Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Aucun parlementaire ne s'est opposé à la déclaration de l'état d'urgence dès le 13 novembre pour répondre au chaos dans lequel notre pays était plongé. Ensuite, nous avons été quelques-uns à refuser la première prolongation. Nous restons opposés à une deuxième prolongation, comme nous le sommes à l'inscription dans la Constitution de l'état d'urgence et de la déchéance de nationalité.

Contrairement à M. Valls, il me semble utile de comprendre avant d'agir. Je considère que vouloir expliquer n'est pas un début d'excuse. Je ne suis pas seule à le penser. Nous avons reçu récemment M. Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté. Son analyse nous oblige à nous interroger sur notre inaction. Il considère qu'au lieu de nous focaliser sur l'état d'urgence – je suis d'accord avec les propos tenus par M. Devedjian à l'instant –, nous gagnerions à nous intéresser à quelques points importants : une politique d'aide aux victimes, avec une véritable prise en charge sanitaire et financière ; une réflexion sur le fonctionnement des dispositifs de protection des personnes – avec ces questions en toile de fond : que ferons-nous lors des prochains attentats ? Devrons-nous modifier une nouvelle fois la Constitution ? – une tentative de comprendre et de se mettre à la place des terroristes pour mieux agir contre eux et faire de la prévention. Je n'ai entendu aucune de ces réflexions dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Enfin, nous devrions examiner notre attitude à l'égard des autres pays ; je ne note aucun débat sur la coopération entre les services de justice et de renseignement au niveau européen et international. Ces sujets sont pourtant prioritaires par rapport au débat aujourd'hui.

Les mesures proposées sont symboliques. Mais le symbole ne facilite pas la compréhension, pas plus qu'il ne garantit que l'action va dans la bonne direction.

Autre question qui se pose : comment sortir de l'état d'urgence, alors qu'on nous annonce qu'il durera jusqu'en 2017, voire jusqu'à la disparition de l'État islamique ? L'état d'urgence n'est pas borné, contrairement à ce qu'affirmait le Premier ministre hier.

Pour toutes ces raisons, je suis opposée à ce projet de loi. Avec ma collègue sénatrice Esther Benbassa, nous avons mis ce projet de loi en discussion sur la plateforme Parlement et citoyens. À rebours des sondages à la va-vite dont les médias sont friands, il est nécessaire de solliciter l'avis éclairé des citoyens et de comprendre ensemble ce qui se passe. Vous pouvez tous participer en soumettant à la discussion des amendements et en échangeant avec les citoyens qui participent en grand nombre à cette consultation. Je vous invite à débattre et à ne pas vous en tenir à une opinion exprimée « à chaud ». Nous sommes d'ailleurs nombreux à déplorer que cette discussion ait lieu dans une période d'état d'urgence. Je rappelle que l'article 89 de la Constitution interdit la révision de celle-ci lorsque les intérêts de la Nation sont en danger.

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