Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 20 janvier 2016 à 16h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Quant à l'alourdissement relatif des coûts, on peut penser intuitivement qu'il correspond à la complexité accrue des prises en charge. Cela étant, nous n'avons pas les moyens de documenter finement cet aspect, pas plus que les coûts de gestion. La Cour des comptes n'a pas de compétence sur les établissements hospitaliers et elle doit passer par les chambres régionales des comptes. Dans le cadre d'un travail sur le maintien à domicile des personnes âgées, les juridictions financières ont été amenées à regarder quelques structures d'HAD et ces contrôles n'ont pas fait apparaître des coûts de gestion de nature à faire froncer le sourcil des magistrats. S'agissant des structures privées, la loi de modernisation de notre système de santé donnera aux chambres régionales des comptes la possibilité d'aller regarder de plus près la gestion de ces institutions, mais uniquement à partir des comptes de 2016.

Intuitivement, nous pouvons penser que la dispersion des structures est un facteur de coût – et pas seulement une source de fragilité – même si on ne peut pas l'évaluer : il y a des redondances. La question qui se pose est celle de la fusion des structures et non pas celle de leur disparition. Un mouvement se dessine puisque quelques fusions ont eu lieu entre 2012 et 2014.

Pourquoi les établissements publics de santé sont-ils très en arrière de la main par rapport aux ESPIC ? Je pense que le phénomène est lié à des partis pris différents. Les établissements publics de santé sont restés très attachés à l'hospitalisation classique, qui est le coeur de leur métier et de leur savoir-faire. Quelques grandes maisons, dont on a pu dire à un moment donné qu'elles étaient un État dans l'État, ont pu avoir les coudées franches pour créer leur système. Les grands centres hospitaliers universitaires (CHU), l'AP-HP en particulier, ont pu le faire assez précocement. Ensuite, c'est devenu beaucoup plus compliqué parce que, pendant longtemps, il y a eu une sorte de taux de change : pour créer une place d'HAD, il fallait rendre deux places d'hospitalisation classique. Cette règle dissuasive a constitué un frein assez considérable au développement de l'HAD par les établissements publics de santé. Plus ductiles, les ESPIC ont souvent développé des activités de niche – dans les domaines de l'insuffisance rénale ou de l'HAD, par exemple – même si certains d'entre eux oeuvrent aussi dans des secteurs de pointes comme la chirurgie cardiaque.

L'HAD ne peut pas être une réponse à tout, c'est la raison pour laquelle nous réinsistons sur les référentiels d'activité qui doivent permettre de déterminer ce qui relève ou non de ce mode de prise en charge. C'est ainsi que la recommandation de bonnes pratiques a permis de sortir de l'HAD les prises en charge en post-partum qui n'avaient pas lieu d'y être et dont les coûts étaient manifestement très excessifs. Ces référentiels conforteront l'HAD par rapport à des revendications ou des concurrences possibles, venant notamment des SSIAD ou des prestataires de services.

Du point de vue de l'efficience du système de soins, il vaut sans doute mieux privilégier le SSIAD pour certaines prises en charge, à qualité de soins égale. Et comme nous l'avions documenté dans le rapport de 2013 sur les lois de financement de la sécurité sociale, les prestataires de services revendiquaient le rôle de coordonnateurs des prises en charge, encouragés par l'absence d'études de coût et de référentiels d'activité. Ces sujets centraux – études comparatives, référentiels d'activité et modernisation de la tarification – doivent être traités pour que se crée un enchaînement vertueux. Si l'on veut que le système d'HAD se développe selon une dynamique auto-entretenue, il faut accentuer l'effort sur ces points.

Quant aux ARS, elles ont réagi de manière inégale : certaines ont complètement joué le jeu alors que d'autres sont restées totalement passives. À leur décharge, il faut souligner qu'on leur a demandé de définir des plans régionaux de santé en 2011-2012, et que les délais d'exécution de ces plans ont été fixés dans une circulaire de décembre 2013. Les deux mouvements n'ont pas été synchrones, puis la montée au premier plan de l'HAD a provoqué un effet de choc latéral. Certaines ARS ont eu de la peine à conjuguer les calendriers même si d'autres ont été très réactives.

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