Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

On l’a dit et répété, la France est la deuxième puissance maritime du monde ; et, Huguette Bello l’a rappelé avec brio, 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent dans l’outre-mer. Ces données montrent l’importance stratégique et le rayonnement de notre pays dans le monde. La France, dit un adage, est le seul pays où le soleil ne se couche jamais : de fait, son territoire s’étend sur quatre océans.

Autant de réalités essentielles pour les outre-mer, bien entendu. La Martinique, à elle seule, occupe une surface de 1 100 kilomètres carrés, et sa zone économique exclusive – ZEE – fait 47 000 kilomètres carrés. C’est dire combien les développements stratégiques sont importants sur nos territoires.

Je remercie le rapporteur, Arnaud Leroy, qui nous a ouvert la porte – puisque le texte initial, disons-le clairement, ne contenait pas grand-chose sur les outre-mer. J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous ouvrirez les fenêtres et toutes les autres portes à votre tour, en acceptant nos amendements.

J’aborderai quatre points. Le premier est celui des ports de plaisance, enjeu fondamental puisque la plupart d’entre eux sont soumis à la concurrence, à La Réunion comme dans les Caraïbes. Les outre-mer sont attractifs de ce point de vue, puisqu’ils bénéficient d’infrastructures terrestres de qualité, d’une offre de soins performante et d’un niveau de sécurité reconnu. Toutefois des difficultés majeures freinent la dynamique de la plaisance dans le cadre de l’économie bleue : poids des procédures administratives et de la fiscalité, ou charges qui neutralisent la compétitivité par rapport aux îles voisines.

Je propose d’ailleurs une réflexion sur le sujet, par le biais d’un rapport remis au Parlement. J’espère obtenir satisfaction mais, si ce n’est pas possible, une mission de l’inspection générale des finances pourrait peut-être venir sur place pour constater les difficultés auxquelles nos régions sont confrontées. La Martinique, par exemple, dispose d’un potentiel de 5 000 places dans ses ports de plaisance, contre seulement 1 800 places offertes – bien loin, par conséquent, de l’objectif que l’on pourrait atteindre.

La deuxième question est celle de la pêche, vitale pour nos territoires. Or l’organisation de la politique en ce domaine est incroyablement inadaptée, certaines spécificités n’étant pas prises en compte, qu’il s’agisse des embarcations, des techniques, des coutumes ou des ressources halieutiques. Aussi défendrai-je un amendement d’appel tendant à la définition d’objectifs spécifiques aux outre-mer, en matière de politique de la pêche maritime et d’aquaculture, au sein du code rural et de la pêche maritime, en complément des objectifs nationaux, afin de valoriser la production locale.

Cela passe aussi par des adaptations pour ainsi dire mécaniques, qui ne relèvent pas de la loi. Je suggère donc une expertise précise sur la taille des bateaux, les catégories de pêche, la jauge et le renouvellement de la flotte. Sur ce dernier point, Huguette Bello l’a dit, l’application de l’article 349 du traité de Lisbonne génère des aberrations, puisqu’elle conduit à ne pas renouveler la flotte antillaise – non plus que la réunionnaise – sous prétexte de surpêche. Les zones côtières étant par ailleurs polluées par le chlordécone, la pêche y est souvent impossible, et l’on n’a donc pas non plus les moyens de renouveler la flotte pour la pêche au large. Bref, la situation est absurde.

Troisième point : la protection sociale des marins. Je souhaite que le rapport demandé à l’article 9 bis intègre les problèmes et les adaptations nécessaires à ce régime et tienne compte des particularités de nos pays.

Le quatrième point est la gestion des ressources halieutiques, laquelle ne peut être que partagée et non isolée, cela va de soi ; d’où notre proposition d’associer les conseils régionaux, le département de Mayotte et les collectivités de Martinique et de Guyane aux discussions qui traitent de la gestion et de l’évaluation des ressources partagées au sein des organismes internationaux et régionaux des bassins océaniques d’implantation des territoires ultramarins. Il est fondamental de donner à ces instances des pouvoirs de négociation. Je propose même d’aller un peu plus loin, à travers un amendement aux termes duquel seraient également associés à l’expertise les comités régionaux de pêche et les instituts scientifiques de recherche compétents.

Autre enjeu majeur : l’implication plus forte des collectivités dans la gestion et la gouvernance des ZEE, selon la suggestion du rapport sénatorial de Serge Larcher. Il s’agit non pas de remplacer l’État dans ce rôle, mais de mener un travail conséquent pour impliquer les collectivités dans l’économie bleue.

Pour conclure, cette économie bleue est un enjeu d’avenir, qui intéresse non seulement la petite Caraïbe et ses 45 millions d’habitants, mais aussi la grande, jusqu’aux frontières de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. Au-delà même des politiques d’organisation, ces zones frontalières constituent des bassins d’approvisionnement en matières premières pour nos pays, pour peu que les transports soient adaptés.

Je remercie donc le rapporteur, M. Arnaud Leroy, et forme le voeu que ce texte donne une dynamique aux pays d’outre-mer. Je souhaite aussi qu’il ne soit qu’un premier pas dans l’émergence du nouveau modèle économique et de la nouvelle croissance dont nos pays ont besoin,…

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