Intervention de Christophe Cavard

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Ce n'est pas la première fois que notre commission aborde ce dossier. Le groupe Écologiste n'est pas choqué par les mesures touchant au rôle et à la compétence des régions, proposées dans ce texte ; nous sommes, on le sait, très attachés à la décentralisation et nous souhaitons donner encore plus de poids aux collectivités territoriales. Nous sommes donc loin de refuser le débat.

J'ai toutefois noté, monsieur le rapporteur, que votre collègue Gérard Cherpion, qui est souvent intervenu sur ce sujet qu'il connaît particulièrement bien, n'a pas cosigné votre proposition de loi. Est-ce par manque de temps ou bien parce qu'elle prête à discussions au sein de votre groupe ? L'application des mesures envisagées nécessite, en effet, des mécanismes que votre texte ne prévoit pas nécessairement. Ainsi, vous avez raison de regretter la diminution du nombre de jeunes qui arrivent à accéder à cette filière, qui mérite d'être valorisée ; mais vous opposez, dans l'exposé des motifs, les contrats aidés et les contrats d'apprentissage, faisant peut-être référence aux emplois d'avenir. Pourtant ces deux dispositifs ne s'adressent pas forcément au même public. Les emplois aidés sont destinés aux personnes – qu'on appelle parfois les décrocheurs – qui ont besoin d'une deuxième chance et d'une qualification, mais qui se placent de plain-pied dans un métier et doivent bénéficier d'un contrat de travail à part entière. L'apprentissage relève d'une logique différente, même si votre texte vise à garantir aux apprentis les mêmes droits qu'aux salariés – une proposition discutable. L'apprenti reste inscrit dans un cursus scolaire et il ne serait pas juste de le traiter de la même façon qu'un salarié.

Quant aux lycées professionnels, ils ont vocation, certes, à offrir une formation qualifiante professionnelle aux élèves mais aussi à leur dispenser tout un ensemble de connaissances et à en faire des citoyens ; telle est la logique de l'éducation nationale en France. Dans ces conditions, faut-il vraiment les placer sous la responsabilité des régions ? C'est un vieux débat, dont nous connaissons les termes par coeur. Si nous acceptions, pourquoi tous les lycées, puis les collèges, ne connaîtraient-ils pas demain le même sort ? CFA et lycées professionnels présentent des différences, réfléchissons bien à la place de chacun et aux responsabilités des différentes collectivités. Quelles politiques peut-on mener au niveau national et au niveau régional ?

La création de banques régionales d'apprentissage pose la question du rôle des branches. Vieux débat là aussi… Ceux qui ont pratiqué des dispositifs de ce type savent combien la question est compliquée. En l'occurrence, elle est d'autant plus délicate que les branches ne sont pas forcément organisées en fonction d'un découpage territorial ni selon les mêmes logiques que les conseils régionaux. Ayant moi-même exercé des fonctions locales, je me demande dans quelle mesure vous avez pu, monsieur le rapporteur, avancer sur ce sujet.

Quant à la question – vraiment très récurrente dans nos murs – de l'apprentissage à quatorze ans, une filière fermée, vouée à l'apprentissage d'un métier, obéissant à une logique économique, est-elle vraiment faite pour d'aussi jeunes élèves, quelles que soient leurs difficultés scolaires ? Cela se discute. Compte tenu de ce que l'école apporte, en termes de contenus, compte tenu de son rôle dans l'émancipation de l'individu et la formation du citoyen, nous avons choisi de la rendre obligatoire jusqu'à l'âge de seize ans. Pourquoi voulez-vous absolument permettre l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans ? La question de l'émancipation individuelle et citoyenne d'un jeune mérite effectivement d'être posée, mais dans le cadre d'un débat dans l'hémicycle, et non au détour de l'examen d'une proposition de loi.

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