Les différentes interventions ont été éclairantes sur ce sujet de la compensation, qui est intervenu de façon quelque peu impromptue dans la discussion du projet de loi sur la biodiversité. Nous n'avons pas eu le temps d'en débattre en séance alors qu'il s'agit d'un sujet essentiel.
La compensation est l'ultime recours, mais on oublie trop souvent les phases d'évitement et de réduction. La compensation complète n'est pas possible, et ce principe même est fortement critiqué. Finalement, il est impossible de recréer les milieux naturels qui ont mis des siècles à se constituer. Il nous semble donc très dangereux de mettre en place une procédure de compensation sans la faire précéder d'une obligation d'évitement et de réduction. De fait, le projet de loi ne prévoit pas de procédure visant à tout faire pour éviter et réduire les atteintes portées à la biodiversité, ce qui est possible dans de nombreux cas. Par exemple, construire une autoroute sur pilotis, comme j'en ai vu dans certains pays, n'est-ce pas une action d'évitement, d'une partie en tout cas, de la destruction du milieu ?
Il devrait y avoir une obligation de réduire les atteintes à la biodiversité. J'ai ainsi défendu des amendements tendant à la préservation, dans les zones construites, de la végétation et de la perméabilité des sols. On pourrait tout de même réfléchir au moyen de ne pas avoir un monde où se côtoieraient, d'un côté, des espaces urbanisés d'où la biodiversité serait totalement absente, et d'un autre côté, des réserves totalement naturelles.
Quel genre d'obligation recouvrent les opérations de compensation dont on parle : l'obligation de moyens ou de résultats ? Déterminer si la compensation va réussir au bout de plusieurs années suppose des connaissances très solides, des calculs complexes sur la valeur de la biodiversité qui est détruite et celle qui pourrait être remplacée. Si l'opérateur n'a qu'une obligation de moyens, le risque est très grand que la compensation soit finalement un échec. L'obligation de résultats devrait être la règle et l'opérateur devrait être engagé sur une longue période, même si cela entraîne une incertitude sur le coût de la compensation et donc sur l'investissement initial. Cette incertitude économique ne doit pas primer sur la biodiversité, qui est essentielle.
Or la biodiversité est détruite immédiatement lors d'un aménagement, et elle n'est restaurée que progressivement par une opération de compensation. Il y a donc une perte nette de biodiversité pendant de nombreuses années, parfois des décennies. À terme, la compensation doit être au minimum intégrale.
Qui doit opérer la compensation ? C'est tout le débat entre compensation par la demande et compensation par l'offre. Le projet de loi prévoit d'instaurer les opérateurs de la compensation, dont CDC Biodiversité fait partie. Pourtant, l'aménageur ne devrait pas pouvoir se dédouaner de ses responsabilités en payant un opérateur de compensation. Payer pour avoir le droit de détruire la biodiversité est un processus dangereux qui ne peut que déboucher, à terme, sur de véritables banques d'actifs naturels. La financiarisation de la biodiversité n'est pas le bon chemin. Le risque est très grand que les opérateurs de compensation s'accaparent des terres et que l'existence d'un marché de la compensation incite in fine à la destruction de la biodiversité.
La compensation doit-elle se développer sur site ou hors site ? Que faire lorsque la compensation sur site n'est pas possible ?
Un écosystème détruit doit-il forcément être remplacé par un écosystème similaire ? Par exemple, l'artificialisation d'une zone humide peut-elle être compensée par la sauvegarde d'une espèce animale emblématique ? Cette deuxième option suppose des calculs scientifiques complexes d'équivalence écologique. Quant à la compensation dite « trait pour trait », elle est préférable mais compliquée à mettre en place.
Les dérives des systèmes de compensation ont été pointées, notamment aux États-Unis. Au final, il y a une perte nette de biodiversité puisqu'aucun espace de biodiversité n'a été créé. Surtout, rien n'empêche que l'espace protégé durant tant d'années ne soit pas détruit une fois que l'opérateur sera relevé de ses obligations.