Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 28 janvier 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, rapporteur :

Comme l'a souligné M. de Rugy, notre pays se défend face à une agression dont la brutalité est difficilement exprimable : les mots rendent mal compte de l'horreur que représente le fait de mitrailler des gens simplement assis, pacifiquement, à la terrasse d'un café. Cette agression a été commise au nom d'un groupe qui prétend régner sur un territoire qui n'est pas une nation. Face à cela, le Président de la République a essayé de renforcer l'unité nationale et c'est bien en ce sens que nous devons aller.

Les avantages de l'amendement CL74 du Gouvernement sont importants.

Le premier est de lever la difficulté posée par la différence de traitement entre les Français binationaux et ceux qui ne le sont pas. La dimension symbolique de la disposition s'en trouve renforcée. J'entends toutefois parfaitement que des difficultés subsistent et que le renvoi à la loi d'application est délicat puisque nous n'en connaissons pas la teneur. Il nous reviendra donc de vérifier dans quelles conditions le dispositif se mettra en place. Suivrons-nous les observations de M. Lagarde en ratifiant la Convention avec des réserves ? Comment définirons-nous ensuite les binationaux ? Ici encore, l'objection soulevée par M. Lagarde est intéressante : traiterons-nous différemment les criminels qui ont une autre nationalité à leur corps défendant, et ceux qui jouiraient d'une sorte de privilège judiciaire lié à l'appartenance à une seule nation ? Nous devrons trancher.

De même, nous devrons trancher la question très difficile de la nature des délits visés par l'article tel que le Gouvernement souhaite le rédiger. En effet, la qualification d'un délit ne correspond pas toujours à la gravité du fait constaté. La qualification d'association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste est grave et implique des peines encourues très élevées, alors même que, parfois, le délit constaté ne correspond pas à des faits d'une particulière gravité.

Nous devrons également désigner l'autorité compétente pour prononcer la déchéance de la nationalité et la déchéance des droits attachés à la nationalité. Il me paraîtrait souhaitable que ce soit le juge judiciaire qui prononce la sanction sous forme de peine complémentaire. Je ne vois pas que l'on prononce, après que le jugement sera rendu, une déchéance de la nationalité ou des droits attachés à celle-ci : une telle procédure passerait inévitablement pour une double peine. Aussi curieux que cela paraisse et malgré les immenses qualités du juge administratif, c'est, dans l'esprit du public, le juge judiciaire qui est le garant des libertés. En effet, une bonne partie de nos concitoyens ont du mal à se représenter la justice administrative et, pour eux, la justice se rend dans les palais de justice par des hommes et des femmes qui respectent un rituel particulier, revêtent des robes particulières, par exemple dans un tribunal de grande instance plutôt proche de leur domicile. C'est injuste vis-à-vis du juge administratif mais c'est ainsi que nos concitoyens perçoivent la réalité.

En attendant de régler ces problèmes, l'amendement du Gouvernement, parce qu'il lève une partie des difficultés, doit être adopté.

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