Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Cet amendement vise à supprimer l'article 1er. Je ne reviens pas sur les considérations générales, mais sur la nécessité ou non de constitutionnaliser l'état d'urgence alors même que celui-ci s'applique toujours. Je tiens à souligner cette contradiction.

J'ai été membre d'un groupe de travail sur l'avenir des institutions, qui a travaillé dans cette même salle pendant huit mois et débattu de tous les sujets, y compris les plus anecdotiques. En dépit des nombreuses réformes institutionnelles que nous avons envisagées, jamais cette question de la constitutionnalisation de l'état d'urgence n'a été soulevée par l'un quelconque des participants. À Mme Untermaier qui siégeait avec moi dans ce groupe de travail, je tiens à dire qu'il s'agit sans doute moins de réactivité que d'opportunité. Il fallait relayer par une révision constitutionnelle un effet d'annonce et donner corps à la volonté d'apporter une réponse à une situation de grand drame.

Dans sa décision du 22 décembre 2015, le Conseil constitutionnel estime – c'est le considérant n° 8 – que « la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence ». Les termes sont pesés. Il en ressort qu'il est tout à fait possible que les dispositions existent sous forme législative. C'est le sens de la loi de 1955 que nous avons révisée. Je ne reviens pas sur le manque de garanties, qui a motivé certains amendements dont j'ai pris note.

Je suis attachée à une précision très importante : les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence doivent avoir un lien direct avec les événements ou le péril imminent invoqué. Le bilan de la mise en oeuvre de l'état d'urgence révèle en effet de nombreux abus, en particulier des assignations à résidence justifiées par la COP21, ou des interdictions de déplacements de supporters de football.

Il est absolument nécessaire d'encadrer le dispositif pour exclure les mesures extrêmement dérogatoires – contrôles d'identité, visites de véhicule avec ouverture de coffre ou saisies administratives – sans lien direct avec les événements qui motivent la déclaration d'état d'urgence. À cet égard, la constitutionnalisation ne me semble pas être une garantie mais, au contraire, la porte ouverte à des mesures qui seraient en rupture, durablement, avec l'État de droit.

En outre, il est indispensable de maintenir la compétence du juge judiciaire. La loi de 1955 a été modifiée en novembre 2015 dans la précipitation que chacun connaît. Son vote conforme a été obtenu, dans une logique politique de surenchère, au prix d'une extension des modalités d'assignation à résidence – douze heures de présence à domicile, trois pointages quotidiens dans des commissariats parfois très éloignés – qui les rendent impossibles à vivre par les personnes concernées, à tel point que certaines assignations ont été levées par le ministre de l'Intérieur à la veille des audiences où leur validité devait être examinée !

Pour toutes ces raisons et à cause de l'inutilité de cette inscription dans la Constitution, je défends cet amendement de suppression de l'article 1er.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion