Je vais donc la rappeler. Nous sommes convaincus qu'il est dans l'intérêt de l'Europe et du Royaume-Uni que celui-ci demeure au sein de l'Union européenne. Alors que nous sommes confrontés à des défis considérables dans un monde troublé, qu'il s'agisse du terrorisme, de l'instabilité internationale, des grandes guerres ou des grandes crises qui éclatent autour de l'Europe, alors que notre sécurité et notre modèle de société démocratique sont en jeu, la place du Royaume-Uni, et c'est son intérêt, est aux côtés de ses alliés, dans l'Europe. Toutes les propositions qui permettront de rassurer l'opinion publique britannique et d'améliorer le fonctionnement de l'Union européenne sont donc les bienvenues, pourvu qu'elles ne visent pas à démanteler cette dernière et les politiques communes et qu'elles ne remettent pas en cause la possibilité pour la zone euro de poursuivre son intégration. Certaines questions parmi celles soulevées par le Premier ministre britannique sont de nature à créer des difficultés, notamment celles relatives à la liberté de circulation et aux droits sociaux des résidents de l'Union européenne vivant et travaillant en Grande-Bretagne ; il faut en en effet respecter les règles européennes de non-discrimination. Mais nous sommes également très attentifs à tout ce qui concerne les relations entre la zone euro et le reste de l'Union européenne.
J'ajouterai quelques mots sur les grandes priorités de la France pour l'Union européenne en 2016. Tout d'abord, il est essentiel, je le répète, que celle-ci soit en mesure d'apporter des réponses en matière de sécurité, car il s'agit d'un enjeu majeur. Certes, l'Europe a été bâtie autour des questions économiques : le marché commun, la politique agricole commune, etc. Mais c'est sur sa capacité à apporter aux citoyens et aux États membres une réponse forte et crédible sur les enjeux de sécurité qu'elle sera jugée. Si elle n'en est pas capable, les populismes l'emporteront, sur ce terrain. L'ensemble des mesures prises en ce domaine par le Conseil européen doivent donc constituer un véritable pacte européen pour la sécurité. Il faut que l'Europe se dote des outils appropriés ; j'ai évoqué le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. La question de notre sécurité extérieure peut également conduire à engager une réflexion sur le renforcement de notre politique étrangère et de défense commune.
La deuxième grande priorité demeure, bien entendu, le soutien à la croissance, qui est insuffisante, et à l'investissement, qui n'est pas encore revenu à son niveau antérieur à la crise de 2008 et qui reste inférieur au niveau qu'il atteint aux États-Unis, par exemple. Il faut notamment que notre pays, et tous les États membres, puisse mobiliser pleinement l'ensemble des instruments européens au service de l'emploi. Nous n'aurons pas le temps d'inventer de nouveaux outils ; il faut donc utiliser correctement ceux qui existent. Dans le cadre du plan Juncker, les porteurs de projets ont déposé, avec le soutien du Commissariat général à l'investissement, de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d'investissement, de nombreux dossiers auprès du Fonds européen d'investissement stratégique – notre pays est l'un de ceux qui en ont déposé le plus –, notamment dans les domaines de la transition énergétique, du numérique, de l'innovation. Nombre d'entre eux ont été retenus, pour un montant d'investissements équivalent à 1,6 milliard. Mais l'objectif est de porter les investissements réalisés en France au titre du plan Juncker, dont je rappelle qu'il s'élève à 315 milliards, à au moins 40 milliards. C'est une action prioritaire. Encore une fois, il n'est pas nécessaire de bâtir un nouveau dispositif ; il faut bien utiliser celui que nous avons souhaité et dont nous avons soutenu la création.
De même, il faut faire appel aux fonds structurels européens. C'est maintenant que, dans le cadre de la programmation budgétaire 2014-2020 – les nouvelles régions sont devenues autorités de gestion – sont programmés les investissements réalisés dans de multiples domaines : les infrastructures, la recherche, le soutien aux petites et moyennes entreprises, le FEADER pour le monde rural et l'agriculture... Au total, les fonds structurels européens et d'investissement représenteront pour la France, d'ici à 2020, 26 milliards d'euros, soit un montant équivalent, voire supérieur dans certaines régions, à celui de l'apport de l'État dans les contrats de plan État-régions. Il convient donc de mobiliser correctement ces fonds, en présentant des projets rapidement ; nous allons y travailler avec les présidents de région.
Enfin, nous voulons lutter contre le dumping fiscal et social. À cet égard, il faut réviser la directive sur le détachement des travailleurs, faire appliquer le principe « À travail égal, salaire égal » énoncé par le Président Juncker lui-même et mettre en place le socle commun de droits sociaux annoncé par la Commission européenne, socle qui doit comprendre notamment le salaire minimum européen, sur lequel nous allons travailler avec l'Allemagne. J'ajoute que, dans ce volet social, la priorité reste à la jeunesse, car le taux de chômage des jeunes est très largement supérieur à la moyenne. Cette situation est inacceptable en termes d'avenir et de citoyenneté. La montée en puissance de la garantie jeunes, qui concerne déjà plus de 30 000 jeunes en France, le développement de la mobilité, notamment dans le cadre de l'Erasmus professionnel, figureront donc parmi nos priorités.
L'année 2016 sera marquée par l'impact des grandes crises internationales – la Syrie, la Libye, et d'autres – sur l'Europe. D'où la nécessité que celle-ci puisse s'affirmer sur la scène internationale comme un acteur qui ne compte pas sur les autres : aux États-Unis, la préparation de la prochaine élection présidentielle va dominer, et nous savons que cette période n'est pas la plus propice à des initiatives ; d'autres acteurs internationaux sont préoccupés par des problèmes liés à leur environnement immédiat ou à leur situation intérieure. Même si elle doit avoir des partenaires, l'Europe doit se saisir elle-même des grandes questions dont dépendent sa sécurité et la stabilité de son environnement. De fait, elle est entourée des crises internationales les plus violentes. Elle doit donc être capable de développer davantage une politique étrangère commune. La France doit prendre des initiatives, parce que les circonstances l'exigent et que c'est son rôle. Alors que des incertitudes majeures pèsent sur le projet européen, un engagement fort de notre pays et de son principal partenaire, l'Allemagne, nous semble plus que jamais nécessaire.