Intervention de Jean-Sébastien Vialatte

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Sébastien Vialatte :

Je commencerai par indiquer que je suis moi-même biologiste, de façon à ne pas être soupçonné de conflit d'intérêts.

Ce n'est pas tant du mécontentement que cette loi a provoqué, comme M. Touraine l'a affirmé, qu'une véritable sidération chez les biologistes, seule profession médicale régulièrement soumise à ce type de textes. Après la sidération est venue une phase de résignation. Modernes, les biologistes ont pris les choses à bras-le-corps et ont essayé de répondre aux exigences de la loi. Certains des objectifs du texte sont pratiquement atteints, comme la médicalisation de la profession et la garantie d'égale qualité des examens sur tout le territoire.

Dans certains secteurs, les regroupements de laboratoires entraînent un manque d'offre de proximité, non qu'il n'y ait plus de sites, mais parce que ceux-ci ne sont parfois que des sites de prélèvement, qui ne peuvent assumer d'examens d'urgence dans la journée, le plateau technique étant trop éloigné. Est-il possible qu'un laboratoire du littoral varois envoie ses analyses au mois d'août dans le haut pays niçois et reçoive des résultats dans un délai normal, voire d'urgence ? Un décret sur les examens d'urgence devait être pris, mais ne l'a pas été : il est nécessaire qu'il soit publié rapidement.

La lutte contre la financiarisation est un échec total. On assiste au regroupement de laboratoires de plus en plus gigantesques, échappant à tout contrôle, et dont une partie des capitaux sont étrangers. Cela pose deux problèmes : celui de l'indépendance des biologistes quant au choix du matériel et des techniques utilisés – les gros financiers n'ayant comme seul objectif que la rentabilité – et celui de l'impossibilité, à terme, pour les pouvoirs publics d'intervenir efficacement face à des groupes en passe de devenir gigantesques.

La principale préoccupation des biologistes est aujourd'hui celle de l'accréditation. Les règles qui ont été fixées, prévoyant 50 % d'accréditation en 2016, sont absolument intenables – non pas pour la profession des biologistes qui est pratiquement prête, mais par le COFRAC. Je vous donnerai l'exemple de ma propre expérience. Le dépôt de ma demande d'accréditation initiale a eu lieu en juillet 2014. L'audit du COFRAC a été effectué le 19 janvier 2015. J'ai reçu une réponse de la commission d'accréditation le 15 mai suivant. Dans cette lettre, il m'était demandé des explications complémentaires, que j'ai fournies, et j'ai finalement obtenu mon accréditation en octobre 2015, soit quinze mois après le dépôt de ma demande. Manifestement, le COFRAC n'est pas en mesure de répondre aux demandes des laboratoires. Il en est d'ailleurs conscient et l'a écrit aux biologistes.

Cette situation a conduit la ministre de la santé à prendre deux arrêtés successifs. Le premier a imposé aux laboratoires de déposer, avant le 30 avril 2014, leur demande d'accréditation pour 2016. Le second vise à simplifier les demandes et à réduire à trois le nombre de familles qui doivent être accréditées, ce qui va nous faciliter la tâche. Ce premier arrêté a entraîné une charge de travail considérable pour les laboratoires qui doivent, examen par examen, fournir un dossier ; or, il y a des dizaines d'examens à accréditer. Les laboratoires ont effectué ce travail pour le 30 avril 2014 et, en novembre, le ministère a finalement décidé que les laboratoires pourraient faire plus simple.

Il faudrait donc fusionner les échéances de 2016 et de 2018. Je ne vois pas comment on peut prendre une disposition dérogatoire à la loi pour autoriser des laboratoires qui n'auraient pas obtenu leur accréditation. D'autre part, la loi prévoit, après la visite initiale d'accréditation, une visite de suivi tous les ans : cette dernière ne pourrait-elle être provisoirement suspendue afin que le COFRAC se consacre essentiellement à l'objectif de 50 % de laboratoires accrédités en 2016 ?

Le rapport de nos collègues Touraine et Robinet aborde l'ensemble des problèmes qui se posent aux biologistes, mais je voudrais les inciter à revoir leurs chiffres. Ils affirment en effet que le marché de la biologie médicale est en croissance continue. Or, il s'avère qu'en 2015 le nombre d'actes de biologie a diminué, à tel point que l'assurance maladie a renoncé à modifier l'arrêté fixant la nomenclature des actes de biologie médicale cette année. Les laboratoires sont donc, en plus, confrontés à des problèmes financiers. Le coût de l'accréditation initiale s'élève entre 15 000 et 20 000 euros pour un laboratoire moyen, sans compter l'inscription obligatoire au COFRAC, de l'ordre de 3 000 euros pour un mono-site. Enfin, chaque visite est facturée par le COFRAC, sans compter les coûts indirects car aucun laboratoire – mono-site ou multi-sites – ne peut arriver à obtenir son accréditation sans embaucher un qualiticien ou faire appel à des sociétés de conseil spécialisées qui coûtent 1 000 euros hors taxes par jour de présence dans le laboratoire.

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