Intervention de Georges Fenech

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

L'opposition assiste ébahie et impuissante au spectacle d'une majorité en voie d'éclatement – la plupart des intervenants ce matin se sont prononcés contre le texte constitutionnel. Nous verrons quelles nouvelles surprises nous réserve ce texte qui n'en manque pas…

La première surprise est venue de l'annonce par le Président de la République, à Versailles, d'une réforme constitutionnelle. Personne n'était dans le secret de cette volonté présidentielle.

À la différence de la majorité, la position de notre groupe n'est pas sinueuse. Elle est cohérente depuis le début. Nous avions annoncé que nous étions prêts, dans un esprit de responsabilité, à adopter toutes les mesures susceptibles de renforcer la sécurité des Français. Nous l'avons fait. Nous avons voté sans difficulté la modification de la loi de 1955 sur l'état d'urgence.

Nous sommes disposés à apporter nos voix à la nécessaire majorité des trois cinquièmes en faveur de la constitutionnalisation de l'état d'urgence, encore que la révision de la Constitution sur ce point ne nous paraisse pas absolument nécessaire. Preuve en est l'intervention du Premier ministre, hier encore, qui justifiait cette constitutionnalisation par la nécessité de compléter les moyens d'action des forces de sécurité, tout en ajoutant que, dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 1985, le Conseil d'État a jugé qu'il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre la loi de 1955 et la Constitution. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion d'affirmer la conformité de cette loi à la Constitution, ce qu'ont confirmé les dernières décisions sur les recours déposés. On ne peut toutefois pas refuser la consolidation juridique de la loi de 1955. On se souvient que le comité Balladur l'avait envisagé – à l'occasion, il est vrai, d'un toilettage de la Constitution. Dont acte.

S'agissant de l'article 2, nous considérons que la révision constitutionnelle n'était pas une nécessité. La nationalité relève de la loi, non de la Constitution. La volonté d'inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité a sans doute été confortée par l'avis du Conseil d'État pointant un risque constitutionnel en raison de la distinction entre binationaux et nationaux. Quant au principe même de la déchéance de nationalité, nous ne pouvons qu'y être favorables puisque nous avions déposé une proposition de loi en ce sens, bien avant le discours de Versailles. Nous attendons avec beaucoup de curiosité de voir si, sur ce sujet, nous assisterons à un deuxième reniement.

Le premier reniement, en effet, c'est celui de la parole présidentielle : la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français devait être inscrite dans la Constitution, elle ne l'est plus. Le sera-t-elle dans la loi ? Nous attendons de voir ce qu'il adviendra des amendements sur ce sujet.

J'ai aujourd'hui des doutes sérieux sur l'aboutissement de ce texte, non pas de notre fait mais de celui de votre majorité, qu'il faudra rassembler alors qu'elle est aujourd'hui divisée. Le spectacle que vous nous offrez a connu son apothéose hier avec la démission très théâtrale de la garde des Sceaux, quittant tout sourire et à vélo la place Vendôme, alors qu'il y a moins de trois mois, 130 de nos concitoyens mouraient sous les balles des terroristes.

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