Intervention de Hugues Fourage

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHugues Fourage :

Je salue la profondeur des réflexions que je viens d'entendre. Le débat est complexe et renvoie, pour certains, à la sphère intime – il ne faut pas oublier que, derrière le symbole, se trouvent des hommes et des femmes.

La distorsion que nous avons évoquée entre binationaux, les uns pouvant être déchus et les autres non, et la distorsion entre les binationaux et ceux qui ne le sont pas, nous renvoie au principe d'égalité. Doit-on aller jusqu'au symbole fort de la déchéance de la nationalité ou, comme le propose Roger-Gérard Schwarztenberg, en rester à la déchéance des droits civiques ? Quand on s'est délibérément exclu de la communauté nationale, la force symbolique de la déchéance des droits civiques est-elle suffisante ? Je ne le crois pas. Il faut aller jusqu'à la déchéance de la nationalité, qui est une réponse ferme à des gens qui, je le répète, se sont placés d'eux-mêmes en dehors de la communauté nationale.

Le Premier ministre s'est engagé à ce que nous ratifiions la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Nous devons savoir dans quelles conditions afin que toute ambiguïté soit levée. La Convention prévoit en effet qu'un « État contractant peut conserver la faculté de priver un individu de sa nationalité, s'il procède, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, à une déclaration à cet effet ». Je reste persuadé que si nous voulons respecter le principe d'égalité entre les Français quelle que soit la manière dont ils ont acquis la nationalité, nous devons répondre précisément à l'article 8, alinéa 3 b ii, de ladite Convention – c'est une exigence intellectuelle autant que juridique.

Je partage l'avis de M. Popelin sur la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. L'article 2 dans la nouvelle version proposée par le Gouvernement renforce à la fois la notion de nation et celle de protection.

Pour terminer, afin de consolider la base juridique de cette disposition, nous devons privilégier non pas l'idée, suggérée par M. Goasdoué, d'atteinte grave aux intérêts « supérieurs » de la Nation, mais l'idée d'atteinte aux intérêts « fondamentaux » de la Nation, reprise par le Conseil d'État et qui figure dans plusieurs jurisprudences.

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