Intervention de Christian de Perthuis

Réunion du 19 janvier 2016 à 16h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Christian de Perthuis, professeur de l'Université Paris-Dauphine, titulaire de la chaire d'économie du climat :

Madame la rapporteure, vous m'avez interrogé sur le rythme de réforme dans le domaine de la fiscalité de l'énergie. Je répéterai qu'il faut être convaincu de ce que l'acceptabilité sociale des mesures fiscales en matière énergétique est bien différente selon que le baril est à moins de 30 dollars ou à plus de 100 dollars. J'ai transmis ce message aux pouvoirs publics à l'automne. Je crois qu'il faut utiliser l'opportunité que nous offre le contexte conjoncturel pour accélérer des réformes qui seront de toute façon nécessaires.

Hors de France, des pays tentent des réformes fiscales ambitieuses. J'ai fait deux conférences en juin aux Émirats arabes unis. J'ai pu y constater que, à l'occasion de contacts auprès du fonds souverain de l'émirat d'Abou Dhabi, que la baisse des prix du brut y coïnciderait cette année avec une hausse du prix de l'essence.

En réalité, les constructeurs automobiles nationaux ont déjà entamé la révolution vers des modes de mobilité différents. Il faut accélérer le processus : telles sont les bonnes incitations à leur envoyer. Reste à savoir s'il faut qu'ils l'achèvent en trois ans, en cinq ans ou en sept ans.

S'agissant de la taxation du diesel et de l'essence, faut-il baisser d'un côté et augmenter de l'autre ou ne faire qu'augmenter d'un côté ? Les grandes déclarations faites à l'occasion de la COP21 plaideraient en faveur d'une accélération impérieuse vers une économie bas carbone. Je pense qu'il faut donc converger vers le haut, même si cette approche n'est pas populaire. Il faut garantir la cohérence entre, d'une part, les discours sur les intentions, comme la loi relative à la transition énergétique, et, d'autre part, les moyens que l'on se donne pour les réaliser. Dans ce contexte, il serait contre-productif de promettre une baisse des prix de l'essence, ce qui n'exclut pas des mesures compensatoires.

J'en viens à la neutralité technologique de la fiscalité, question complexe. Nous héritons malheureusement d'une fiscalité absolument orientée ! Ainsi, le gaz a été détaxé pour permettre le développement du site de Lacq dans les années 1950. Si l'on raisonne correctement en prospective, il faut s'orienter vers une fiscalité énergétique à deux composantes. La première est le contenu énergétique des combustibles, qui doit servir de base à la taxation. Cette dernière repose aujourd'hui tantôt sur le litre tantôt sur le mètre cube, ce qui est tout à fait irrationnel. Pour progresser vers une société qui recherche l'efficacité énergétique, il faut que le prix de l'énergie devienne de plus en plus significatif. Le premier levier de l'économie d'énergie reste donc une bonne tarification, qui repose sur le contenu énergétique, totalement neutre du point de vue technologique mais qui va inciter les acteurs économiques à adapter leurs réponses.

La deuxième composante de la fiscalité de l'énergie doit avoir un caractère environnemental. S'agissant du carbone, on a une idée claire, puisqu'un gramme de CO2 présent dans le carburant sort nécessairement par la cheminée ou par le pot d'échappement, du fait qu'il n'y a pas de système pour le capter. Les autres nuisances environnementales appellent un dispositif plus complexe car, suivant la normalisation et les caractéristiques techniques des véhicules, il n'en sortira pas la même quantité de polluants.

Le mode d'usage entre aussi en ligne de compte. J'ai dit, non pas que le pot catalytique est inefficace, mais que son efficacité dépend de son entretien et du bon renouvellement des filtres. Or personne ne vérifie que cet entretien est correct ; certaines études laissent même penser que beaucoup de véhicules fonctionnent avec des filtres mal entretenus. À cela s'ajoute le fait que les pots catalytiques fonctionnent bien quand ils sont chauds, mais beaucoup moins bien quand ils sont froids. En tout état de cause, la tarification par le seul carburant ne serait pas suffisante. Cela renvoie à la question des péages urbains tels que celui qui est pratiqué à Stockholm.

S'agissant des particules émises par les moteurs à essence, nous avons encore des incertitudes sur la présence de particules encore plus fines. Notre connaissance des nuisances environnementales est liée à nos capacités techniques tant pour opérer les relevés que pour les évaluer.

Monsieur Barbier, vous m'avez interrogé sur les contours exacts de la catégorie des petites cylindrées. Malheureusement, je ne saurais même pas quoi vous dire pour ma propre Clio ! Je connais mal la nomenclature, je pense cependant que la direction est claire. Quant à la part du diesel dans les flottes professionnelles, elle est extrêmement élevée.

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