Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé, rapporteur :

La proposition de loi que je vous présente est un texte court et opérationnel, centré sur une question précise : comment améliorer rapidement et efficacement la lutte contre le hooliganisme à quelques mois de l'Euro 2016 ?

Nous ne partons pas de rien : depuis une quinzaine d'années, beaucoup a été fait pour améliorer l'arsenal préventif et répressif contre le hooliganisme. En complément de l'interdiction judiciaire de stade, instaurée en 1993 par la loi Alliot-Marie, le législateur a créé, en 2006, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, une interdiction administrative de stade, mesure de police administrative décidée par le préfet à l'encontre d'individus qui ne sont pas de véritables supporters et qui présentent un risque pour l'ordre public. En 2011, la durée maximale de cette interdiction, initialement fixée à trois mois, a été portée à douze mois, et ladite interdiction assortie d'une obligation de pointage au commissariat ou à la gendarmerie lors des matchs, y compris lorsqu'ils se déroulent à l'étranger.

Ces dispositions ont été complétées par une procédure administrative de dissolution ou de suspension d'activité des groupements de pseudo-supporters violents et par la possibilité donnée au ministre de l'Intérieur d'interdire ou de limiter les déplacements de tels supporters. Nous disposons donc d'un cadre législatif cohérent, qui a d'ailleurs été maintenu par la majorité actuelle.

De plus, des efforts très importants ont été accomplis du point de vue opérationnel : en 2009, une division nationale de lutte contre le hooliganisme a été créée au sein de la direction centrale de la sécurité publique. Elle coordonne les capacités de renseignement, identifie les dossiers individuels à risque et, sur le terrain, apporte aux préfets un appui renforcé pour organiser les dispositifs de maintien de l'ordre lors des matchs de football les plus sensibles. Parallèlement, des unités d'intervention spécialisées ont été mises en place.

Au total, je le souligne, il s'agit d'une politique publique qui fonctionne bien. De Nicolas Sarkozy à Bernard Cazeneuve en passant par Brice Hortefeux et Manuel Valls, il y a eu une véritable continuité dans les choix. Ces quatre ministres de l'Intérieur, qui ont été les plus impliqués en matière de lutte contre le hooliganisme, ont obtenu des résultats, en liaison avec leurs collègues successifs chargés des sports et avec les organisations professionnelles. Ainsi, les chiffres que je cite dans mon rapport écrit, notamment ceux de l'Observatoire de la sécurité du football professionnel, montrent que la violence dans les stades et à leurs abords a reculé entre les saisons 2011-2012 et 2013-2014. Cela a permis de mobiliser moins de forces mobiles. Or, c'est un point essentiel : en ce moment, nous devons tout faire pour décharger les forces de l'ordre d'un certain nombre de missions périphériques afin de concentrer leur action en priorité sur le coeur de leurs missions régaliennes, à savoir les missions de prévention et de sécurisation liées à la menace terroriste islamiste et la mise en oeuvre de l'état d'urgence. C'est précisément dans ce contexte que s'inscrit la présente proposition de loi.

Depuis quelques mois, nous assistons à une recrudescence inacceptable des actes de violence, alors que la France va accueillir l'Euro 2016 en juin et juillet prochains et qu'elle se doit donc d'être exemplaire. La saison footballistique 2014-2015 a en effet été marquée par une hausse de 5,8 % des interpellations par rapport à la saison précédente. Cela correspond à une dérive violente dans le comportement d'une frange de pseudo-supporters, c'est-à-dire de véritables hooligans qui sont le contraire de supporters. Certains d'entre eux défient l'autorité publique et déjouent les mesures de sécurité prises par les organisateurs, notamment en recourant à la technique dite du « contre-parcage », qui consiste à acheter ou faire acheter des places normalement réservées aux supporters locaux, afin de s'introduire au coeur du dispositif et de créer des désordres. Pour prévenir ou faire cesser les troubles à l'ordre public que peuvent susciter ces manoeuvres dangereuses, il est nécessaire de mobiliser des forces mobiles en grand nombre.

La présente proposition de loi, sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois avec les représentants du monde du football et avec les services du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'État chargé des sports, comporte deux dispositions très simples.

La première a pour objet d'allonger la durée maximale de l'interdiction administrative de stade de douze à vingt-quatre mois, et de vingt-quatre à trente-six mois en cas de récidive. Il importe en effet que cette mesure soit pleinement opérante, y compris pendant les mois de l'intersaison. En d'autres termes, il apparaît souhaitable qu'une mesure prononcée en cours de saison puisse rester valable jusqu'à l'expiration de la saison suivante, ce qui devient possible avec une durée d'interdiction de vingt-quatre mois. Le Gouvernement avait annoncé cette mesure il y a quelques mois, mais n'a pas eu l'occasion de la concrétiser en l'incluant dans un texte législatif. Nous le faisons aujourd'hui grâce à la présente proposition de loi.

La seconde disposition, qui est la plus novatrice, prévoit d'autoriser explicitement le refus d'accès et le refus de vente de titres d'accès à des personnes qui présentent un danger pour la sécurité au sein d'une enceinte sportive. Ce pouvoir reviendrait à l'organisateur de la manifestation, c'est-à-dire au club de football professionnel concerné. À cette fin, il aurait la possibilité de mettre en place un traitement automatisé de données à caractère personnel.

Actuellement, en dehors de l'obligation faite aux organisateurs de manifestations sportives d'en refuser l'accès aux interdits de stade, un certain flou juridique entoure les conditions dans lesquelles un organisateur peut refuser la vente ou interdire l'accès au stade à une personne qui, selon lui, présente une menace pour la sécurité. Je propose de clarifier cette situation.

D'une manière générale, l'objet de la présente proposition de loi est de renforcer la sécurité dans les stades et à leurs abords, notamment en clarifiant la répartition des rôles entre l'autorité publique et les clubs.

J'indique dès maintenant que je suis tout à fait favorable aux précisions que tend à apporter l'amendement CL2 de M. Patrick Mennucci et des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen. Il permet une consolidation juridique du dispositif prévu à l'article 1er sans affecter son caractère opérationnel.

Je suis également tout à fait favorable à l'excellent amendement CL7 de M. Philippe Goujon, qui vise à autoriser la transmission de la liste des interdits de stade aux organisateurs de manifestations sportives internationales, notamment à l'Union des associations européennes de football (UEFA) qui organise l'Euro 2016.

Je souhaite que la présente proposition de loi ainsi amendée soit adoptée dans un état d'esprit constructif, à quelque mois de l'Euro 2016.

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