Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Près de trois ans après l'adoption de la loi portant réforme de la biologie médicale, notre commission examine aujourd'hui le rapport d'application qu'Arnaud Robinet et moi-même vous proposons d'adopter. Si nous y formulons une vingtaine de propositions, il nous semble moins utile de toutes les aborder en détail que d'insister sur certains points saillants de notre mission.

Il m'apparaît tout d'abord nécessaire de rappeler le sens général de la loi définitivement adoptée le 30 mai 2013. Préparée en 2008 par le rapport Ballereau, la réforme de la biologie médicale rénove en profondeur, et de façon ambitieuse, un secteur dont l'organisation, datant de 1975, n'apparaissait plus adaptée aux nombreux défis contemporains. La loi, qui procède principalement à la ratification d'une ordonnance de 2010 relative à la biologie médicale, vise plusieurs objectifs.

Premier objectif : l'affirmation du caractère médical de l'acte de biologie. Citons ainsi la spécificité de la fonction de biologiste médical, le déroulement de l'examen en trois phases – pré-analytique, analytique et post-analytique – et le dialogue constant entre biologiste et clinicien.

Deuxième objectif : garantir la même qualité d'examens à tous nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national. Les laboratoires, publics comme privés, ont jusqu'en 2020 pour se voir délivrer une accréditation à 100 %, deux jalons intermédiaires ayant été fixés en 2016 et 2018.

Troisième objectif : la proximité et la pérennité de l'offre de biologie médicale.

Quatrième objectif, et non des moindres : la lutte contre la financiarisation du secteur, par la préservation des droits des biologistes en exercice, la définition de règles prudentielles et la mise en place de contrôles exercés par les agences régionales de santé (ARS).

Au regard de ces objectifs, j'aimerais insister sur plusieurs points.

Tout d'abord, la mise en oeuvre de l'accréditation constitue un pari important pour l'avenir de la biologie médicale. Il s'agit d'une démarche inédite dont les effets sont attentivement suivis par nos voisins européens. Le défi de la qualité prouvée a été relevé par l'ensemble de la profession comme en témoigne l'entrée effective dans la démarche d'accréditation de la totalité des laboratoires, à deux exceptions près. Il faut s'en féliciter !

La réalisation du prochain objectif, consistant à accréditer 50 % des examens de biologie médicale et au moins un examen par famille au 31 octobre 2016, nourrit cependant beaucoup d'inquiétudes. Cette étape suppose que les laboratoires puissent affronter de concert les restructurations et la réorganisation qu'implique la démarche d'accréditation. On peut aussi s'interroger quant à la capacité du comité français d'accréditation (COFRAC) de traiter l'ensemble des dossiers. Des obstacles demeurent comme en témoigne la difficulté à recruter des biologistes médicaux pour procéder aux nécessaires évaluations.

J'insiste avec une fermeté particulière sur l'importance qu'il y a à tenir les délais de 2016, 2018 et 2020. Nous nous sommes émus qu'il ait été question de les reporter, et avons porté une attention particulière à ce que des actions plus énergiques soient décidées afin de rester dans le cadre défini par la loi. Il n'en demeure pas moins que, au 31 octobre 2016, 200 à 300 laboratoires ne disposeront pas de l'accréditation, faute d'évaluations organisées par le COFRAC. Or, les textes sont clairs : pas d'accréditation, pas d'activité. Plusieurs pistes sont à l'étude pour stabiliser la situation juridique des laboratoires concernés, en leur conférant une autorisation dérogatoire d'exercice pendant quelques mois, le temps que le processus d'accréditation à 50 % soit achevé. Nous devons rester plus que jamais attentifs à ce sujet et demander au COFRAC d'optimiser les ressources humaines mises à sa disposition pour atteindre cet objectif.

Les auditions ont révélé la persistance d'une autre inquiétude, liée à la financiarisation du secteur de la biologie médicale. Les réactions oscillent entre l'incompréhension, face au peu d'effet des dispositions adoptées, et la frustration de ne pouvoir lutter à armes égales face aux grands groupes. Il importe à cet effet de permettre l'application des règles existantes.

Plusieurs mesures s'avèrent nécessaires.

Il serait opportun de publier sans plus attendre les textes d'application de la loi, en particulier ceux qui ont trait aux sanctions administratives. On pourrait d'ailleurs s'interroger quant à l'élargissement de ces sanctions. L'article L. 6223-8 du code de la santé publique impose une priorité de cession des parts sociales ou actions au bénéfice des biologistes exerçant dans la société. Il conviendrait de s'assurer que cet objectif a réellement été recherché avec la piste de la mise en place d'une infraction soumise à une sanction administrative proportionnée.

Il faudrait aussi envisager les règles prudentielles à l'aune du principe de santé publique. Il ne serait pas normal que l'installation, le regroupement ou le transfert d'activités soient opérés en méconnaissance des enjeux de santé publique. Certains regroupements sont souhaitables, s'agissant de structures devenues trop petites pour assurer à elles seules la garantie de qualité et de sécurité aujourd'hui exigée. Mais, pour autant, les nouvelles structures ne doivent pas nourrir une ambition de gigantisme financier, qui serait préjudiciable aux patients comme aux biologistes exerçant dans ces laboratoires. La formulation d'une doctrine sur l'application des règles prudentielles, notamment celles liées à la territorialité, permettrait de répondre à cet enjeu.

Il importe enfin que les ARS, chargées d'appliquer les règles prudentielles, et les ordres professionnels, auprès desquels les sociétés exploitant un laboratoire sont inscrites, conviennent d'un pilotage adapté pour assurer leurs missions de façon complémentaire. Il convient aussi qu'ils disposent de collaborateurs dûment formés pour assurer leurs missions. À cet effet, il nous semble utile qu'un plan de formation soit défini pour accompagner la montée en puissance de ces missions.

Je terminerai mon intervention en insistant sur les évolutions affectant la biologie médicale. Le choix, opéré par le législateur, d'exclure du champ de l'accréditation les actes d'anatomie et de cytologie pathologiques ne semble plus justifié. Il serait opportun d'étendre l'accréditation à ces examens dans l'intérêt de la santé des patients et de leur égal accès à des examens de qualité.

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