Intervention de Christophe Priou

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

« Les exemples très différents du contrôle des pêches en Guyane ou à Clipperton sont, à ce titre, éloquents : notre marine ne dispose que de deux malheureux patrouilleurs pour une zone de 200 000 kilomètres carrés dans les eaux guyanaises. Cela revient à vouloir surveiller la France avec deux voitures de police à peine ! Et le ratio est pis encore pour Clipperton ou dans les Terres australes et antarctiques françaises. »

« Dans son dernier discours de Président de la République, le 1er février 1969 à Brest, le Général de Gaulle a pourtant fixé clairement le cap : " L’activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche de l’exploitation de la mer. Et, naturellement, les ambitions des États chercheront à dominer la mer pour en contrôler les ressources " ».

« L’homme du 18 juin appelait-il de ses voeux un plan maritime volontariste, à l’image de ceux qui ont donné naissance à l’aéronautique ou au nucléaire ? En tout cas, ses successeurs à l’Élysée n’en ont fait aucun cas, sauf en belles paroles suivies de bien peu d’actes. En 2009, au Havre, Nicolas Sarkozy appelait à réparer un " oubli historique, celui de la vocation maritime de la France ". Le 1er avril 2011, à Boulogne, le candidat François Hollande évoquait la mer comme un " un potentiel majeur pour l’avenir de la France ", réitérant une promesse " forte ", celle de la création d’un grand ministère de la Mer. On sait ce qu’il en est advenu. »

« Est-il déjà trop tard ? La France a-t-elle définitivement manqué sa vocation maritime ? Sans doute pas, mais il y a urgence à agir concrètement et à cesser de remplir les armoires de la République de nouveaux rapports sur la question. L’un des derniers en date, " La France face à la nouvelle géopolitique des océans ", réalisé par André Trillard et des sénateurs de tout bord politique, résume parfaitement l’enjeu national, le choix entre un repli frileux synonyme de déclin ou un cap volontaire vers le large : " L’importance économique, diplomatique, écologique croissante des espaces maritimes dans la mondialisation fait plus que jamais de la mer un enjeu politique grâce auquel un État peut rayonner et affiner sa puissance sur la scène internationale ". On ne saurait être plus clair. »

« La mer, sur laquelle s’effectue l’essentiel du commerce mondial, recouvre 70 % de la surface de la planète. Elle contient des réserves d’hydrocarbures, de ressources minérales et d’énergies renouvelables, de trésors biologiques inconnus, vitaux pour l’économie de demain. Ce basculement de la terre vers la mer a des conséquences stratégiques majeures. Ce constat, les professionnels et industriels regroupés dans le Cluster maritime français ne cessent de le répéter. »

« Leur appel sera-t-il enfin entendu à l’Élysée ? À la barre du pays, le Corrézien d’adoption François Hollande saura-t-il se souvenir de son enfance normande ? Aura-t-il l’audace et le courage politique de modifier durablement le cap ? L’enjeu est de taille, car la France sera maritime ou ne sera presque plus rien dans le concert des nations. » Le Président de la République nous annoncera sans doute dans quelques mois que pour répondre à cette attente, il lui faudrait un deuxième quinquennat…

J’en reviens à la proposition de loi, troisième texte de la législature consacré aux activités maritimes. Il vient en effet après l’adoption, au mois de mai 2015, du projet de loi sur les activités privées de protection de navires et celle, en juin, de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes. Un collègue s’était étonné que nous votions contre ce dernier texte, au prétexte qu’il permettrait d’obtenir – pour ne pas dire d’acheter – la paix sociale. Mais à quoi sert la paix sociale dans un désert portuaire ?

Que l’on ait jugé nécessaire de proposer ce troisième texte sur le sujet en l’espace de quelques mois signifie, au mieux, que les deux précédents étaient inutiles ou insuffisants ; au pire, qu’ils étaient nuisibles.

Au delà des questions légitimes que l’on peut se poser sur l’articulation entre cette proposition de loi et les initiatives qui l’ont précédé, le fait de placer en son centre la compétitivité des entreprises maritimes françaises et l’employabilité des gens de mer, tous secteurs confondus, nous paraît une bonne chose.

Nous avions déjà pointé, lors de l’examen de la proposition de loi relative aux ports, la nécessité de remédier au déficit de pouvoir d’attraction des ports français, inférieurs en performance et en productivité à nos principaux concurrents et qui subissent des coûts d’immobilisation plus importants et un climat social dégradé.

Le vrai sujet était et reste le suivant : quelle est la stratégie portuaire de notre pays ? Quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité de nos ports vis-à-vis de la concurrence internationale ? Notre seul souci est de savoir si ce troisième texte répond enfin à cette préoccupation majeure.

Au fond, cette proposition de loi, par le nombre de sujets dont elle traite et l’absence de mesures de grande envergure, s’apparente plus à un catalogue de mesures administratives – que mes collègues et moi-même avons tenté d’améliorer – qu’à un grand texte capable de refonder la politique maritime de notre pays.

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