Intervention de Patrick Mennucci

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci :

Je salue à mon tour la nomination de Jean-Jacques Urvoas au ministère de la Justice.

Je regrette que la proposition de loi que nous présente Éric Ciotti anticipe par bien des aspects la prochaine réforme pénale, dont le texte a été transmis pour avis au Conseil d'État.

En ce qui concerne, d'abord, l'extension du cadre légal de l'usage des armes à feu par les forces de l'ordre, la proposition de loi vise à aligner le régime des policiers, soumis au droit commun de la légitime défense, sur celui des gendarmes. Si le principe n'a rien de choquant en soi, la pratique soulève de réelles difficultés juridiques et opérationnelles.

Vous reprenez à l'identique les termes de la proposition de loi rejetée par l'Assemblée nationale le 30 mars 2015, à la suite de quoi le ministre de l'Intérieur avait mis en place un groupe de travail sur la question. Je regrette que vous n'ayez pas participé à ce groupe de travail, car il a débouché sur des propositions qui ont été insérées dans le projet de loi relatif à la lutte contre le crime organisé et son financement, qui me paraît, en l'occurrence, bien plus abouti que cette proposition de loi.

Vous prônez par ailleurs l'assouplissement des règles relatives aux fouilles des véhicules et des bagages, ainsi qu'aux contrôles d'identité. Les mesures que vous proposez pour cela sont lapidaires et imprécises et, à ce titre, vouées de façon certaine à être invalidées par le Conseil constitutionnel comme par la Cour européenne des droits de l'homme.

Le Gouvernement – et, avec lui, le groupe Socialiste, républicain et citoyen – est toutefois bien conscient de la nécessité de renforcer, dans un cadre de police administrative et pour la prévention du terrorisme, les visites de véhicules et les fouilles de bagages. C'est d'ailleurs l'objet de l'article 17 du projet de loi relatif à la lutte contre le crime organisé et son financement. Nous sommes également conscients de la nécessité de renforcer l'efficacité et les garanties offertes par la procédure pénale, ce que ne fait pas cette proposition de loi.

Enfin, vous défendez la possibilité pour les policiers et les gendarmes de porter leurs armes en dehors du service, mais, en réalité, le champ de la modification législative que vous proposez est beaucoup plus large et ne se limite pas, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, aux seuls policiers et gendarmes. En effet, la rédaction que vous avez choisie permettrait aux fonctionnaires et aux agents des douanes et de la police municipale, aux agents publics chargés des transports de fonds, aux magistrats et aux garde-champêtres, de porter leurs armes en dehors des heures de service.

Il me semble qu'élargir les autorisations de port d'arme hors contexte d'état d'urgence doit être une décision réfléchie, ayant fait l'objet d'une analyse plus approfondie que ce que propose cette proposition de loi. Un retour d'expérience aura lieu à la fin de l'état d'urgence afin d'évaluer le dispositif et de réfléchir à sa pérennisation éventuelle. Quoi qu'il en soit, il ne me paraît pas judicieux que l'ensemble des fonctionnaires qui en font usage soient autorisés à porter leur arme en dehors du service.

Dans la mesure par ailleurs où cette proposition de loi adopte une approche par trop extensive de questions déjà traitées dans la loi relative au crime organisé, quitte à en oublier nos obligations légales et constitutionnelles, le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera contre son adoption, ce qui ne signifie pas que nous récusions le débat qu'elle soulève.

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