Intervention de Monique Iborra

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Iborra :

Monsieur le rapporteur, la présentation que vous faites aujourd'hui de votre proposition de loi diffère du texte que vous aviez initialement déposé. Les amendements que vous avez présentés répondent sans doute aux réticences de vos collègues. Vous avez évolué dans votre manière d'appréhender ce sujet et je m'en réjouis.

Vous avez commencé par dire que vous étiez heureux de voir la gauche convertie à l'apprentissage. Je suis, pour ma part, heureuse de voir la droite convertie à la décentralisation ! En effet, la politique de Nicolas Sarkozy dans le domaine de l'apprentissage était d'un centralisme extrême, d'où son inefficacité. Aujourd'hui, nous sommes tous d'accord pour défendre la politique de l'apprentissage. Les régions – alors de gauche – qui ont oeuvré dans ce domaine depuis de nombreuses années ont fait progresser le taux d'apprentis dans notre pays, même s'il reste insuffisant.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre proposition. Nous sommes d'accord sur l'objectif à atteindre ; nos désaccords n'ont donc rien d'idéologique. Mais votre texte me paraît loin d'être novateur et les mesures proposées témoignent d'une certaine indigence. Cela peut tenir soit à l'ignorance, soit à la mauvaise foi. Si c'est l'ignorance, on peut le comprendre : vous venez d'être élu président de région et vous n'étiez encore que candidat lorsque vous avez déposé cette proposition de loi. J'ai cru sentir en la relisant le souffle de l'ancien conseiller de M. Sarkozy et directeur général de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, Bertrand Martinot, dont vous avez repris pour partie les propositions. Autrement dit, on n'y trouve rien de vraiment novateur.

Votre article 1er, bien que tempéré par votre amendement, prévoit d'exclure l'éducation nationale du jeu en la privant de toute compétence en matière d'apprentissage dans les lycées professionnels. Ce n'est pas ainsi, monsieur Estrosi, que vous arriverez, en tant que président de région, à rassembler tous les acteurs, très nombreux – peut-être trop – qui interviennent dans la sphère de l'apprentissage. Certes, des efforts doivent être faits au sein de l'éducation nationale – surtout au sein du corps professoral – pour valoriser l'enseignement professionnel, et en particulier l'apprentissage. Mais votre proposition de se passer de l'avis du recteur sur la carte des formations professionnelles procède d'une brutalité qui a toutes chances de se révéler contre-productive, d'autant plus – mais sans doute l'ignorez-vous – qu'un pas a été fait dans ce sens dans le cadre de la loi pour la refondation de l'école : alors que le recteur avait jusqu'alors le dernier mot, y compris pour ce qui touchait aux CFA, la loi a donné le dernier mot au président de région. Mais s'il n'a plus droit de veto, le recteur doit être au moins consulté.

En ce qui concerne la décentralisation de l'apprentissage, c'est grâce à nous que la région détient désormais la compétence exclusive en matière de création des CFA, ce que jamais vous n'aviez envisagé. Notre gouvernement a procédé à une refonte complète de la taxe d'apprentissage, réclamée depuis de nombreuses années – autre réforme que vous n'avez jamais conduite, ni même évoquée. La loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a permis aux régions de devenir les vrais maîtres à bord dans le domaine de l'apprentissage, en lien avec l'éducation nationale.

Pour toutes ces raisons – et je reviendrai plus tard sur l'apprentissage à quatorze ans – je suis déçue par votre proposition de loi, que le groupe Socialiste, républicain et citoyen rejettera fermement.

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