Intervention de Alain Tourret

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Il s'agit d'abroger l'article 36 de la Constitution, qui n'a jamais trouvé à s'appliquer sous la Ve République.

L'état de siège trouve son origine dans une loi du 9 août 1849. Il se définit comme la suspension de l'exercice de certaines libertés et se traduit, à la différence de l'état d'urgence, par le transfert temporaire du maintien de l'ordre aux forces armées. Il est organisé par le code de la défense et permet le transfert des pouvoirs de police civile à l'autorité militaire, la création de juridictions militaires et l'extension des pouvoirs de police.

L'état de siège est très ancien. Il remonte au XVIIIe siècle et a été mis en oeuvre en 1848, tous les pouvoirs étant confiés au général Cavaignac, de triste mémoire. Une codification de l'état de siège est alors décidée le 9 août 1849, puis modifiée par la loi du 3 avril 1878. Il est précisé que l'état de siège n'a pas vocation à s'appliquer sur tout le territoire.

Cependant, en 1914, l'état de siège s'applique à toute la France, mais dans l'esprit d'une collaboration entre les pouvoirs civil et militaire. L'état de siège est en effet instauré par le président Poincaré deux jours avant la déclaration de guerre du 2 août 1914. Il est levé le 12 octobre 1919, près d'un an après l'armistice.

En période d'état de siège, les juridictions de droit commun restent saisies tant que l'autorité militaire ne réclame pas les poursuites sur tous les délits et crimes prévus par la loi du 27 avril 1916.

La Constitution de 1946 ne comporte pas de dispositions relatives à l'état de siège, mais son article 7 est ainsi complété le 7 décembre 1954 : « l'état de siège est déclaré dans les conditions prévues par la loi ». Néanmoins, aucune loi n'a jamais été votée pour préciser ces conditions.

Selon la Constitution de la Ve République, l'état de siège ne peut être déclaré qu'en cas de péril imminent résultant soit d'une guerre étrangère soit d'une insurrection. Le transfert des pouvoirs à l'autorité militaire concerne pour l'essentiel les attributions des juridictions militaires. Or les juridictions militaires ont été supprimées. L'article 36 de la Constitution sur l'état de siège est donc vide de sens.

Quant aux éventuels pouvoirs d'exception, ils sont exercés par les autorités civiles sous le contrôle du Parlement et de la Justice, l'article 16 de la Constitution venant compléter les mesures exceptionnelles susceptibles d'être prises dans des circonstances répondant à l'état de siège.

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