Intervention de André Chassaigne

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

La crise agricole est extrêmement grave et les cris de détresse qui s'élèvent expriment une réalité : les agriculteurs souffrent et vivent un véritable drame. Il est donc nécessaire de mener une réflexion, d'échanger des points de vue et d'essayer d'apporter des réponses. Et tout travail législatif mené en lien avec la profession agricole mérite d'être salué, même si nous pouvons avoir des divergences sur les solutions proposées. Ces divergences ne sont pas une posture, mais trahissent des visions distinctes de l'avenir de l'agriculture. La vôtre, bien différente de notre sensibilité, paraît empreinte de libéralisme.

Je pourrais, du reste, adresser le même reproche à certains choix du Gouvernement. La guerre économique que le libéralisme mène depuis trente ans est en train de tuer notre agriculture et des centaines de milliers d'exploitations familiales. Imaginer que la course à la compétitivité peut apporter une réponse à la crise est une erreur absolue. Cela n'aboutira qu'à une sorte de bascule continuelle qui ne résoudra pas fondamentalement le problème. Notre agriculture est porteuse de valeurs, de missions, qui ne sont pas compatibles avec une économie de marché mondialisée où la concurrence est libre et non faussée.

L'agriculture doit avant tout être exemptée des règles de la libre concurrence. Nous devons tous être vent debout contre l'article 101 du traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l'Union européenne. Alors que l'agriculture est broyée par la libre concurrence, vous ne trouvez d'autre solution que de vouloir améliorer la compétitivité. Pour ma part, je considère que ce n'est pas le combat à mener.

Cependant, la proposition de loi comporte quelques éléments positifs. Ainsi, le chapitre Ier propose de prendre en compte les coûts de production, avec une rémunération de l'agriculture par le biais d'une conférence annuelle de filière, ce qui permettrait, par exemple, de fixer un prix plancher pour telle production dans telle région. Cependant, je m'adresse à ceux qui furent les auteurs de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, autrement dit la « loi Édouard Leclerc » de 2008. Aujourd'hui, les bonnes intentions ne suffisent pas. La réponse se situe aussi au niveau européen. Il faut fixer des prix planchers qui permettent aux agriculteurs de vivre.

Les propositions sur l'étiquetage vont également dans le bon sens, même si je les trouve un peu timides, puisqu'elles n'instaurent pas d'obligation. L'article 3 manque de flamme révolutionnaire…

J'en viens aux points négatifs. L'article 4, consacré aux banques, n'impose aucune contrainte, se contentant de faire appel à leur générosité. On voit ce que cela donne aujourd'hui : les banques refusent, par exemple, d'aider les agriculteurs en difficulté, bien que l'État prenne en charge les intérêts d'emprunt, et 50 % des demandes d'avance de trésorerie sont rejetées.

Les chapitres III et IV vont également dans le mauvais sens. Vous vous orientez vers la TVA sociale et remettez en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale. Dans ces six articles, vous proposez une refonte de notre système de sécurité sociale en balayant d'un revers de main l'un de ses principes fondateurs : « Chacun cotise selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. » Si, pour résoudre tous les problèmes de notre pays, on n'a pas d'autre idée que de casser la sécurité sociale, on pourra sans doute faire plaisir à une corporation, mais je doute qu'on aille dans le sens de l'intérêt général !

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