Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h45
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Je vous remercie de m'avoir invité à venir échanger avec vous sur l'application de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, pour ce qui concerne le périmètre des transports.

S'agissant de l'ouverture des données des services de transport et de mobilité, prévue à l'article 4, la loi est entrée en vigueur le 7 novembre dernier. Le projet de décret d'application a fait l'objet d'une large concertation avec les collectivités territoriales et les entreprises concernées. Le texte a été notifié à la Commission européenne ; compte tenu du délai de statu quo, le décret pourra entrer en vigueur début avril 2016. Les consultations du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et du Conseil supérieur de la marine marchande sont en cours. Nous venons de saisir en parallèle le Conseil d'État.

Il convient de rappeler que ce décret ne s'appliquera pas aux opérateurs de transports et aux autorités organisatrices qui auraient pris l'initiative d'établir un code de conduite ou un protocole établissant les conditions de diffusion de leurs données.

Saisissant cette opportunité offerte par la loi, les grands opérateurs de transports – Air France, SCNF, RATP, Keolis, Transdev… –, pour la plupart déjà engagés dans une démarche d'ouverture de leurs données, se sont associés pour élaborer un « code de conduite » commun. Ce document a été adressé à mes services pour homologation. Le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), qui a inauguré son portail open data en novembre dernier, a également transmis un protocole. L'instruction de ce dossier est en cours.

Ces initiatives témoignent de l'engagement des grands acteurs du transport dans la mise en oeuvre de l'ouverture de leurs données.

S'agissant de l'ouverture à l'initiative privée de services réguliers interurbains, prévue à l'article 5, le décret d'application est paru le 13 octobre 2015.

Depuis la promulgation de la loi, plus de 1 000 emplois ont été créés et au moins 500 000 passagers ont été transportés dans toute la France, soit trois fois plus qu'en 2014. 619 autocars assurent chaque jour 201 lignes nationales et internationales desservant 146 villes et aéroports en France.

Par ailleurs, la structure du réseau s'est modifiée et assure désormais un plus grand maillage du territoire : les cinq villes les plus desservies – Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Lille – ne représentent plus que 34 % des arrêts, contre 43 % en septembre, alors que le nombre de villes desservies a doublé.

Pour les liaisons entre villes espacées de 100 kilomètres ou moins, qui sont soumises à régulation, soixante-dix-neuf dossiers ont été déposés auprès de l'ARAFER avant la fin de l'année 2015. Ces liaisons, dont trente-huit desservent la région Languedoc-Roussillon, pourront être ouvertes dans un délai de deux mois, sauf si une autorité organisatrice de transport s'y oppose. Dans ce cas, un délai supplémentaire de deux mois et une semaine sera ménagé pour que l'ARAFER estime si l'opposition est justifiée au regard de l'atteinte potentielle des nouveaux services sur les services publics existants, notamment ferroviaires.

Parmi les liaisons déclarées, dix-sept entrent en concurrence avec une desserte des trains d'équilibre du territoire (TET), conventionnés par l'État. À ce stade, l'État n'a pas saisi l'ARAFER d'une demande de limitation de ces services, du fait de l'absence d'impact mesurable de ces services sur les dessertes TET concernées. L'État pourrait être amené à le faire par la suite si, de nouvelles liaisons venant à se mettre en place, l'impact cumulé de ces liaisons par autocar sur l'équilibre de la convention devait devenir substantiel.

S'agissant des gares routières, j'ai, dès la fin du mois d'octobre, demandé aux préfets de région de porter une attention particulière aux éventuelles difficultés posées localement par le développement de ce nouveau marché et demandé l'organisation rapide de réunions avec les acteurs locaux.

À l'issue du premier retour des préfets ou de leur direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), il ressort que les problèmes identifiés sont globalement en nombre limité. Des réunions multipartites doivent encore se tenir, mais on peut penser que les difficultés du démarrage sont en train de s'aplanir.

Par ailleurs, un projet d'ordonnance visant à moderniser le cadre juridique relatif aux gares, qui datait principalement d'une ordonnance de 1945, a fait l'objet des avis favorables du CNEN le 7 janvier dernier, de l'ARAFER le 13 janvier, et de l'Autorité de la concurrence le 15. Il a été examiné par le Conseil d'État le 19 janvier. Pour répondre précisément à votre question, monsieur le président, je présenterai cette ordonnance en Conseil des ministres demain, mercredi 27 janvier.

Concernant les véhicules, l'arrêté du 22 septembre 2015 fixe les normes d'émission de polluants atmosphériques, imposant l'utilisation de véhicules conformes au niveau d'émission Euro 5 jusqu'au 31 décembre 2017, et au niveau d'émission Euro 6 à compter du 1er janvier 2018. En matière d'accessibilité, les nouvelles lignes doivent être d'emblée accessibles aux personnes à mobilité réduite. Un décret du 22 septembre 2015 est venu ajouter à la liste des matériels roulants qui doivent être accessibles, les matériels roulants acquis à l'occasion de la création des nouveaux services librement organisés. L'arrêté du 18 décembre 2015 soumet les autocars affectés aux nouveaux services librement organisés aux mêmes prescriptions techniques en termes d'accessibilité que les matériels roulants utilisés dans le cadre des services publics de transport.

En matière de sécurité, la Commission européenne a été saisie afin que l'obligation d'équipement en éthylotests antidémarrage des autocars des entreprises établies en France puisse être étendue aux véhicules des entreprises non établies en France amenés à circuler sur le territoire national. Le projet de décret ainsi notifié a entraîné un avis circonstancié de la Commission. Elle partage les motivations de la France dans la lutte contre l'insécurité routière, mais considère que ce dispositif n'étant pas harmonisé, c'est-à-dire non prévu par les textes européens, il ne peut être imposé aux opérateurs de l'Union européenne. L'action de la France se poursuit en la matière ; j'étais déjà moi-même intervenu en mai dernier auprès du commissaire européen aux transports, afin que ce dispositif soit intégré dans le cadre des travaux qui vont s'ouvrir sur la révision du règlement général sur la sécurité des véhicules.

Enfin, les opérations de contrôle ont été mises en place à partir de septembre. Pour qu'elles s'opèrent de façon mesurée et uniforme sur l'ensemble du territoire, des axes ont été donnés aux chefs des services transport des DREAL : temps de conduite et de repos, conformité des véhicules aux exigences réglementaires en termes d'accessibilité, de normes environnementales et d'équipement en éthylotests, nouvelle signalétique et documents de contrôle dédiés à cette nouvelle réglementation à conserver à bord des véhicules.

L'objectif est bien que soit maintenue une concurrence loyale entre opérateurs.

Le canal Seine-Nord Europe, également visé dans le texte de loi, formera un vaste corridor de transport de fret à grand gabarit. C'est une opportunité pour tous les territoires du nord de la France, qui ont besoin de relance économique. Dois-je rappeler également que l'Europe s'est engagée à financer 40 % du coût du chantier ? Cela représente 980 millions d'euros.

Conformément à l'article 7 de la loi, le Gouvernement dispose de neuf mois pour prendre une ordonnance. Par courrier du 30 juin 2015, j'ai chargé le directeur général de Voies navigables de France (VNF) de la préfiguration de cette société de projet, en concertation avec les collectivités concernées.

Le projet d'ordonnance a été mis à la consultation des collectivités territoriales du 15 octobre au 13 novembre. Après une phase supplémentaire de mise au point juridique et de derniers échanges techniques, il est désormais sur le point d'être transmis au Conseil d'État, pour une adoption de l'ordonnance au premier trimestre 2016 et la création de la société de projet dans le courant du premier semestre 2016.

S'agissant de la liaison Charles de Gaulle (CDG) Express, ce projet est indispensable pour conforter l'attractivité du premier aéroport français.

Conformément à l'article 8, le Gouvernement dispose d'un an pour prendre une ordonnance « permettant la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle ». Il s'agit de modifier les dispositions de l'article L. 2111-3 du code des transports pour confier la réalisation de l'infrastructure à une filiale de SNCF Réseau et d'Aéroports de Paris, dans le cadre d'une concession de travaux.

La Commission européenne a validé ce montage juridique ; le projet d'ordonnance devrait être examiné par le Conseil d'État au cours du mois de février 2016. L'ordonnance pourrait donc être adoptée fin février 2016.

La société de projet, filiale de SNCF Réseau et d'Aéroports de Paris, qui sera chargée de la réalisation et de la gestion de l'infrastructure, devrait être constituée courant 2016. Une enquête publique aura lieu au premier semestre 2016 pour compléter la déclaration d'utilité publique du projet. Les travaux pourraient démarrer en 2018 pour une mise en service en 2023.

En ce qui concerne les autoroutes, les dispositions de l'article 13 de la loi, qui viendront modifier le code de la voirie routière, entreront en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi, soit le 1er février 2016.

Pour mettre en oeuvre ces dispositions, il convient de préciser les modalités d'intervention de l'ARAFER pour ses missions relatives à la régulation des tarifs des péages ; de renforcer les obligations de mise en concurrence des marchés de travaux et services passés par les concessionnaires et de préciser les modalités d'intervention de l'ARAFER en la matière ; d'encadrer les obligations de mise en concurrence des contrats de gestion des installations passés par les concessionnaires et de préciser les modalités d'intervention de l'ARAFER en la matière.

Ces dispositions réglementaires font l'objet d'un seul et même décret dont le pilotage a été confié aux services d'Emmanuel Macron. Ledit projet de décret sera prochainement examiné par le Conseil d'État.

La loi prévoit par ailleurs, en son article 15, la mise à disposition du public, par voie électronique, des contrats de concessions autoroutières, à compter du 1er février 2016. Mes services travaillent actuellement à la mise en forme de ces documents pour se conformer à la loi.

La loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports avait rendu possible l'apport des concessions aéroportuaires à des sociétés anonymes spécialement constituées à cet effet et dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques. Dix sociétés aéroportuaires ont ainsi été créées. Cette réforme permet, à terme, d'ouvrir le capital des sociétés aéroportuaires.

Capitalisant sur l'expérience acquise avec l'ouverture du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, l'article 191 de la loi est venu renforcer les obligations relatives à la cession par l'État d'une part majoritaire du capital d'une société concessionnaire d'aéroport.

Il importe de noter qu'une telle ouverture du capital ne remet aucunement en cause les pouvoirs de régulateur et de concédant de l'État, qui permettent de préserver les intérêts publics et les besoins du transport aérien.

Le transfert au secteur privé de la majorité du capital des sociétés Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon a été autorisé par la loi du 6 août 2015. Le cahier des charges des appels d'offres correspondants est en cours de finalisation par l'Agence des participations de l'État (APE), en lien avec la Direction générale de l'aviation civile – et par le fait mon ministère.

Les principales demandes des collectivités niçoises et lyonnaises ont d'ailleurs pu être intégrées, avant même la consultation formelle des collectivités.

En ce qui concerne l'article 281, le décret adaptant certaines dispositions applicables aux entreprises de transport détachant des salariés roulants ou navigants sur le territoire national a été transmis au Conseil d'État le 17 novembre 2015.

Il vise à adapter certaines règles de droit commun relatives au détachement de travailleurs aux spécificités des transports terrestres. Il prévoit donc de substituer à la déclaration de détachement prévue par le code du travail une attestation de détachement, valable pour une durée maximale de six mois, établie pour chaque salarié pour cette même durée et pouvant couvrir plusieurs opérations de détachement. Il fixe à dix-huit mois la période pendant laquelle est assurée la liaison entre les agents de contrôle et le représentant désigné par l'entreprise établie en dehors du territoire français, alors que le droit commun prévoit que cette durée ne peut excéder la période de détachement du salarié. Enfin, il précise les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de vigilance et de responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre.

Afin de permettre aux entreprises de se préparer, le projet de décret n'entrera en vigueur qu'à la mi-2016. Il s'agit de faire en sorte que ce droit soit effectivement appliqué.

Enfin, avec l'objectif de lutter contre le dumping social dans le secteur maritime, l'article 286 vise à la mise en oeuvre d'une disposition liée à la convention internationale du travail maritime en rendant obligatoire l'affichage relatif à cette convention. En vigueur dès la promulgation de la loi, le contrôle de l'affichage est d'ores et déjà réalisé dans le cadre des visites de certification sociale des navires, sans qu'il soit besoin d'un texte d'application.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au terme de cette intervention, je vous confirme ma volonté de mettre en oeuvre rapidement la loi pour répondre à l'attente du législateur. Le point que je viens de faire montre que les travaux sont largement avancés.

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