Intervention de François de Rugy

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

S'il était question de savoir si chacun d'entre nous, aurait pris, à titre individuel, l'initiative de réviser la Constitution sur ce point, je puis vous dire que ce n'est pas mon cas. Mais le Président de la République en a décidé ainsi le 16 novembre devant le Parlement réuni en Congrès, dans un souci d'union nationale.

Dès lors, quels sont le contenu et la portée réels de cette révision de la Constitution ? De mon point de vue, cette portée est très limitée même si, dès que l'on touche à la question de la nationalité, cela suscite des débats – plus intellectuels que populaires d'ailleurs. Je ne suis pas contre l'article 2 – a fortiori dans la nouvelle rédaction présentée hier par le Premier ministre, qui ne fait plus spécifiquement référence aux binationaux. J'ai dit tout à l'heure qu'il me semblait en effet regrettable d'aborder pour la première fois dans notre Constitution la question de la plurinationalité sous le seul angle de son éventuelle déchéance.

La France, dans ces circonstances, se défend, et c'est normal. Si les Français sont, avec beaucoup de bon sens, très majoritairement favorables à cette mesure, c'est parce qu'ils en voient la portée symbolique. Tout le monde s'accordait pour dire après le 13 novembre, sans doute encore davantage qu'après les attentats de janvier 2015, que le terrorisme visait la destruction de nos valeurs démocratiques – non seulement le terrorisme que nous avons à subir depuis plus d'un an mais aussi des formes de terrorisme s'appuyant sur d'autres idéologies.

D'aucuns objectent que la mesure n'aura pas d'effet dissuasif sur le terrorisme. Mais, à ce compte-là, nous ne prévoirions pas de peines de prison ! La plupart des sanctions en vigueur s'appliquent a posteriori, une fois les crimes commis – et c'est heureux. Ayant essayé, dans la loi relative à l'état d'urgence, d'introduire des mesures visant à prévenir la commission de certains actes, nous avons bien vu à quel point c'était compliqué. La peur d'écoper d'une peine de prison n'a pas d'effet dissuasif mais nous prenons une telle sanction parce que c'est, pour la société, une façon de se défendre et de montrer qu'elle sanctionne certains comportements. Il ne s'agit pas d'une mesure générale : sont très clairement ciblées ici les atteintes graves à la vie de la nation, dont le terrorisme.

Le droit du sol n'est nullement remis en cause par cet article. Ceux qui entretiennent cette idée propagent une contre-vérité. Le droit du sol est l'acquisition de la nationalité par la naissance, ou le séjour pendant un certain nombre d'années, sur le sol français. Le texte ne remet nullement en cause la binationalité ni la plurinationalité. La Constitution ne les a d'ailleurs jamais prévues ni interdites. On ne sait même pas combien il y a de plurinationaux dans notre pays, les chiffres variant de 1,5 à 3,5 millions. J'étais pour que l'on inscrive la notion de plurinationalité de manière positive dans la Constitution. Mais si on ne le fait pas, on ne peut pas dire a contrario que la plurinationalité soit remise en cause, a fortiori dans la nouvelle rédaction que le Premier ministre a présentée hier.

Pour conclure, je trouve insupportable que certains entretiennent ces idées fausses et fassent sans cesse des analogies historiques avec le régime du maréchal Pétain – qui n'ont d'autre but que d'empêcher le débat.

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