Intervention de Gwenegan Bui

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGwenegan Bui :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est un grand pays, mais un grand pays qui n’a jamais su conjuguer ses deux atouts : sa puissance continentale et son domaine maritime.

Non seulement il n’a jamais su marier ces deux atouts, mais, bien souvent, ceux-ci se sont trouvés en opposition. D’autant qu’à chaque épisode de son histoire où la France a tourné son regard et orienté son appareil productif vers la mer, ce fut un échec. Et pourtant, que de potentiels !

C’est pour cette raison que je remercie notre rapporteur de son opiniâtreté : sans lui, nous n’aurions pas pu mettre en place cette première brique de l’édifice maritime européen et français.

Au contact des plus grandes routes maritimes nous regardons, du haut de nos falaises bretonnes, passer des bateaux venus du monde entier : ils finissent généralement par accoster dans les ports anglais, belges, néerlandais ou allemands, bien plus rarement dans les ports français. Marginalisés en raison de l’absence de véritables ports de commerce de dimension mondiale, nous restons trop à l’écart des flux maritimes mondiaux actuels.

A l’heure où des pans entier de notre économie traditionnelle se fracassent devant la mondialisation – je pense bien sûr à notre agriculture, mais aussi à la pêche – et face au progrès technique et numérique – je pense aux transports, aux taxis et à l’industrie –, nous devons chercher de nouveaux leviers de croissance.

Or la mer offre un champ de développement économique qui reste encore sous-exploité. Tout nous invite à investir dans cet espace infini : énergies marines, ressources halieutiques, transports, biotechnologies bleues, bioressources, aquaculture, algoculture, pisciculture, et j’en oublie.

Face à ce panel d’activités, la mer ne peut pas, et ne doit pas être qu’un simple lieu de villégiature pour touristes et pour vacanciers. Elle est l’avenir économique, social et écologique de notre pays dont la géographie et le destin sont intimement liés à la mer.

Je me félicite qu’en optant pour la procédure accélérée, le Gouvernement ait saisi tout l’enjeu de cette proposition de loi qui, au-delà des mesures de simplification et de modernisation de l’ensemble du dispositif législatif encadrant les activités maritimes, réoriente la stratégie de l’État, quasi exclusivement terrienne jusqu’à présent, vers des dynamiques économiques tournées vers la mer.

Ce sont ces dynamiques que nous devons construire. Je prendrai simplement deux exemples pour illustrer la nécessité pour l’État de concentrer ses efforts sur le développement des activités maritimes.

Le premier concerne la création d’une filière française de gaz naturel liquéfié – qu’on appelle aussi GNL – dans le secteur du transport maritime. Bien que le fioul lourd et le gazole aient atteint des niveaux de prix très bas ces derniers mois, la fin des réserves de pétrole dans quelques décennies n’est pas une lubie.

Et les effets favorables, à court terme, de cette chute des cours ne doivent pas nous détourner des enjeux énergétiques et écologiques de long terme. Au contraire, elle doit nous inciter à investir rapidement dans les énergies d’avenir pour le transport maritime, comme le GNL. Car si nous réussissons, grâce à ce choix de propulsion, cette mutation technologique, nous bénéficierons alors d’un avantage comparable au leadership que nous avons acquis avec Airbus. Je m’explique.

Le GNL, un temps exploré en France par la compagnie bretonne Brittany Ferries, et le chantier naval STX France, en vue de construire un ferry fonctionnant uniquement au GNL, est considéré comme le carburant d’avenir du transport maritime.

Il représente en effet 30 % des échanges gaziers mondiaux, et progresse de 7 % par an. C’est surtout l’archétype du carburant « vert » pour le transport maritime. Pour quelles raisons ? D’abord parce qu’il élimine les émissions de soufre et d’oxyde d’azote et réduit les émissions de CO2 d’environ 20 %. Ensuite parce que son efficacité aussi bien énergétique qu’écologique est très bonne. Il nécessite néanmoins des équipements et des technologies adaptés tant sur les navires que dans les ports. Des savoir-faire uniques et d’importantes infrastructures en termes d’approvisionnement, de stockage, de construction navale sont ainsi nécessaires pour répondre à cet enjeu écologique majeur.

Dans ce domaine, si nous voulons peu à peu nous extraire de notre dépendance technologique en matière de construction navale – notamment vis-à-vis des pays du nord de l’Europe, aujourd’hui plus compétitifs que nous – ainsi que de notre dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, il nous faudra soutenir massivement l’ensemble des maillons de la chaîne du transport maritime pour construire cette filière : ports, entreprises gazières et industries de construction navale.

Cette proposition de loi, qui renforce l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes, de nos armateurs et de nos chantiers navals, doit éclairer le Gouvernement et permettre à nos entreprises d’être soutenues dans la création de cette filière GNL en France. Elle constituera un avantage décisif pour nos ports, tout autant qu’un élément de d’attractivité et de compétitivité, pour prendre des termes à la mode.

Mon deuxième exemple a trait aux biotechnologies marines. Bien que notre situation géographique aurait dû nous conduire, depuis des années, à développer l’ensemble des potentiels maritimes, la place de ces biotechnologies n’est pas à la hauteur de nos ambitions. Pourquoi ? Parce que nous n’en sommes qu’à la préhistoire de la découverte de nouvelles molécules et de nouvelles bactéries. Parce que les domaines d’application sont multiples : dans la santé, les industries agro-alimentaires, la cosmétique ou le remplacement de produits chimiques. Tout cela est devant nous.

Mais je profite de cette proposition de loi pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés de ce secteur : difficultés à grandir, à prospérer comme à trouver des partenaires, à lever des fonds ou à accéder à la mer. Ce texte sera également l’occasion de lever ces blocages.

À cette fin, nous avons déposé avec Jean-Luc Bleunven des amendements pour faciliter le pompage de la mer et l’algoculture. En effet, les nombreux pôles de compétitivité qui existent en France, en Île-de-France, à Lille, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en Bretagne n’offrent pas à la France une place compétitive. Il faut se le dire. Ni les outils de financement d’ailleurs, comme le Programme d’investissements d’avenir, le PIA, ou la Banque publique d’investissement, la BPI qui, de ce point de vue, ne donnent pas satisfaction : nous devons passer la vitesse supérieure.

À l’heure où certains veulent rétrécir l’image de la France à un pays étriqué, recroquevillé sur ses frontières et peureux. À l’heure où certains voient l’ouverture comme une menace, l’autre comme un ennemi et l’échange comme une contrainte, la mer peut nous réconcilier avec nous-mêmes. Elle nous force à travailler avec les autres. Elle oblige à la réflexion. Elle propose un avenir : mais c’est à nous de le conquérir.

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