À la suite des révélations sur les pratiques du groupe Volkswagen, notre Commission a déjà abordé – c'était le 27 octobre 2015 –, la question de la fiabilité des tests mis en oeuvre dans l'Union européenne en vue de l'homologation des véhicules.
Nous avions alors vu que les procédures d'essai étaient en cours de révision, et j'ai souhaité faire aujourd'hui un point sur ce processus, car, depuis octobre, les choses se sont un peu compliquées ! Nous avons en effet, d'une part, une révision initiée par la Commission européenne, dans le cadre de sa compétence d'exécution, avec le soutien des États membres, et, d'autre part, une révision initiée par le Parlement européen. Ce dernier a également mis en place, en décembre, une commission d'enquête, ce qui, je vous le rappelle, n'avait pas été possible à l'automne dernier.
L'Union européenne dispose de la compétence de définir les limites d'émissions et les procédures de tests. L'exercice de cette compétence est partagé : les seuils d'émission sont définis par les co-législateurs, les procédures, essais et exigences spécifiques qui doivent permettre de vérifier la conformité des véhicules relèvent d'un acte d'exécution de la Commission. Le cadre juridique étant antérieur au Traité de Lisbonne, cette compétence s'inscrit dans la procédure de réglementation avec contrôle, dans le cadre de ce qui est appelé une « procédure de comitologie », sous le contrôle des États membres mais aussi du Parlement européen.
L'homologation est une compétence décentralisée au niveau des États membres, tout constructeur étant libre de présenter son modèle aux tests d'homologation devant l'autorité nationale d'homologation de son choix, et les moyens de contrôle de la Commission sont limités. Il appartient toutefois à la Commission, gardienne des traités, de veiller à la bonne application du droit de l'Union. Celle-ci ne peut donc pas totalement s'exonérer de toute responsabilité, comme elle a semblé vouloir le faire dans les premières semaines qui ont suivi l'annonce de la fraude détectée dans certains véhicules de marque Volkswagen.
C'est donc ce cadre qui est en cours de modification. La révision en cours, à l'initiative de la Commission européenne dans le cadre de sa compétence d'exécution, des procédures et des marges de tolérance conduit, sous la pression des États membres, à amoindrir le niveau d'exigence, même si elle prend en considération la question de la différence constatée entre les émissions réelles et celles constatées en laboratoire.
Cette révision porte en effet, ce dont il faut se féliciter, une redéfinition des protocoles de tests pour réduire la différence entre les émissions réelles et celles constatées en laboratoire, notoire depuis 2013 ! Un premier texte, adopté en comité technique le 28 mai 2015, celui que nous avons examiné en octobre, a ainsi défini le concept de procédures « RDE ».
Mais cette révision porte aussi le relèvement des seuils d'émission de NOx via l'adoption de marges de tolérance. Le texte que nous examinons aujourd'hui, adopté le 28 octobre selon le même format, appelé « deuxième paquet RDE », définit en effet les niveaux intermédiaires et les délais auxquels les constructeurs devront se conformer avant d'atteindre progressivement le plafond d'émission de polluants autorisés.
Il prévoit ainsi que les plafonds limites d'émission de NOx de la norme Euro 6 seront mis en place en deux étapes, avec l'usage de marges de tolérance, appelées « facteurs de conformité », appliquées à la différence entre les émissions de gaz polluant mesurées en laboratoire et celles mesurées en condition de conduite réelle.
Un premier facteur de conformité « temporaire » de 2,1 – soit 110 % au-dessus des résultats en laboratoire – sera autorisé, à partir de septembre 2017 pour les nouveaux modèles, à partir de septembre 2019 pour les nouveaux véhicules, et à partir du 21 décembre 2020 pour les nouvelles immatriculations.
Puis le facteur de conformité « final » sera fixé à 1,5 soit 50 % de divergence autorisée à partir de janvier 2020 pour les nouveaux modèles de véhicules, et à partir de septembre 2021 pour les nouveaux véhicules, aucune date n'étant prévue pour les nouvelles immatriculations.
Si cela constitue un progrès au regard des différences entre ces mesures aujourd'hui – en moyenne 400 % –, c'est aussi une nette révision à la baisse de la proposition initiale de la Commission, soit une phase de transition de septembre 2017 à septembre 2019 avec un seuil de tolérance fixé à 60 %, puis à 20 % ensuite, et cela renvoie l'application réelle de la norme Euro 6 à une date hypothétique. Voilà qui nous place dans une situation pire que celle de la taxe sur les transactions financières !
Par cette procédure, les États membres et la Commission reviennent donc sur deux points essentiels de la réglementation adoptée en procédure législative, celui de la limite maximale d'émissions et de sa date d'entrée en vigueur, alors même que le niveau de pollution de l'air auquel sont exposés les Européens en zone urbaine constitue toujours le premier risque sanitaire d'origine environnementale selon un nouveau rapport de l'Agence européenne de l'environnement publié le jour de l'ouverture de la COP 21. Ce n'est pas acceptable !
La ministre de l'environnement, du développement durable et de l'énergie, Mme Ségolène Royal, a, le 29 octobre, réclamé une « clarification » à la Commission européenne, jugeant que la décision « n'était pas satisfaisante » et qu'une « décision de cette importance doit être discutée et décidée en réunion des ministres ». Cette clarification est en effet indispensable, de la part non seulement de la Commission, mais aussi des États membres.
Ce texte a été formellement transmis aux deux co-législateurs par la Commission européenne le 23 novembre. Il fait aujourd'hui l'objet d'une procédure d'objection, lancée le 14 décembre, au Parlement européen, qui, de plus, a choisi d'encadrer ces nouvelles procédures RDE dans la révision, lancée fin janvier 2014 par la Commission, des règlements visant à limiter les émissions polluantes des véhicules routiers légers.
La simultanéité de l'examen de cette proposition d'acte législatif, le 23 septembre, par la commission Environnement du Parlement européen avec le scandale Volkswagen, le 18 septembre, a conduit la commission Environnement à proposer au contraire un encadrement plus strict de la compétence d'exécution de la Commission, ainsi que des procédures RDE, en proposant la suppression de toute phase transitoire, en encadrant la définition du facteur de conformité et en refusant la délégation demandée par la Commission européenne pour établir par acte délégué de nouvelles valeurs limites d'émissions, privilégiant le recours à la procédure législative ordinaire sur ce point essentiel, tout en en renvoyant la mise en oeuvre à une initiative législative ultérieure.
Le Parlement a endossé cette position en plénière dans le point 14 de la résolution adoptée le 27 octobre sur la mesure des émissions dans le secteur automobile. Les négociations en trilogue, entamées, sont toutefois suspendues au sort de l'objection opposée le 14 décembre au deuxième paquet RDE.
La Commission Environnement a en effet décidé de faire usage de son droit d'opposition à ce deuxième paquet RDE, en adoptant à une large majorité, le 14 décembre, une résolution portant objection à ce texte.
Le signal politique est clair : cohérence et fin des doubles discours sont demandés aux États membres et à la Commission européenne. Nous représentons les citoyens, notre Commission des affaires européennes ne peut que s'associer à cette exigence.
Il revient maintenant au Parlement européen de se prononcer, lors de sa séance du 18 janvier. Il est donc important que nous fassions entendre notre voix.
Cela l'est d'autant plus que les conséquences en termes de renforcement de la transparence ne sont pas, à ce jour, totalement satisfaisantes.
Dans les négociations en trilogue sur la proposition de révision du règlement conduites au dernier trimestre 2015, le Conseil a proposé de « garantir l'implication totale des deux co-législateurs ». Les points les plus politiques de la procédure (facteurs de conformité et calendrier d'entrée en vigueur) feraient ainsi l'objet d'un acte en co-décision selon la procédure ordinaire, tandis que la procédure technique seule serait adoptée via un acte d'exécution. Une telle modification ne porterait toutefois que pour l'avenir.
La Commission insiste, pour sa part, sur la nécessité d'une adaptation rapide aux évolutions techniques et réglementaires, ce que ne permet pas à ses yeux la procédure de co-décision législative compte tenu de sa longueur.
La résolution d'objection maintient la procédure d'exécution mais en l'encadrant strictement.
Notre Commission avait, le 27 octobre dernier, pris acte des intentions de la Commission européenne en matière de redéfinition des protocoles de tests tout en exprimant le souhait de l'accélération de la prise en compte des émissions en situation de conduite réelle pour l'homologation. Elle ne peut donc pas se satisfaire ni du résultat issu des travaux du Comité technique des véhicules à moteur, ni des modalités de cette décision.
Elle ne peut pas non plus se satisfaire des insuffisances, apparues au grand jour ces derniers mois, dans le système européen d'homologation des véhicules particuliers et utilitaires légers. Et, à ce titre, les attentes vis-à-vis de la commission d'enquête du Parlement européen sont fortes.
Améliorer le cadre d'homologation passe en effet par l'identification précise des failles et des défaillances.
Dans sa résolution adoptée le 27 octobre 2015, le Parlement européen appelait à une enquête approfondie sur le rôle et la responsabilité de la Commission européenne et des États membres, et les invitait instamment à révéler ce qu'ils savaient de ces violations et des actions qui ont été prises. Une première proposition de commission d'enquête n'avait en effet pas pu recueillir l'accord d'une majorité d'eurodéputés.
Il faut donc se féliciter de la décision du Parlement européen, le 17 décembre dernier, de créer une commission d'enquête pour enquêter sur les allégations de violation des règles de l'Union européenne concernant les essais d'émissions de voiture et les échecs présumés des États membres et de la Commission européenne à faire respecter les normes de l'Union. Son mandat est large, débordant de la seule affaire Volkswagen, puisqu'elle est chargée de vérifier, dans le délai d'un an à compter du début de ses travaux, non seulement si la Commission a bien satisfait à ses obligations en matière de vérification et actualisation des cycles d'essai ainsi que si la Commission et les autorités des États membres ont pris les mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction explicite des dispositifs d'invalidation, et sanctionner de façon appropriée la violation des règles, mais aussi l'absence effective d'éléments d'informations qui auraient permis à la Commission etou aux États membres d'avoir eu connaissance de l'infraction dénoncée par l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis, préalablement à cette dernière.
Deux sujets de préoccupation, en particulier, restent toutefois non couverts, la question de la protection des consommateurs, et celle de l'utilisation de fonds européens ou d'avantages fiscaux sur critères environnementaux.
Tout en autorisant la levée de la réserve parlementaire sur la proposition de règlement de la Commission portant modification du règlement (CE) no 6922008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) (D0421203 – E 10771), la commission des Affaires européennes souhaite réitérer sa préoccupation face à cet affaiblissement de la crédibilité de la Commission et des États membres dans leur capacité à faire respecter des normes européennes pourtant adoptées par les co-législateurs et à réguler le secteur automobile, et apporte son soutien à l'action du Parlement européen. Tel est le sens de la proposition de résolution européenne qu'il vous est proposé, mes chers collègues, d'adopter.