de professionnels libéraux ne disposent pas, même en conjuguant leurs compétences, du niveau de technicité nécessaire. Mais la question peut se poser pour certains types de prise en charge, comme nous l'avions souligné en 2013. Dans leur réponse au rapport de la Cour de 2013 sur la sécurité sociale, les pouvoirs publics ont bien souligné que l'HAD n'est véritablement une alternative que si son efficacité et son efficience sont démontrées par rapport à celles des professionnels libéraux de santé. Les études comparatives, qui devaient documenter ce point, n'ont été lancées ni par les pouvoirs publics ni par la CNAMTS. Cela reste une très grosse lacune. Dans les relations que nous avons eues avec les parties prenantes, en particulier la CNAMTS, on sent une forme de réticence vis-à-vis de l'HAD dès lors que ce point n'est pas éclairci. La CNAMTS est dans une situation paradoxale, à la fois « réluctante » et réticente, mais elle n'engage pas les études qu'elle pourrait effectuer.

Deuxième obstacle : l'insuffisance des référentiels d'activité. L'HAD doit être ciblée sur certains types de prise en charge, ce qui implique la détermination de critères précis. Les référentiels existants – le travail sur la chimiothérapie que j'ai évoqué tout à l'heure, ou la recommandation de bonnes pratiques publiée en 2011 par la HAS sur la périnatalité – ont été très efficaces. Certains travaux en cours à la HAS vont peut-être déboucher en 2016. De nouveaux référentiels devraient voir le jour dans le domaine de la cancérologie où l'HAD peut avoir un rôle important à jouer.

Ces référentiels sont importants pour mieux cibler l'HAD sur son coeur de métier, mais aussi pour développer de nouveaux types de prise en charge notamment en chirurgie orthopédique ou viscérale, ou bien à partir des services d'urgences hospitalières pour éviter certaines hospitalisations conventionnelles. Des expériences tout à fait intéressantes sont menées à l'hôpital de Lisieux où le patient peut passer directement du service des urgences à l'HAD, un « circuit court » qui suppose une très bonne entente entre médecins urgentistes et médecins traitants.

Troisième obstacle : la dispersion des structures et leur faible taille. Il existe environ 300 structures d'HAD – un nombre qui n'évolue guère – qui sont essentiellement portées par des établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), que l'on appelait autrefois « Participant au service public hospitalier » (PSPH). Ces structures portées par des ESPIC représentent 62 % de l'activité d'HAD. Les établissements publics n'en représentent que 26 %, et les établissements de santé privés à but lucratif, c'est-à-dire les cliniques privées, 12 %.

L'HAD est donc une forme de spécialisation des établissements de santé privés à but non lucratif. Les établissements de santé publics l'ont très inégalement développée, mis à part l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a été à l'origine de la création de ces dispositifs. Les établissements de santé privés sont peu présents sur ce secteur. On retrouve là des éléments de fragilité des structures de prise en charge en HAD : elles ne sont pas toujours adossées à un établissement hospitalier ; elles sont souvent de petite taille, indépendantes et peu actives.

Il faudrait sans doute réfléchir sur le juste dimensionnement des structures d'HAD. Cette question ancienne a été posée par les pouvoirs publics dès 2006. Elle se repose de manière beaucoup plus pressante depuis l'adoption de la loi HPST en juillet 2009, qui a conféré le caractère d'établissements de santé aux services d'HAD. Cette reconnaissance majeure impose aussi aux services des contraintes majeures : ils doivent respecter toutes les dispositions du code de la santé publique, qu'il s'agisse de la continuité des soins, du circuit des médicaments, du dossier médical informatisé. Les grandes structures y parviennent à peu près, qu'elles soient publiques ou privées ; les petites structures n'y arrivent pas. Cette situation a conduit l'assurance maladie à suspendre tout contrôle de la tarification à l'activité dans les petites structures, considérant sagement que ces dernières, en raison de leur taille, ne pourraient pas corriger les anomalies qui ne manqueraient pas d'être mises en lumière en cas de contrôle. L'assurance maladie a donc choisi de se centrer sur les grandes structures.

Nous avons aussi été frappés par le problème de la continuité des soins, qui n'est pas seulement d'ordre réglementaire mais qui interroge aussi la sécurité des prises en charge. Dans certaines structures, la continuité des soins est tout à fait satisfaisante dans la journée mais elle n'est pas assurée pendant la nuit. Dès lors que l'HAD doit prendre en charge des soins très techniques, très complexes, il est véritablement problématique d'avoir à se reposer sur le Centre 15 et sur les dispositifs de permanence des soins. En réalité, des difficultés pourraient apparaître du fait de l'absence du personnel nécessaire à ces prises en charge.

Quatrième obstacle : la tarification est hors d'âge ; elle n'est pas médicalisée et elle repose sur des études de coût qui remontent aux années 1990. Cette tarification conduit sans doute à entretenir des rentes de situation dans certains cas, mais elle contribue beaucoup plus souvent à fragiliser les structures d'HAD. Les pouvoirs publics ont lancé une dynamique de réforme de la tarification mais ils se heurtent à des difficultés, notamment en matière de recueil des données concernant les coûts dans les structures d'HAD. Celles-ci ont du mal à fournir des éléments suffisamment détaillés, homogènes et fiables. Résultat : cette réforme de la tarification est l'Arlésienne ; plus on avance, plus elle se décale. Elle est maintenant prévue pour 2019 ou 2020, ce qui nous semble un horizon très lointain. Il faut peut-être changer de méthode, et passer d'une étude nationale des coûts à partir des informations transmises par les structures d'HAD à une tarification, au moins temporairement, à dire d'expert pour certains types de prises en charge. En effet, les ajustements intervenus au cours des dernières années ne lèvent pas les difficultés qui peuvent remettre en cause la pérennité de certaines structures.

Telles sont nos conclusions. Vous nous avez fait réintervenir sur un sujet qui, vous le voyez, nous a tout à fait passionnés. Finalement, vous nous avez conduits à considérer que les pouvoirs publics avaient pris conscience à la fois de l'intérêt de ce mode de prise en charge et des freins à lever pour qu'il se développe. À notre avis, le potentiel de développement de l'HAD reste considérable : dans certains pays, elle atteint jusqu'à 3 %, voire 5 % de l'activité hospitalière et, même si les structures de soins ne sont pas les mêmes en France, il est sans doute possible d'y dépasser sensiblement l'objectif de 1,2 % des séjours hospitaliers fixé par des pouvoirs publics pour 2018.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion