Votre introduction, monsieur le président, recoupe en partie la mienne. J'ajouterai un élément : la SFIL, qui est détenue majoritairement par l'État, est une banque publique de développement dont l'ensemble des activités – c'est-à-dire, d'une part, le financement des collectivités et des hôpitaux et, d'autre part le refinancement des grands contrats à l'exportation – ont été autorisées par la Commission européenne en raison d'une défaillance de marché.
Je me propose, tout d'abord, de dresser devant vous le bilan des trois premières années d'existence de la SFIL, qui a été créée le 1er février 2013, avant de vous donner des éléments de perspective pour les années 2016 et 2017.
Je veux d'ores et déjà souligner trois points. Premièrement, nous avons rempli la première mission qui nous avait été confiée, à savoir le refinancement des collectivités locales et des hôpitaux publics en partenariat avec La Banque postale. Le dispositif public a en effet atteint son régime de croisière, puisque le montant des prêts qu'il a accordés en 2015 s'élève à 5 milliards d'euros et que nous détenons ainsi 25 % des parts de marché. Quant à notre seconde mission, le refinancement des grands contrats à l'exportation, qui nous a été confiée au printemps 2015, elle est désormais pleinement opérationnelle. Ainsi, après avoir été en déficit en 2013, 2014 et 2015, en raison notamment des coûts liés à la transformation des prêts structurés à risque, la SFIL va devenir rentable en 2016 et le rester, indépendamment de son activité de refinancement des crédits à l'exportation.
On peut résumer le bilan de l'activité de la SFIL pour les années 2013-2015 et les perspectives pour l'année 2016 en cinq points.
Premièrement, le dispositif public SFIL-LBP est devenu, en trois ans, le premier financeur du secteur public local en France. Le montant des prêts s'est élevé à 3,3 milliards en 2013, à 4,1 milliards en 2014 et à 5 milliards en 2015, soit 25 % des parts de marché dans le secteur du financement des collectivités locales et des hôpitaux publics. Le niveau de production est ainsi parfaitement conforme au plan d'affaires présenté à la Commission européenne en 2012.
Deuxièmement, la SFIL est un émetteur « reconnu et recherché », pour reprendre les termes utilisés par le sénateur Maurice Vincent. La CAFFIL a en effet émis, depuis juillet 2013, près de 15 milliards d'euros dans de très bonnes conditions, conditions qui se sont d'ailleurs constamment améliorées au cours des trois années considérées. Nous sommes ainsi le premier émetteur européen d'obligations sécurisées refinançant des actifs publics. Depuis l'an dernier, la SFIL elle-même est devenue un émetteur de titres à court terme, pour un montant d'environ 600 millions d'euros que nous prévoyons de porter progressivement, dans les prochaines années, à 2 milliards. En outre, nous envisageons d'étendre, en 2016, ces émissions au marché obligataire, donc au-delà d'une maturité à un an.
Troisièmement, la majorité des prêts à risque – 56 % pour l'ensemble des emprunteurs, 61 % pour les seules collectivités locales – sont d'ores et déjà entièrement transformés. Cette transformation est homogène sur toutes les catégories de prêts, y compris les plus difficiles d'entre eux, c'est-à-dire ceux, hérités de Dexia, qui sont indexés sur l'euro franc suisse (EURCHF). Ainsi, 55 des 67 petites collectivités de moins de 10 000 habitants concernées par les prêts EURCHF, soit 82 % d'entre elles, ont été totalement désensibilisées : elles n'ont plus aucun prêt risqué. Notre objectif est qu'à la fin de 2016, la quasi-totalité des encours les plus sensibles, c'est-à-dire les prêts « hors charte Gissler », aient été traités par la SFIL.
Quatrièmement, la nouvelle activité de refinancement export modifie la nature de la SFIL, puisque nous ne sommes plus spécialisés dans une seule activité, et sa dimension puisqu'il s'agit d'un schéma de place : nous pouvons coopérer avec toutes les banques. L'objectif est d'utiliser les performances de la plateforme de refinancement que représente la SFIL pour offrir aux grands exportateurs français de meilleures conditions – en termes de maturité, de prix et de volume – que celles qui leur sont actuellement proposées par les banques privées. La SFIL diversifie ainsi son portefeuille d'activités sans risques additionnels pour l'État, puisque nous n'utilisons que des dispositifs existants.
Ainsi notre rentabilité devrait devenir structurellement positive à partir de 2016.
En ce qui concerne le financement en partenariat avec LPB du secteur public local, le montant de la production a atteint, en 2015, 5 milliards d'euros, sur un total de 10,4 milliards depuis le début de notre activité. S'y ajoutent 2,2 milliards de financements nouveaux qui ont été accordés directement par la SFIL, sans passer par le circuit de La Banque postale, dans le cadre de la renégociation des prêts structurés à risque. En outre, la SFIL est très présente sur l'ensemble des segments du secteur public local, à l'exception des régions, qui se financent essentiellement via des prêts de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d'investissement (BEI) ou des financements obligataires. En ce qui concerne les autres acteurs – communes, groupements de communes, départements –, nos parts de marché sont assez proches de la part qu'ils ont dans la dette totale des collectivités locales.
Cette augmentation régulière de la production de prêts de SFIL-LBP s'explique par quatre facteurs principaux. Premièrement, le réseau de distribution de La Banque postale est de plus en plus présent sur tous les segments, notamment les grands comptes et les hôpitaux, sur lesquels elle était un peu en retrait au cours des années précédentes. Deuxièmement, le bon fonctionnement du dispositif, notamment notre capacité de refinancement sur des maturités longues, nous permet de proposer des offres de prêts sur des maturités plus longues qu'au début de notre activité. Ainsi, environ la moitié des offres de prêts émises en 2015 ont une durée supérieure à quinze ans, ce qui correspond à l'objectif fixé initialement au dispositif public par la Commission européenne. Troisièmement, l'offre bancaire est plus compétitive par rapport aux émissions obligataires, en raison de l'abondance des liquidités injectées par la Banque centrale européenne. Quatrièmement, le niveau des taux, historiquement bas, peut inciter certaines collectivités ou certains hôpitaux à anticiper une partie de leurs financements. J'ajouterai que, pour des raisons qui tiennent au ratio réglementaire – n'ayant pas les dépôts des collectivités, elles ne peuvent leur proposer certains services assortis des commissions afférentes –, les banques privées ont intérêt à se focaliser sur les crédits immobiliers ou les crédits aux PME.
La SFIL-LBP ne pourrait atteindre un tel niveau de production de prêts si la défaillance de marché des acteurs privés n'était pas persistante. Du reste, les acteurs publics assurent plus de la moitié du besoin de financement du secteur public local en 2015.
J'en viens maintenant aux conditions de financement. Depuis 2013, 14,7 milliards d'euros ont été levés par la CAFFIL : 3 milliards en 2013, 4 milliards en 2014, 6,2 milliards en 2015 et, à ce jour, 1,6 milliard en 2016, l'objectif étant fixé à 7 milliards pour l'ensemble de l'année. Nous avons, en tant qu'émetteur, deux caractéristiques propres. Premièrement, parmi les investisseurs qui achètent les titres émis par la CAFFIL, la demande – hors programme d'achat de la Banque centrale européenne – des banques centrales et des fonds souverains est particulièrement forte : elle représente 30 % de nos livres d'ordre en 2014 et 51 % en 2015. Cette caractéristique est due au fait que la SFIL est une banque entièrement publique, qui se rapproche davantage d'une agence publique telle que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) que d'une banque privée. Deuxièmement, nous avons une capacité d'émission spécifique sur les maturités longues, puisque nous sommes le seul émetteur français de ce type d'obligations à avoir émis à quinze ans et à vingt ans. En outre, la SFIL en tant que telle a commencé à faire du refinancement à court terme sur les marchés.
Par ailleurs, nous réfléchissons à la mise en place d'un dispositif de financement de la SFIL sur les marchés obligataires – il s'agit d'installer sa signature en 2016 –, notamment pour faire des émissions en dollars américains qui permettraient d'assurer une meilleure compétitivité du programme de refinancement des crédits export. Nous en discuterons au sein de notre conseil d'administration à la fin du mois de mars.
J'en viens maintenant à la gestion des crédits à risque hérités de Dexia. Lors de la création de la SFIL, 879 emprunteurs détenaient 8,5 milliards d'euros de prêts structurés sensibles – dont 704 collectivités locales, pour 6,7 milliards –, sur un total de plus de 19 000 emprunteurs et de 44,5 milliards d'encours de prêts au secteur public local français. Ces prêts représentaient donc 19 % du stock et 4 % des emprunteurs ; ceux d'entre eux détenus par les seules collectivités locales représentaient 15 % des emprunteurs et 3,5 % du stock. Depuis la création de la SFIL, l'ensemble de ces emprunteurs, à quelques rares exceptions près, ont reçu une ou plusieurs offres de transformation de leurs prêts : plus de 500 opérations ont été réalisées avec 450 emprunteurs, dont près de 400, parmi lesquels environ 350 collectivités locales, ont été entièrement débarrassés de ces prêts.
Sur la base de ces opérations – c'est-à-dire si la SFIL arrêtait aujourd'hui toute négociation –, l'encours de ces prêts serait, au 31 décembre 2016, de 3,7 milliards au maximum, pour 478 emprunteurs, dont 356 collectivités pour 2,6 milliards, le nombre d'emprunteurs total étant estimé à 17 000 pour 46 milliards d'euros. L'encours total a donc baissé de 56 % et celui des seules collectivités locales de 61 %. Ainsi, une collectivité locale sur deux et plus de 60 % de leur encours initial ont d'ores et déjà été définitivement désensibilisés. Si nous respectons les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2016 en matière de transformation de prêts, l'encours constitué par ces derniers ne devrait plus représenter, à la fin de cette année, que 5 % du stock, contre près de 20 % initialement, soit une division par quatre en quatre ans.
Cette baisse importante a été obtenue sur l'ensemble des prêts sensibles. Ceux-ci ont été classés, dès la création de la SFIL, avec l'accord de son conseil d'administration, en cinq catégories, des prêts les plus compliqués aux moins compliqués. Les trois premières catégories (S1, S2 et S3) correspondent aux prêts « hors charte Gissler » et aux prêts liés à une relation de change. Les deux premières (S1 et S2) – qui regroupent, pour l'une les petites collectivités et les petits hôpitaux, pour l'autre les collectivités et les hôpitaux de taille moyenne ou grande – comprennent les prêts indexés sur EURCHF, qui sont aujourd'hui activés, c'est-à-dire qu'ils sont dans la phase structurée et que l'on paie des taux élevés ou très élevés. La troisième catégorie (S3) regroupe les collectivités ou les hôpitaux dont les prêts sont indexés sur d'autres cours de change ; les deux principales relations concernées sont des parités croisées entre dollar et euro et euro et franc suisse et des parités entre le dollar et le yen japonais. Les deux dernières catégories (S4 et S5) correspondent aux autres prêts sensibles inscrits dans la charte Gissler et qui ne sont pas liés à une relation de change mais à des écarts de taux, souvent entre un taux court et un taux long – ce que les financiers appellent les « prêts de pente ».
L'ensemble de ces types de prêts ont été désensibilisés à proportion de leur encours dans le stock initial. La transformation des prêts indexés sur EURCHF (S1 et S2) s'est significativement accélérée en 2015, si bien que près des deux tiers – 64 % pour être précis – des collectivités qui avaient ce type de prêts n'en ont plus.
L'année 2016 sera très active, en raison notamment du déploiement du fonds de soutien, qui a débuté à la fin du mois de septembre 2015. Les emprunteurs qui sont chez la SFIL représentent 584 des 676 dossiers soumis au fonds. À ce stade, les prêts de plus de 50 % d'entre eux ont été d'ores et déjà transformés, alors même que les notifications ont commencé à être envoyées à la fin du mois de septembre 2015. La SFIL parvient donc à désensibiliser l'ensemble des dossiers en adéquation avec le rythme des notifications. Notre objectif est d'atteindre, fin 2016, environ 2 milliards d'encours total, dont 900 millions de prêts « hors charte Gissler », et de faire en sorte qu'il n'y ait presque plus de prêts de ce type fin 2017.
Il s'agit, pour la SFIL, d'un véritable défi opérationnel, car il nous faut traiter plusieurs dizaines d'opérations par mois. Un process est donc mis en place en coordination avec le fonds de soutien, dans le cadre d'une discussion avec les collectivités et les hôpitaux concernés. Il nous faut également tenir compte de ce que peuvent faire les marchés financiers. Il est donc très important que les notifications aux collectivités et aux hôpitaux soient étalées dans le temps pour que les transformations de prêts puissent se faire dans les meilleures conditions vis-à-vis des marchés financiers.
J'en viens maintenant à l'activité de refinancement des crédits à l'exportation. Pourquoi cette nouvelle mission a-t-elle été confiée à la SFIL ? Tout d'abord, il existe, depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers, une défaillance de marché dans ce domaine. En outre, nombre de pays de l'OCDE ont créé des dispositifs publics, qu'il s'agisse d'agences ou de banques publiques, pour prêter directement à leurs grandes entreprises ou refinancer les prêts commercialisés par des banques privées. Face à ce constat, la France a décidé de créer un dispositif de place qui s'inspire des schémas de la Suède et de la Finlande et qui a été confié à la SFIL parce que la taille de son bilan est suffisante et qu'elle a été performante en termes de maturité et de coût dans l'exercice de sa première mission.
La mise en place du dispositif a été réalisée selon le calendrier prévu : annoncé par l'État au premier trimestre 2015, il a été autorisé par la Commission européenne au mois de mai et mis en place au second semestre 2015, de sorte que les premières offres ont déjà été proposées pour des transactions à clôturer en 2016. Dans ce domaine, la SFIL intervient comme un dispositif de place, à côté des banques commerciales – nous avons un accord avec seize d'entre elles, dont douze ont d'ores et déjà signé –, à qui elle permet d'améliorer les conditions de maturité, de volume et de coût offertes à l'acheteur export. Les banques qui ont commercialisé ces refinancements nous cèdent tout ou partie de la créance, qu'elles peuvent déconsolider. Je précise que l'intervention de la SFIL ne concerne que la partie du crédit assurée par la COFACE, car son bilan doit être homogène : il ne peut porter que des actifs publics ou garantis par la puissance publique. La SFIL intervient sur les prêts supérieurs à 70 millions d'euros, qui concernent les grandes entreprises – une vingtaine d'entre elles sont susceptibles d'utiliser régulièrement ce type de contrats –, Bpifrance intervenant, quant à elle, sur les prêts d'un montant inférieur à 70 millions d'euros, qui concernent les PME.
L'adhésion de seize banques au dispositif proposé par la SFIL permet de couvrir plus de 90 % du marché assuré par la COFACE. Nous avons d'ores et déjà émis des lettres d'intérêt à l'appui de la démarche commerciale de grands exportateurs français pour faciliter leurs négociations. Nous avons identifié 10 milliards d'euros de marchés potentiels, répartis sur 31 contrats auprès de douze banques, dont 2 milliards de marchés pourraient se conclure en 2016.
J'en viens enfin à la trajectoire financière de la SFIL. Ses résultats ont été négatifs en 2013 et 2014, et ils le seront également en 2015, en raison notamment de sa contribution aux deux fonds de soutien et des coûts de la désensibilisation, en particulier les réductions de charges d'intérêts accordées aux petites collectivités. À partir de 2016, les résultats comptables et tendanciels seront positifs, grâce au niveau de production au secteur public local, aux conditions de financement, qui demeurent très bonnes et permettent de réaliser une marge correcte, et à la réussite de la politique de désensibilisation, qui entraîne une baisse des coûts associés. J'ajoute que les revenus générés par l'activité crédit export viendront renforcer cette tendance à partir de 2017, en introduisant en outre un facteur de diversification.
En conclusion, l'activité de la SFIL est bien engagée sur le refinancement des collectivités locales et des hôpitaux et elle est opérationnelle sur le crédit export, de sorte qu'elle deviendra rentable dans les prochaines années.