Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances :

Je vous remercie pour votre accueil monsieur le président.

Sachez tout d'abord que je partage vos obsessions, n'étant pas moi-même un maniaque de la fiscalité, laquelle constitue pourtant un outil efficace au service de la justice et de la politique économique. Notre objectif est de tenir les engagements du Président de la République, c'est-à-dire d'inverser la courbe du chômage avant un an, de redresser le pays et de parvenir à une croissance plus élevée en 2014 et 2015.

Nous avons déjà beaucoup fait dans ce sens, au cours d'une période aussi courte que dense. En Europe, sur tous les dossiers importants – pacte de croissance, supervision bancaire, mécanismes de stabilité financière, traitement du cas grec, taxation des transactions financières –, je remarque que la France a toujours joué un rôle moteur. Nous avons obtenu des avancées significatives, qui auraient semblé impossibles il y a quelques mois encore. À l'époque, les éditorialistes s'interrogeaient sur les chances de survie de l'euro ; or la crise de l'euro a pris fin, même si la zone euro est toujours en proie à des difficultés économiques. Reste à passer de la stabilité à la dynamique.

La France a commencé à redresser ses finances publiques, dont le déficit menaçait non seulement notre croissance à long terme mais, plus fondamentalement, notre souveraineté. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour renouer avec la croissance en résistant à la tentation de vivre à crédit, c'est-à-dire sur les générations futures. Six lois financières ont été adoptées depuis le début du mandat. Dès juillet, le vote d'une loi de finances rectificative a ainsi permis de maîtriser les risques identifiés dans l'audit qu'avait réalisé la Cour des comptes. Le budget pour 2013, le plus exigeant du quinquennat puisqu'il vise à ramener le déficit au-dessous de 3 % et à réaliser un effort structurel de 2 points de PIB, a ensuite confirmé notre engagement. La loi organique sur la gouvernance et la programmation des finances publiques crée par ailleurs des garde-fous objectifs pour maîtriser le budget. Enfin, nous avons soutenu la croissance et l'emploi par des mesures d'urgence comme par des dispositifs structurels : emplois d'avenir, soutien au pouvoir d'achat des ménages modestes, augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, revalorisation du SMIC ou du RSA, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.

Alors que l'activité stagne depuis deux ans et que les indicateurs témoignent encore d'une conjoncture dégradée, il est à nos yeux exclu de relâcher la cadence. Nous irons avec détermination vers la croissance au cours de l'année 2013, dédiée aux réformes de structure conçues et votées en 2012. Parallèlement, nous poursuivrons l'assainissement des comptes en nous efforçant d'aider la zone euro à retrouver un juste équilibre entre l'effort d'ajustement budgétaire et la préservation des perspectives de croissance.

La première condition pour relancer l'activité en France est d'aider la zone euro à sortir de la spirale de la récession. Lors d'un déplacement récent à Pékin, j'ai rencontré le futur Premier ministre de Chine, M. Li Keqiang, et présenté les atouts de la France à des investisseurs étrangers. Pour les mettre en confiance, il faut d'abord leur prouver que la zone euro a fait le nécessaire pour se stabiliser. D'où l'importance de poursuivre le travail de fond sur les dossiers européens. Nous le ferons cette année en élaborant le programme de travail de l'Eurogroupe, en finalisant l'instrument de recapitalisation directe du mécanisme européen de stabilité et en préparant le semestre européen. L'enjeu de ces échéances, qui peuvent paraître abstraites, est le retour de la croissance dans la zone euro qui, après s'être stabilisée, doit désormais se relancer et prendre de l'altitude. À cet égard, la France ne manquera pas de faire valoir ses vues sur la stratégie économique et budgétaire à suivre.

En 2013, il faudra également prêter une attention particulière aux tentatives de consolidation des États membres. Dans une zone euro en récession, on doit trouver un équilibre entre la nécessité de minimiser l'effet négatif à court terme des efforts de redressement des comptes publics sur la demande, et l'importance de préserver la crédibilité des plans d'ajustement à moyen terme. Parce que les pays de la zone euro ne sont pas tous dans la même situation – les uns sont excédentaires, d'autres déficitaires –, leurs stratégies doivent se différencier. Enfin, nous continuerons à défendre une véritable fonction contracyclique, complément logique de l'union monétaire.

Outre le volet européen, nous mènerons en parallèle de grandes réformes de structure indispensables pour rétablir durablement notre compétitivité. La première vise à améliorer le financement de l'économie. La BPI, dont l'Assemblée nationale a voté la création, est désormais sur les rails. Elle tiendra son premier conseil d'administration le 21 février prochain à Dijon. Depuis le 3 janvier, un nouveau dispositif de garantie publique facilite la délivrance de crédits de trésorerie aux TPE et aux PME, ce qui permettra de débloquer plus de 500 millions d'euros de crédit. À présent, nous devons nous concentrer sur le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

En février, comme vous l'avez signalé en introduction de cette rencontre, l'Assemblée nationale examinera le projet de loi portant réforme bancaire et financière, qui s'inscrit dans le plan d'ensemble visant à améliorer le financement des entreprises. Il s'agit de recentrer les banques sur leur coeur de métier, qui consiste non à spéculer pour leur propre compte mais à financer l'économie réelle. Je porterai devant vous cet engagement de François Hollande pendant sa campagne. Je suis tout disposé à accepter des amendements, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, sur ce projet de loi, qui prévoit le strict cantonnement des activités risquées et prend en compte l'aléa moral des actionnaires.

Afin de faciliter le financement des entreprises par le crédit et le renforcement de leurs fonds propres, je proposerai également au premier semestre une réforme de la fiscalité de l'épargne, une fois rendues les conclusions des deux parlementaires chargés d'une mission sur ce sujet, Karine Berger et Dominique Lefebvre.

Tel est le coeur de la bataille pour l'emploi, qui se jouera aussi sur le front des politiques structurelles. L'Assemblée nationale examine aujourd'hui le projet de loi portant création du contrat de génération. L'accord sur la sécurisation de l'emploi qui vient d'être obtenue entre les partenaires sociaux sera fidèlement transcrit dans un projet de loi qui sera adopté en Conseil des ministres début mars et promulgué fin mai. Il était loin d'être acquis, mais le pari de la confiance l'a emporté. La France a prouvé qu'elle pouvait réformer le marché du travail par le dialogue : à l'étranger, sachez que cet accord a bénéficié d'un accueil exceptionnel.

Le chantier des réformes de structure comprendra également un volet sectoriel en cohérence avec les orientations du séminaire gouvernemental sur les investissements d'avenir. Au cours de cette réunion, nous avons défini une stratégie d'investissement public et privé. S'il est hors de question de faire appel à des ressources budgétaires supplémentaires, nous devons mobiliser l'épargne des Français qui reste abondante, et l'orienter vers des secteurs comme les infrastructures de transport, le numérique ou le logement, dans lesquels les besoins sont fondamentaux.

La baisse du taux de rémunération du livret A, qui a été décidée ce matin, préserve néanmoins le pouvoir d'achat des Français puisqu'elle tient compte de la diminution de l'inflation observée depuis quelques mois. Elle permet aussi de faire passer la baisse des taux d'intérêts dans l'économie, et de réduire le coût de la ressource pour les organismes de HLM, qui en étaient demandeurs. Le Gouvernement et la Banque de France ont trouvé un point d'équilibre puisque, avec un taux à 1,75 %, le rendement du livret A n'a jamais été plus élevé depuis deux ans. Je rappelle quand même qu'il était négatif en février 2012, quand le précédent ministre des finances avait maintenu le taux à 2,25 % alors que l'inflation montait à 2,4 %.

Pour aller vers davantage de croissance en 2013, il faut aussi mettre en oeuvre de manière concrète les mesures du Pacte de compétitivité. Nous avons beaucoup avancé sur son application, puisque la Représentation nationale a voté la création du CICE, validée par le Conseil constitutionnel. Ce dispositif permettra de dégager des marges financières pour embaucher, alors que, depuis dix ans, les entreprises françaises perdent des parts de marché et reculent face à la concurrence internationale. Nous ne leur faisons pourtant pas un chèque en blanc. Un projet de loi détaillera les contreparties : gouvernance des entreprises, rémunération des dirigeants, dispositions permettant de contrer les OPA hostiles, conformément à l'engagement pris au cours de la campagne présidentielle.

Les consommateurs ne seront pas oubliés. Je présenterai prochainement avec Benoît Hamon une grande loi sur la consommation, qui visera notamment tant à réduire les délais de paiement qu'à favoriser le pouvoir d'achat du consommateur. D'autres mesures du pacte seront concrétisées en 2013 : simplification de l'environnement réglementaire des entreprises, démocratisation de l'accès au financement export…

Nous poursuivrons ces réformes en menant de front l'assainissement des finances publiques, signe que les travaux de votre Commission et ceux de la Commission des finances ne sont pas contradictoires. Je serai d'ailleurs très heureux de venir plus souvent devant vous car le ministre des finances traite aussi des dossiers économiques. Notre travail a déjà porté ses fruits. Le résultat préliminaire de l'exécution du budget pour 2012 fait état d'un déficit de 87,2 milliards d'euros. Nous avons tenu, à 1 milliard près, l'objectif de 4,5 % du PIB ; l'opposition n'a donc pas de leçons à nous donner sur ce point.

L'exécution budgétaire passe par la maîtrise de la dépense de l'État, qui a manqué pendant des années. Des moins-values fiscales ont été constatées non sur l'impôt sur les ménages ou les entreprises mais sur la TVA, ce qui s'explique par le ralentissement de la croissance au second semestre. L'année 2013 sera marquée par des rendez-vous importants : installation du Haut conseil des finances publiques en mars, programme de stabilité devant la Commission européenne en avril, préparation des textes financiers pour 2014, sans parler du processus de modernisation de l'action publique lancé par le Premier ministre. Nous devons rendre visibles et effectives les économies qui interviendront dans la dépense publique.

La maîtrise des finances publiques est une condition de la compétitivité et de la croissance mais la réduction du déficit doit être conduite de façon intelligente, c'est-à-dire en préservant la demande et en protégeant tant le pouvoir d'achat des couches populaires et moyennes que les capacités d'investissement des entreprises. Je pense que nous avons trouvé cet équilibre avec le projet de loi de finances pour 2013.

Durant le dernier semestre, les deux assemblées ont travaillé à un rythme soutenu avec le Gouvernement. Cette collaboration a été fructueuse, puisque, à chaque étape, les textes ont été enrichis, approfondis et précisés. Je remercie tous les députés, à commencer par ceux de la majorité, et je leur rappelle ma disponibilité tant pour participer aux débats économiques que pour porter les textes que j'ai annoncés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion