Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Je voudrais insister à nouveau sur le fait que la proposition de loi « mettait la barre » très haut. L'ambition était de porter la biologie médicale en France, en termes de qualité sur tout le territoire, au meilleur niveau mondial. Je ne crois pas qu'aucun autre pays se soit fixé une ambition aussi élevée : l'accréditation de la totalité des laboratoires et de la totalité des examens. Cet objectif est sur le point d'être atteint en un petit nombre d'années. J'en suis très reconnaissant aux biologistes qui, comme l'a souligné M. Vialatte, ont peiné au début parce que cela représentait une révolution, une montagne à gravir. Une fois passées les phases d'adaptation qui ont été décrites, ils ont accepté de contribuer à la réalisation de cet objectif si bien que la preuve va pouvoir être donnée que la France offre les résultats les plus fiables possible, au vu des connaissances actuelles, pour la totalité des examens biologiques. Ce résultat est tellement encourageant qu'il me semble nécessaire qu'on fasse de même pour les examens d'anatomie et de cytologie pathologique – domaines dans lesquels il est tout aussi important d'éviter de méconnaître des diagnostics de cancer, comme risquent de le faire des laboratoires non accrédités ni certifiés.

Face à cette ambition, on aurait pu ne laisser dispersés sur le territoire que des sites de prélèvement, les sites d'examen étant regroupés dans un très petit nombre de lieux centraux. Cette solution, retenue dans certains pays européens, aurait également permis d'assurer une bonne qualité des examens même si le déplacement peut nuire à certaines explorations. Elle aurait cependant pu entraîner des délais supplémentaires et, surtout, le service de proximité n'aurait plus été assuré. Nous avons la chance en France d'avoir un nombre important de biologistes capables de conseiller le patient, de lui donner la compréhension des résultats qui lui sont transmis et de lui proposer un suivi dans la durée si nécessaire – tout cela en concertation avec le médecin clinicien. Nous avons donc fait le choix de ne pas retenir de solution de facilité mais de maintenir notre équipement sur tout le territoire.

Dans le même temps est survenu un autre phénomène qui n'a rien à voir avec cette réforme et qui existe dans tous les secteurs de la santé : la tendance aux regroupements, y compris financiers. On a pu le constater dans les cliniques également – parce que les trop petites structures ne peuvent faire face aux exigences actuelles. Ces regroupements remettent en cause cette logique de maintien de structures de proximité. Il est donc nécessaire, grâce à la loi, d'assurer la persistance d'un pourcentage minimum de biologistes. La loi de 2013 oblige tout laboratoire de biologie à faire en sorte que, à tout moment, un biologiste soit mobilisable pour répondre à un patient sur ses examens.

Compte tenu de l'ambition du projet, il est évident qu'il reste des mesures complémentaires à prendre : tous les décrets n'ont pas encore été publiés, dont certains limiteront davantage l'évolution vers la financiarisation ; un décret doit également être pris concernant l'outre-mer.

M. Vialatte a dit qu'on ne pourrait atteindre l'objectif de 50 % de laboratoires accrédités au 1er novembre prochain. Pourtant, tous les biologistes ont fait des efforts. Tous, sauf deux, ont demandé l'accréditation à leur laboratoire. Et tous les laboratoires, publics et privés, sont d'accord pour que certains de leurs collaborateurs se rendent disponibles pour être les évaluateurs du COFRAC. Ce dernier nous dit qu'il n'arrivera pas à atteindre l'objectif parce qu'il ne dispose pas d'assez d'évaluateurs : ce n'est qu'à moitié vrai. Au début, les évaluateurs ne se sont pas précipités mais actuellement, beaucoup de biologistes, y compris dans les laboratoires publics, demandent au COFRAC de pouvoir faire ces évaluations. Nous avons donc l'impression que ce sont plutôt l'organisation et l'optimisation du travail qui font défaut. Je note par exemple que certains évaluateurs nous écrivent, surpris, après s'être portés volontaires, de continuer à attendre qu'on les mobilise – ou qu'on les mobilise davantage. On ne peut donc pas dire que ces évaluateurs, qui sont l'arme au pied, prêts à intervenir et à atteindre avant le mois de novembre prochain l'objectif, n'existent pas aujourd'hui. Il faudrait pouvoir mieux organiser leurs interventions pour qu'un nombre croissant de laboratoires soit évalué, même si, même avec cette optimisation et malgré la diminution du nombre de familles à évaluer, on n'atteindra pas tout à fait 100 % de laboratoires évalués pour 50 % des examens.

Que faire ? Il est effectivement possible de veiller à ce que les visites de suivi soient plus espacées. D'autres missions moins prioritaires du COFRAC peuvent elles aussi être différées. Nous l'avons conseillé aux représentants de ce comité, qui ont, je crois, compris quelle était la priorité. Il est possible d'atteindre un objectif qui soit proche de celui fixé. Il est également possible de faire bénéficier d'un système de dérogations les quelque 200 ou 300 laboratoires qui n'auront pas terminé tous leurs examens au 31 octobre prochain, à condition de garantir la sécurité juridique dudit système. Les laboratoires qui ont fait eux-mêmes en temps opportun une demande d'accréditation, qui se sont engagés dans le processus et que le COFRAC n'a pas été capable d'examiner dans les délais escomptés, sont vertueux et méritent qu'on leur accorde la possibilité de travailler pendant quelques mois supplémentaires sans accréditation, le temps que le COFRAC ait terminé leur évaluation. On évitera ainsi d'avoir à reporter l'échéance et, partant, celles du 1er novembre 2018 et du 1er novembre 2020. Si l'on décale ces dates, on ne saura pas quand 100 % des examens seront accrédités ni quand on atteindra une fiabilité parfaite sur l'ensemble du territoire.

Il est vrai, monsieur Vialatte, que le nombre d'examens a diminué en 2015, mais je ne suis pas sûr qu'il s'agisse là d'une tendance lourde. J'ai plutôt l'impression que c'est un bienfait résultant de l'introduction de la pertinence des prescriptions. Dans le passé, nombre d'examens ont été prescrits, en secteur libéral comme en secteur public, par groupes d'examens, quelquefois de façon excessive. Récemment, il a été conseillé à tous les prescripteurs de ne pas abuser des prescriptions inutiles. Il fut par exemple un temps où le dosage de l'antigène prostatique spécifique (PSA) était systématiquement prescrit à tous les hommes de cinquante ans ou plus, dès qu'ils rencontraient un médecin. On s'est ensuite rendu compte de l'absurdité de la chose. Ce dosage, comme beaucoup d'autres, ne fait donc plus l'objet de demandes systématiques, mais uniquement de demandes motivées. Cela aboutit à diminuer quelque peu le nombre d'examens biologiques. Sont par contre en augmentation la diversité de ces examens, de même que le nombre d'examens très sophistiqués et à haute valeur ajoutée, par exemple en génétique. Je ne crois donc pas que les biologistes aient à craindre de manquer de travail demain. Les examens seront de plus en plus variés, sophistiqués et complexes et continueront à croître en nombre, parce que les progrès de la connaissance biologique comme de la connaissance thérapeutique sont une tendance lourde.

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