Intervention de Patrice Carvalho

Réunion du 27 janvier 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Le maître d'ouvrage ne doit pas être le seul à assurer la gestion des compensations, car il est à la fois juge et partie. Et une fois qu'il a construit, il n'achète plus rien. C'est donc à l'État d'assumer cette responsabilité, mais il ne le fait pas toujours non plus.

Dans le Compiégnois, suite à des inondations, des digues très hautes ont été construites puis transformées en mur sans aucune autorisation et sans que l'État ne s'en inquiète. Puis, on a créé des pistes cyclables de plusieurs mètres de haut, pour que les gens puissent se promener sur le bord de l'Oise. Aujourd'hui, le préfet est en train de laisser industrialiser complètement, entre Compiègne et Creil, des terres qui constituent une zone d'expansion de l'Oise sur cinquante kilomètres au prétexte qu'il est plus facile d'urbaniser dans le lit des rivières que sur les plateaux. Comment peut-on compenser une rivière ? C'est impossible ! Bien sûr, des critères seront définis, par exemple ne pas construire en dessous de cinquante centimètres de la crue de 1993. Il n'empêche que des obstacles seront créés à l'écoulement normal des rivières, au maintien et au développement de la biodiversité. Si vous allez sur Compiègne, vous verrez que l'on continue à remblayer tout doucement, sans autorisation, des gravats, de la terre, et autres dans des champs utiles à la biodiversité.

Il faudrait également se soucier de compenser le dommage causé par les terres agricoles ou les exploitations forestières : les sols ne laissant plus pénétrer l'eau de pluie, la biodiversité disparaît tout doucement. À l'échelle du territoire de la France, ce phénomène est impossible à compenser. Il faudrait envisager une autre politique de compensation qui viserait à rendre ou à conserver à la terre sa perméabilité.

Le lit de l'Oise comprend beaucoup de gravières. Durant les décennies où notre rivière était complètement polluée, ces espaces, parfois très grands, ont servi de refuge aux animaux. Aujourd'hui, ils sont pratiquement devenus des sites ornithologiques dont nous avons organisé la protection et le suivi avec les associations compétentes. L'État ne nous aide pas au motif que les gravières sont une agression contre la terre. Mais elles sont le résultat d'une histoire ! Comment peut-on encore en prendre prétexte pour ne pas aider les collectivités qui veulent permettre à la biodiversité de se développer ?

Pour avoir été chargé, pendant huit ans, des routes du département de l'Oise, je connais bien les problèmes qui s'y rattachent. Certaines routes ont nécessité dix ans d'études, parce qu'on trouvait sur leur tracé, ici une chauve-souris exceptionnelle, là une orchidée remarquable ou encore le râle des genêts – que, pour ma part, je n'ai jamais vu (Sourires). J'entends qu'il faut assurer fluidité et maillage. Mais l'erreur originelle, c'est de vouloir construire ailleurs que sur les plateaux où se trouvent les routes, là où il n'en existe pas. J'ajoute que les terres qui sont dans les lits majeurs des rivières sont aussi riches, parfois beaucoup plus, que celles des plateaux parce que les alluvions s'y déposent.

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