Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances :

Monsieur Peiro, je vous remercie de l'appréciation que vous avez portée sur notre action au plan européen et sur la maîtrise des comptes publics.

C'est un sujet crucial que le financement des collectivités territoriales, qui représentent 75 % de l'investissement public, soit 18 à 19 milliards d'euros par an. Dans ce domaine, la défaillance de Dexia a constitué un véritable cataclysme. L'action du Gouvernement comprend sur ce sujet plusieurs dimensions. Aux actions d'urgence comme la mobilisation de 5 milliards d'euros de fonds d'épargne pour résoudre le cas Dexia, s'ajoute une action structurelle. Une fois stabilisée la situation de Dexia et de sa filiale DMA (Dexia Municipal Agency), nous avons pu lancer une offre à moyen terme de 4 à 5 milliards et, grâce à la coopération de l'État, de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, mettre en place le véhicule financier dont les collectivités ont besoin. La nouvelle banque des collectivités territoriales est sur le point d'être lancée. Pour combler les défaillances du marché, nous avons prévu une enveloppe durable de fonds d'épargne de 20 milliards sur cinq ans, destinée à financer à long terme des domaines comme les infrastructures ou le numérique, que nous entendons privilégier.

Il restera cependant des « trous dans la raquette ». Il incombe donc aux préfets de nous alerter sur les difficultés financières que peut connaître telle ou telle collectivité mais les problèmes de ressources ou de canal doivent disparaître. Par ailleurs, chaque fois que je suis en contact avec la Fédération bancaire française, j'incite les banques à changer de comportement et à financer de manière proactive les collectivités territoriales. Nous nous efforcerons en outre de résoudre le problème dramatique causé par les prêts toxiques.

Au final, l'offre de financement, qui doit permettre de couvrir les besoins, comprend 10 à 11 milliards des banques, 4 à 5 milliards par an de la Banque postale, 2 milliards de ressources obligataires, 2 milliards de la Banque européenne d'investissement (BEI) et 4 milliards de fonds d'épargne. Président d'une agglomération jusqu'en juillet, je sais combien il est difficile de trouver des financements, même pour une collectivité qui a pignon sur rue. Il fallait agir : le Gouvernement l'a fait.

M. Piron m'a interrogé sur la réduction des dépenses. Le Gouvernement a lancé une démarche ambitieuse de modernisation de l'action publique. À ce titre, l'Assemblée a voté une économie de 10 milliards d'euros dans le budget de l'État pour 2013 : une réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement, grâce à la maîtrise de la masse salariale et à la diminution des dépenses de communication, et une diminution des dépenses d'intervention. Quarante politiques publiques, comme les aides aux entreprises, la politique du logement, les aides à la famille ou la politique maritime, seront ensuite expertisées de manière transversale. Sans refaire une RGPP, car nous entendons privilégier la concertation, prendre en compte les besoins des usagers et dialoguer avec les acteurs du secteur public plutôt que de prendre mécaniquement des décisions abruptes, nous économiserons en cinq ans 60 milliards d'euros sur la dépense publique. Les citoyens français attendent que la puissance publique, tout en conservant la qualité du service public, prenne sa part de l'effort consenti par la collectivité. Pour être l'élu d'une circonscription très populaire, je sais que les électeurs ne sont pas particulièrement complaisants à son égard.

La France est le premier pays d'Europe à engager une réforme bancaire. On oublie souvent deux choses quand on compare notre pays au Royaume-Uni. D'abord, le rapport Vickers prévoit une réforme applicable au mieux en 2019 alors que la nôtre sera discutée dès 2013. Ensuite, notre système bancaire n'est pas celui de la Grande-Bretagne et notre objectif n'est d'ailleurs pas d'importer le modèle anglo-saxon ni de développer des Goldman Sachs à la française. Pour élaborer ce projet, j'ai consulté les banques, puis la Fédération bancaire française, puis les associations d'usagers et de consommateurs. Celles-ci ont leur mot à dire sur le surendettement et l'inclusion bancaire de populations pauvres ou précaires car la réforme concerne non seulement les structures mais également les gens : elle doit réduire des inégalités dont nos concitoyens souffrent au quotidien. Enfin, j'ai tenu à interroger tous les syndicats du secteur bancaire : ils se disent tous très attachés à la banque universelle. Ainsi, les syndicalistes de BNP-Paribas, par exemple, ne souhaitent pas retrouver la BNP, d'un côté, et Paribas, de l'autre. Il faut donc séparer non les structures mais les activités. Je ne suis pas favorable à un Glass-Steagall Act à la française, qui risquerait tout au plus d'affaiblir les banques de dépôt et de rendre les banques d'affaires moins compétitives, ce dont rêvent peut-être certains milieux anglo-saxons.

Je suis ouvert à tous les amendements qui permettant d'améliorer le texte – je l'ai montré à l'occasion de la BPI –, mais nous devons nous méfier de toute surenchère qui se retournerait contre nos banques et contre les emplois. Contrairement à ce que j'ai pu lire, je ne me range pas aux arguments de la Fédération bancaire. Je ne suis pas le « copain des banquiers », qui ne se sont pas particulièrement réjouis à l'annonce de l'examen de ce texte. Au reste, ils ne se sont pas plaints, non plus, car j'ai le souci que nos banques restent compétitives : mon but est de mener une véritable réforme, que je souhaite approfondir avec vous.

J'en viens à la réforme fiscale. La loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives ont apporté des modifications très substantielles à notre système fiscal, à commencer par l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il n'y a pas de raison que certains s'enrichissent en dormant pendant que d'autres s'appauvrissent en travaillant ! En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, nous avons procédé à des transferts de grande ampleur. Grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi, nous taxons moins l'emploi. Avec l'extension du crédit d'impôt recherche à l'innovation dans les PME-PMI, nous taxons également moins la recherche et l'innovation. En garantissant aux PME la pérennité de leur fiscalité pendant cinq ans, nous leur offrons une stabilité fiscale. En revanche, nous sollicitons davantage les grandes entreprises dont les capacités contributives sont supérieures. Les mesures fiscales adoptées réduisent ainsi d'un tiers l'injuste écart de taxation entre les PME et les grands groupes. Bref, nous voulons encourager l'investissement, la recherche et les embauches. Nous continuerons en ce sens.

J'en viens à la Banque publique d'investissement. Nous ne partageons peut-être pas tout à fait les mêmes convictions, cher monsieur Chassaigne – je n'ai pas oublié que le groupe communiste souhaitait la constitution d'un grand pôle financier public. Convenez cependant que nous avons construit une vraie banque publique d'investissement. Elle a vocation à financer les projets et le développement des entreprises, bref à amorcer la pompe qui les aidera à monter en gamme – puisque tel est notre principal handicap par rapport à l'Allemagne notamment.

Nous n'avons pas voulu avoir vingt-deux banques régionales comme le souhaitaient certains. Le pari aurait été risqué. Du reste, toutes les régions ne le souhaitaient pas non plus, et le risque final aurait dû être supporté par une garantie d'État. Mais il importe que le système soit très déconcentré ; les régions seront d'ailleurs associées à la gouvernance et 90 % des décisions seront prises au niveau régional. Enfin, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a été intégré à la BPI, notamment pour conduire des politiques de filière.

La réforme bancaire n'est pas en retrait par rapport aux engagements de François Hollande, madame Bonneton : elle met bien en oeuvre une séparation claire des activités. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé en conseil des ministres l'importance de cette réforme, qui préserve en particulier les intérêts des contribuables et des déposants.

Je suis par ailleurs ouvert aux amendements traitant des paradis fiscaux qui pourraient être déposés dans le cadre de la discussion du projet de loi. J'ai rencontré les sénateurs écologistes et pris bonne note de leurs intentions à cet égard.

En ce qui concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, les États membres volontaires demanderont fin janvier au conseil des ministres l'autorisation de participer à une coopération renforcée que la Commission proposera de lancer en 2013. Nous devrions avancer sur ce dossier dès le conseil Ecofin du 22 janvier.

Les taux de TVA vont être modifiés – ainsi en a décidé le Parlement dans le cadre du vote sur le crédit d'impôt compétitivité emploi. Mais nous disposons d'un peu de temps pour réfléchir sur les secteurs qui pourraient bénéficier d'adaptations en 2014. J'ai déjà eu l'occasion de préciser – en réponse à une députée de votre groupe – que le logement social ferait sans doute partie de ceux-ci. Il n'y a cependant pas lieu de précipiter les choses, puisque ce n'est qu'au 1er janvier 2014 que les modifications annoncées entreront en vigueur. Prenons le temps de la réflexion, afin de définir un « paquet » d'ensemble. Il n'est d'ailleurs pas interdit à votre commission de participer à cette réflexion – sachant qu'il faut identifier ce qui s'équilibre financièrement, mais aussi ce qui sert à l'activité économique.

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