Je vous avoue que j'étais surtout accaparé, pendant le débat budgétaire, par les travaux de la conférence de Paris sur le climat (COP21).
Un deuxième bloc de dérogations concerne trois professions : les agriculteurs, les travaux publics et les transporteurs routiers. Il faut bien dissocier entre ces deux blocs, car les mesures à prendre à leur endroit, et les méthodes à suivre pour ce faire, varient grandement selon leur spécificité.
Quant à la justification de la fiscalité de l'énergie actuelle par rapport aux enjeux écologiques, je me permettrai de vous renvoyer à l'avis n° 3 du Comité pour la fiscalité écologique, rendu le 18 avril 2013. Je n'aurais pas une ligne à y changer aujourd'hui : historiquement, la fiscalité de l'énergie s'est construite sans prise en compte des impacts environnementaux et sanitaires des différents carburants.
À mesure que les connaissances scientifiques ont progressé, il est apparu que les deux types de carburant que sont le diesel et l'essence n'ont pas la même incidence écologique. Un litre de diesel contient 15 % de dioxyde de carbone (CO2) de plus qu'un litre d'essence. Ce point est mal connu, et le diesel est souvent perçu comme étant plus favorable à l'action climatique car le rendement du moteur diesel est plus élevé. En outre, les polluants locaux y sont plus présents, notamment les oxydes d'azote (NOx) et les microparticules, dont on mesure mieux la présence, mais aussi l'impact sanitaire négatif, du fait du progrès des connaissances. D'autres sources dégagent cependant les mêmes particules, comme l'a montré le bilan du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) pour la France. Le bois est ainsi une source très importante d'émissions de particules.
Indubitablement, le diesel joue un rôle dans les pics de la pollution urbaine. Il n'y a aucune justification environnementale à donner un avantage au diesel sur l'essence, quelle que soit la métrique utilisée. L'on pourrait penser que la parité de taxation permettrait d'établir un équilibre total ; ce n'est pourtant pas le cas, car le diesel est plus polluant que l'essence. Pour prendre en compte la mesure des impacts sanitaire et environnementaux, il conviendrait donc de taxer davantage le diesel.
Il serait cependant compliqué d'en définir le juste niveau de taxation. Dans un moteur à combustion, la masse de dioxyde de carbone dégagée correspond bien à celle qui est contenue dans le réservoir, de sorte qu'il est facile d'évaluer son niveau de pollution. Mais l'émission des NOx varie selon les types de véhicule et de pot catalytique utilisés. Elle dépend aussi de l'entretien de ces pots catalytiques ou encore de leur mode d'usage, car les pots catalytiques filtrent efficacement lorsqu'ils sont chauds, mais pas quand ils sont froids.
Pour trouver un bon système tarifaire qui impute à l'utilisateur la pollution locale, il faudrait se tourner vers des solutions analogues au péage urbain mis en place à Stockholm. Il est différencié selon la classe technique des véhicules et selon l'heure d'utilisation. Ce système tarifie donc de manière fine les pollutions locales.
L'écart de fiscalité entre diesel et essence a un impact à la fois économique et industriel. Comme je le disais précédemment, le faible niveau du baril de Brent offre l'occasion à court terme de les modifier.
Sous le régime général de taxation, le premier impact économique de l'écart de fiscalité se fait sentir sur l'industrie du raffinage, notamment française. L'avantage fiscal consenti au diesel conduisant à sa surconsommation en France, et la production du diesel étant pratiquement indissociable de celle de l'essence, on se retrouve dans la situation de devoir importer du diesel tandis qu'on a du mal à trouver des débouchés rentables à l'essence qui sort des raffineries françaises. Cette industrie se porterait donc mieux si un rééquilibrage durable avait lieu.
S'agissant du secteur automobile, je ferai trois observations. En premier lieu, la prédominance du diesel est un phénomène français et européen, à l'exception du Royaume-Uni. Aux États-Unis, en Asie également, la norme de carburant des petits véhicules est l'essence. Les Japonais n'ont développé de véhicules diesel que pour entrer sur le marché européen. Dans les pays hors de l'Europe continentale, la structure de taxation fait que le diesel est plus imposé que l'essence pour les véhicules des particuliers.
En deuxième lieu, le coût de la mise aux normes des véhicules récents s'élève à plusieurs milliers d'euros par véhicule. Ce surcoût imputable aux pots catalytiques fait qu'il est de moins en moins rentable de développer de nouveaux modèles. La tendance naturelle est donc à l'évolution du marché des petites cylindrées à usage urbain vers des modèles à essence. Pour les grosses cylindrées, il est encore aujourd'hui plus rentable et plus facile de vendre des modèles diesel. Tout le problème est là.
J'en viens, en troisième lieu, aux avantages spécifiques du diesel. S'agissant des véhicules de société, il faut réduire le plus rapidement possible cet écart de taxation entre essence et diesel pour les flottes professionnelles, car il n'a aucune légitimité. D'autant que la part des ventes de véhicules particuliers qui constituent ces flottes captives augmente. L'avantage dont bénéficient les taxis est plus réduit et peut être a-t-il été supprimé. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune raison de le maintenir, puisqu'ils peuvent répercuter les coûts dans leurs tarifs.
J'en termine par les trois professions jouissant d'un régime particulier : agriculteurs, travaux publics, transporteurs de marchandises. Il faut chercher des solutions avec eux. Comme président du Comité pour la fiscalité écologique, j'avais noué des contacts tout à fait intéressants avec leurs représentants. Ceux de la profession agricole étaient, bien sûr, attachés au soutien dont ils bénéficient, mais ils n'étaient pas fermés à ce qu'il prenne d'autres formes, peut-être plus efficaces, que cette aide à l'achat de carburant. Il en va de même pour les bâtiments et travaux publics. Dans ces activités, il n'y a pas de lien direct entre le prix du carburant et la compétitivité internationale du secteur, qui est déterminée par de nombreux autres facteurs.
La situation est différente pour les transporteurs routiers. Le coût salarial chargé d'un routier est de 10 % à 15 % plus élevé en France qu'en Allemagne. D'autres éléments que le coût du carburant pèsent donc dans le coût d'exploitation. Ne faut-il pas réfléchir, avec la profession concernée, à d'autres leviers pour soutenir son activité ? J'observe toutefois, ayant été invité au congrès annuel de la Fédération nationale des transports routiers, que le statut du carburant professionnel fait, pour ainsi dire, partie de l'identité de ce secteur. Il y a une forte tradition.